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Vers un Maroc Nouveau : la Constitution garantit l'autonomie régionale

La perspective d'une régionalisation en faveur des provinces sahariennes du Royaume constitue, à n'en pas douter, un test exceptionnel pour apprécier la problématique actuelle de la régionalisation.

05 Novembre 2004 À 16:04

« Si nous nous sommes engagées dans les négociations pour une solution juste et permanente sur la base de l'accord des Nations unies auquel nous sommes restés attachés, c'est parce qu'il a été l'objet d'un large consensus international et parce qu'il s'inscrit avant tout dans le cadre du respect de la souveraineté marocaine et de son intégrité territoriale et est en parfaite conformité avec nos orientations stratégiques basées sur la démocratie, la régionalisation, la décentralisation et la sauvegarde de la stabilité de la région du Maghreb Arabe et le renforcement de l'unité des peuples de la région au lieu de leur déchirement par la fabrication d'entités fictives », souligne S.M. le Roi Mohammed VI dans un discours historique prononcé le 6 mars 2003 à Laâyoune.

En effet, le projet de décentralisation constitue une avancée démocratique dans la perspective d'une gestion par les citoyens de leurs affaires locales, provinciales et régionales. Il se propose de mettre en valeur une meilleure intégration de la région, et en particulier des provinces sahariennes récupérées et de leurs habitants. Cette vision-là avait déjà été expliquée dans le discours historique du regretté Souverain feu S.M. Hassan II, d'octobre 1984, à Fès, lequel prônait pratiquement le modèle allemand des « Ländern ». Ce modèle correspond à la prise en compte de certaines spécificités, qu'elles soient ethniques, culturelles, linguistiques, religieuses, et il se rapproche de l'Etat fédéral.

Cette autonomie régionale se trouve en outre garantie par la Constitution. Elle est également protégée par les cours constitutionnelles. Les différentes révisions constitutionnelles témoignent du désir d'assurer une complémentarité positive entre la démocratie locale et la démocratie politique qui devrait se pratiquer à l'échelle nationale. L'excessive centralisation du pouvoir a prouvé sa stérilité et s'est révélée en rupture quasiment constante avec la société civile. C'est dans ce sens que la décentralisation prend toute sa signification en tant que mode de décision et forme d'expression du pouvoir.

Inutile de rappeler que la région est présente dans la plupart des projets de développement social, économique et administratif. La recherche de l'équilibre régional a été un des soucis majeurs des décideurs dans la politique des domaines relevant des infrastructures de base. Aussi, la décentralisation, la déconcentration de la gestion et l'administration de proximité étaient-elles des éléments constants de la politique générale du Maroc. Des impératifs d'ordre politique sont venus pour renforcer d'avantage cet élan pour faire de la région, un espace de concertation et de formation qui doit promouvoir encore davantage l'ancrage de la démocratie et permettre la mise en oeuvre d'une véritable politique de développement rural (Bulletin Officiel n° 4470 du 3 avril1997).

Ainsi, après avoir été promulguée dans le cadre du Dahir du 16 juin 1971 portant création des régions économiques, la régionalisation a été réellement mise à l'épreuve par la création des collectivités locales à partir de 1992. La constitution de 1992, a, ainsi, érigé la région au rang de collectivité locale, rôle confirmé par la constitution de 1996. La région a été élevée au rang de collectivité locale aux termes de l'article 100 de la constitution de1996 et c'est le Dahir du 2 avril 1997 qui en fixe le cadre institutionnel, structurel et juridique.

Ce Dahir et le décret du 17 août 1997 ont tracé le découpage du territoire national en 16 régions, dotées de la personnalité morale et de l'autonomie financière, ainsi que de substantielles prérogatives, susceptibles d'en faire un instrument efficient de développement régional et local. La loi 96-47 relative à l'organisation de la région est la première loi issue d'une nouvelle culture politique fondée sur la concertation et le consensus.

Une décentralisation a été engagée en juillet 2001 par la nomination de walis, dotés en janvier 2002 de pouvoirs très importants. Déconcentration et décentralisation sont des instruments privilégiés de la modernisation politique et administrative. Elles permettent une gestion publique plus rationnelle et une vie politique locale plus démocratique. La région, en tant qu'entité politique novatrice, est appelée à favoriser la synergie entre Etat central et vie institutionnelle locale, par le biais d'une meilleure proximité, et partant, d'une meilleure communication entre la capitale et les provinces. Il est toujours amer de constater que les dossiers les plus importants sont encore traités à Rabat, ce qui va à l'encontre de la gestion moderne de l'Etat et du nécessaire rapprochement du pouvoir des citoyens. Il ne peut y avoir de décentralisation sans déconcentration.

C'est en révisant la conception et le rôle de l'Etat au niveau local qu'on pourrait créer les conditions d'un contre-pouvoir communal ou régional. En perspective, le processus de régionalisation mis en œuvre depuis 1997 est appelé à connaître une certaine accélération. Cela impliquera sans doute, (comme l'a souligné Abdallah Hafidi Sbaî, spécialiste des affaires sahariennes, dans un entretien accordé au « Matin » (une révision du découpage régional pour plus d'équilibre, ainsi qu'une réforme constitutionnelle pour mieux cerner la répartition des compétences entre les niveaux central et régional.

La décentralisation, fruit d'une accumulation historique séculaire

Avant la colonisation du pays, pendant la période coloniale et après l'Indépendance, l'idée a progressé et a pris de la consistance.
Le Maroc s'est tôt engagé dans un laborieux processus de modernisation administrative dans lequel les paramètres de la décentralisation, de la déconcentration et de la régionalisation ont occupé une place majeure. Conscientes de la gravité de l'héritage légué par le protectorat, les autorités marocaines ont dû rompre avec le passé pour jeter les bases d'une nouvelle organisation administrative de proximité.

Ce choix volontariste et déterminé de feu le Roi Mohammed V a permis au Maroc d'inaugurer dès 1959 une pratique moderne de l'autonomie locale avec la mise en place de 800 collectivités territoriales de base, la mise en œuvre d'un système électif et pluraliste pour la désignation des conseils communaux et l'adoption du suffrage universel direct. Le Maroc a opté pour la décentralisation dès les premières années de l'Indépendance avec la première organisation communale de 1960. En effet, la Charte de 1960 s'est voulue une initiation à la démocratie locale.

Le Dahir du 16 juin 1971 marque par conséquent la consécration juridique de la région en tant que cadre de déconcentration et instance de consultation. Dans son article 2, ce Dahir définit la région « comme un ensemble de provinces qui , sur les plans tant géographique qu'économique et social entretiennent ou sont susceptibles d'entretenir des relations de nature à stimuler leur développement, et de ce fait, justifient un aménagement d'ensemble».

Parallèlement à la mise en place du dispositif régional conçu par la loi de 1971 de nouvelles dispositions définissant le cadre d'intervention économique en vue d'une dynamisation de l'action communale ont été adoptées. C'est ainsi que le Dahir du 30 septembre 1976, relatif à l'organisation communale, a conféré au conseil communal le droit de «définir le plan de développement économique et social de la commune conformément aux orientations et objectifs retenus par le plan national…».

L'année 1984 constitue le point de départ d'une nouvelle conception de la régionalisation. Des précisions sont progressivement apportées quant à la nature et au rôle du nouveau dispositif à mettre en place. Le Roi voulait marquer le dépassement de la région de 1971 et souhaitait une région institutionnelle à pouvoir délibératif. Le discours de 1984 s'est prononcé en faveur de la refonte du statut de la région, en créant des structures régionales «avec des compétences législatives, financières et administratives lui permettant de s'affirmer, de connaître ses besoins, d'évaluer l'échelle de ses priorités et d'exprimer collectivement, nonobstant la diversité des partis et des courants politiques, ses aspirations, d'être le porte-parole, le promoteur, le planificateur, l'édificateur et l'exécutant sur son territoire».

Dans le même discours, il précise que les régions seront dotées de «conseils qui auront leurs propres pouvoirs législatifs et exécutifs et disposeront d'un corps de fonctionnaires. Vous devez vous-mêmes prendre une décision et non la capitale Rabat où réside le Roi …». De même, le Roi fera–t-il expressément référence au modèle des «ländern» allemands.

Les compétences énumérées dans le discours du 24 octobre 1984 rompent totalement avec le système centralisateur de 1971, et annoncent un changement politico-administratif d'une importance considérable quant à l'organisation juridique et institutionnelle de l'ensemble
national.
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