A cœur ouvert avec Younes El Aynaoui : «Le véritable malaise se situe au niveau des clubs et du manque d'infrastructures»
La écrit en lettres d'or les plus belles pages du tennis national et mondial. Il a ému aux larmes des millions de fans qui ont suivi son parcours. Lorsqu'en 2001, il leva bien haut le fameux Trophée Hassan II au complexe Al Amal à Casablanca, c'est toute
LE MATIN
03 Janvier 2005
À 15:22
Younes El Aynaoui avait définitivement conquis les cœurs. Mais après une longue absence, c'est le doute et les incertitudes qui prennent le relais.
La blessure dont il a souffert a donné libre cours aux rumeurs sur la fin de son parcours. Mais c'était sans compter sur sa détermination et sa volonté pour rebondir sur la scène internationale. Il a choisi le cadre idyllique d'Ifrane pour une bonne préparation tant sur le plan physique que mental, en compagnie de deux jeunes, Roudami et Ziadi. Après une première tentative infructueuse pour le rencontrer dans la cité des cèdres, en raison des routes barrées par l'abondance de la neige, Younes a bien voulu faire un petit détour du côté du COC tennis pour se prêter à notre entretien.
Younes, pouvez-vous nous expliquer la nature exacte de cette blessure et aussi à quel moment avez-vous senti que vous resteriez éloigné des courts ?
C'est une blessure que j'ai commencé à ressentir au niveau de l'aponévrose plantaire tout juste après le Masters series de Madrid en 2003, quand j'ai perdu en demi-finale contre Nicolas Massu. Cela s'est enchaîné à Bercy puisque j'ai dû abandonner face à Hicham Arazi. En fait, c'est un ligament de la plante du pied qui me faisait mal si bien que je n'arrivais pas à marcher normalement. J'avais besoin d'un traitement spécial, en particulier le port d'une attelle pour garder le pied rigide et du repos.
J'ai dû, la mort dans l'âme, rester éloigné des courts pendant deux mois et ce n'est qu'au début de l'année 2004 que j'ai entamé la saison par les tournois de Doha et d'Australie, mais les résultats n'ont pas suivi. Je n'ai pas joué la Coupe Davis contre l'Argentine, et j'ai dû attendre le tournoi de Cincinnati au mois d'août pour reprendre la compétition et les Jeux Olympiques avec deux défaites contre respectivement Henman et Rbaty. Mais c'est lors de l'US Open que je me suis terriblement blessé. J'avais trop mal et je ne pouvais plus jouer.
Autrement dit, cette situation s'est répercutée sur votre classement, comme ce fut le cas il y a quelques années. Comment ressentez-vous cela ?
Non, je dispose toujours de mon dernier classement, c'est-à-dire la 27e place que j'avais après le tournoi de Cincinnati. Les règlements de l'ATP sont clairs. Il y a ce qu'on appelle le " protecting ranking " qui permet à un joueur blessé de garder son classement pendant neuf mois ou huit tournois. Le calcul est fait en fonction de la moyenne de l'année. Donc ce classement me donne uniquement la possibilité de rentrer directement dans un tableau final. Les points gagnés dans un tournoi amélioreront le classement réel qui doit se situer au-delà de la 500e place. Evidemment, cela n'est pas très reluisant mais on ne peut rien contre le destin. J'ai ressenti une certaine frustration surtout pour la Coupe Davis qui me tiens à cœur et que j'aurais aimé jouer.
Cela est très important dans la mesure où ça a toujours été notre rêve de faire partie du groupe mondial. Mais j'espère que tout s'arrangera dans les semaines à venir.
Comment se déroule cette préparation à Ifrane ?
Dans les meilleures conditions possibles. C'est un isolement total. Je pense que c'est le lieu idéal pour une bonne préparation. Mon programme est basé sur le physique puisque j'ai fait beaucoup d'endurance, de longs footing, de la musculation, de la natation et aussi des matchs avec deux jeunes, en l'occurrence Mohcine Roudami et Mehdi Ziadi. On a bénéficié des installations de l'Université Al Akhawayn. J'ai fait des séances de musculations pour que le muscle ne flanche pas avec le kiné de Abdelkader Mouaaziz qui venait de Fès et que je tiens à remercier pour sa disponibilité.
Avec une telle volonté, peut-on dire que vous êtes prêt pour rebondir sur la scène internationale ?
Oui. J'espère être au top tout juste après Doha. Je vais cibler les tournois sur terre battue comme Dubaï , Indian Wells, Miami, la Coupe Davis et le Grand Prix Hassan II.
Votre absence a été cruellement ressentie au point que le Maroc n'a pas pu assurer son maintien dans le groupe mondial. Pensez-vous que la relève a fait défaut ?
Comme je l'ai dit, ce fut une frustration mais parfois il faut être réaliste et se dire que derrière nous c'est un peu le vide. Contre l'Argentine ou l'Australie la barre était trop haute pour les jeunes. Hicham Arazi était démoralisé et il faut le comprendre. Si on n'a pas des joueurs dans les 50 premiers, il est difficile de jouer les premiers rôles. On n'avait aucune chance. Je n'ai pas voulu aller en Australie parce qu'il y avait une préparation qui s'est faite avec les jeunes et je ne voulais pas perturber leur sérénité. Aujourd'hui, comme beaucoup de monde, je déplore cette absence de relève à la hauteur qui puisse donner au Maroc la place qu'il mérite sur l'échiquier international.
A quoi attribuez-vous cette absence de jeunes capables de reprendre le flambeau ?
Le véritable malaise se situe au niveau des clubs et du manque d'infrastructures. Je pense que l'ambiance dans les clubs a particulièrement diminué. Il y a moins de compétitions et en particulier pour les joueurs de première série. On n'a pas visé le sport de haut niveau et on s'est contenté d'un sport-loisir. Cela n'a pas fait avancer les choses. Songez qu'il n'y a plus un seul ramasseur qui a percé alors qu'il fut un temps où c'était eux qui émergeaient. Certains parents ont aussi voulu aller très vite en envoyant leurs enfants assez tôt à l'étranger où le jeune est le plus souvent livré à lui- même, alors qu'au Maroc tout se prête à une bonne formation. Aujourd'hui, nous nous retrouvons avec un ou deux jeunes qui peuvent se lancer dans le circuit professionnel et c'est maintenant qu'il faut les aider. Tout le monde doit mettre la main à la pâte pour leur donner l'envie d'aller le plus loin possible que ce soit au niveau de la fédération que des instances de l'Etat. Sans cela, notre pays ne fera que de la figuration sur le plan mondial. Ni moi, ni Hicham ou les autres ne sommes éternels. Il y a une fin à tout. C'est une évidence.
Quel message voulez adresser aux jeunes ?
C'est de travailler, de travailler et de travailler. Je voudrais qu'ils sachent que quand j'étais jeune, je voyageais rarement. Je disputais beaucoup de tournois ici et je m'entraînais régulièrement. Certes je n'ai pas eu un beau palmarès mais ce sont des efforts qui ont apporté leurs fruits. Autrement dit, un jeune à 14 ou 15 ans et qui ne rechigne pas à l'entraînement percera tôt ou tard. Il faut donc que les jeunes aient une soif de victoires et une volonté de fer pour arriver.
Quel meilleur souvenir gardez-vous de votre carrière ?
Il y en a eu tellement que je ne pourrais les énumérer. Je pense que le tennis m'a apporté beaucoup de joie et énormément de bonheur. Le Trophée Hassan II que j'ai gagné devant le public marocain, ma rencontre contre André Roddick sont autant de moments forts qui resteront inoubliables dans ma carrière. Il faut dire que je n'aurais pas connu ces moments de bonheur sans l'aide de mes parents qui m'ont soutenu dès mes débuts et aussi ma petite famille, mon épouse, mes enfants qui m'ont apporté joie et sérénité. Et je voudrais tellement en donner aux autres. C'est la raison pour laquelle je m'implique de plus en plus dans des actions sociales pour venir en aide aux plus démunis.
Verra-t-on un jour El Aynaoui apporter son expérience au niveau de la fédération ?
Pour aider les jeunes, oui. Mais pas sur le plan administratif. Je suis un homme de terrain et je souhaite mettre mon expérience sur un court avec beaucoup de générosité et de volonté.