L'humain au centre de l'action future

Action - Assaut sur le central 13 de Jean-François Richet : Série B old school

Un Français à Hollywood pour le remake d'un classique de John Carpenter. Jean-François Richet, réalisateur de Ma 6-T va crack-er, se démarque d'un Luc Besson ou d'un Mathieu Kassovitz en jouant résolument la carte rétro. C'est ce qui fait le charme de Ass

08 Mars 2005 À 16:28

Il y a deux films derrière Assaut sur le central 13. Si Jean-François Richet - jeune réalisateur issu du milieu banlieusard populaire dont il s'est inspiré pour Ma 6-T va crack-er - est parti à l'assaut de Hollywood, c'est pour relever un défi : réaliser un remake du classique de John Carpenter, Assaut, lui-même inspiré du western de Howard Hawks, Rio Bravo.

Dans Rio Bravo (1959), le shérif interprété par John Wayne garde un assassin dans sa petite prison en attendant la venue du marchal fédéral. Assisté par un adjoint alcoolique (Dean Martin) et un jeune tireur d'élite, il résiste aux attaques des hommes du tueur qui finissent par attaquer à la dynamite. En 1976, John Carpenter transforme la prison de Rio Bravo en commissariat à la veille de sa fermeture, c'est-à-dire isolé et sans téléphone.

Il y coince l'ennemi public n°1, un condamné à mort et le témoin d'un meurtre poursuivi par des truands. Le poste est défendu par une femme et deux policiers. Les truands donnent l'assaut. Jean-François Richet reprend le central façon Carpenter, en voie d'être désaffecté, et le situe à Détroit, à la lisière d'un bois.

C'est la nuit du 31 décembre, ne restent au poste que Jake Roenick (Ethan Hawke), sergent qui ne s'est jamais remis d'avoir perdu une équipe dans une affaire qui a mal tourné, une femme policier et un policier quasi retraité. Alors que la tempête de neige se déclare, le commissariat écope d'une cargaison de prisonniers comprenant le grand patron de la mafia locale, Marion Bishop (Laurence Fishburne). Le central est rapidement attaqué par une bande de combattants armés jusqu'aux dents. Ses occupants n'ont pas d'autre choix que de résister jusqu'à la fin de la tempête, au moins jusqu'au petit matin.

L'héroïsme vire de bord

La principale originalité de Jean-François Richet se trouve dans le scénario : plutôt que d'opposer forces de l'ordre et gangsters, il fait attaquer le poste de police par des officiers corrompus qui veulent supprimer le parrain "tueur de flics”. Résultat : condamné à cette guerre des polices, le sergent Roenick n'a plus qu'à conclure une trêve avec les malfrats qu'il retient prisonniers afin qu'il tentent de sauver leur peau ensemble.

Ce qui donne lieu à des situations plutôt cocasses. D'autant que Laurence Fishburne oppose au flic paumé joué par Ethan Hawke un personnage inquiétant, sadique mais maîtrisé, professoral, quasi mystique (reprenant même quelques airs de son personnage de Morpheus dans Matrix) et, d'une certaine façon, droit. Si bien que la pire des crapules en vient à faire de l'ombre au pâle officier. C'est même elle qui l'aide à redresser la barre. De Rio Bravo à Assaut nouvelle formule, l'héroïsme pourrait bien avoir changé de bord en cinquante ans.

Pour le reste, Jean-François Richet est davantage du côté de l'hommage que de l'innovation. Loin d'imiter ses compatriotes Luc Besson, Mathieu Kassovitz ou Jean-Pierre Jeunet, qui se sont emparés avec gourmandise des grands moyens des Grands Studios, il joue volontairement la carte rétro.

Pas d'effets spéciaux ni auteuristes : mise en scène à l'ancienne, unité de lieu, d'action et de temps, rares extérieurs, photo d'une belle densité métallique, plans longs fixes et cadrés, le film prend son temps, cherchant à reproduire l'angoisse que distillait l'original tout en soignant les séquences d'action. Les amateurs de John Carpenter auront tout le loisir de s'amuser à repérer les plans en clins d'œil au maître.

Malgré la présence des téléphones portables, Assaut central 13 respire le cinéma des années 70, et c'est ce qui fait son charme. La faute de goût vient plutôt de ses emprunts au mauvais cinéma moderne : bien des échanges et des jeux de regards évoquent immédiatement des caricatures de série B.

Comme la blonde doctoresse paniquée qui semble avoir confondu ce plateau de tournage avec celui d'une tartufferie comme Scream, la femme noire pas trouillarde qui recharge sa mitraillette dans un geste du menton à la Stallone, ou la petite frappe rappeuse échappée d'un téléfilm sur les ghettos.

Les autres s'en tirent parce qu'ils cherchent moins à briller dans l'action qu'à insuffler un peu de personnalité à leurs personnages. D'où des temps morts inhabituels pour le genre, plus géographiques que psychologiques et pas toujours mal venus.

Si le film de Carpenter a fait date, c'est surtout stylistiquement. Si Jean-François Richet était moins conditionné par la culture télévisuelle américaine, et moins respectueux de la commande (avec la bénédiction du modèle), il aurait marché sur ses traces avec cet ovni ni réjouissant ni déplaisant, curieux par son climat et ses mélanges.

Assaut sur le central 13, film français et américain de Jean-François Richet. Avec Ethan Hawke, Laurence Fishburne, John Leguizamo. Sortie au Maroc comme en France : 02 mars 2005. Durée : 1h50.
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