Aziz Kharbouch, le grand échassier
LE MATIN
12 Octobre 2005
À 12:42
Des épaules larges comme la cage qu'elles gardaient au paravent, des bras colossaux et des mains immenses prêtes à broyer le cuir, une force de la nature, comme il n'en existe que quelques rares spécimens par génération. Mais qui est cet homme qui fait suer les jeunes gardiens de but de son club préféré, le Nèjm de Marrakech, sur la belle pelouse du stade Sidi Youssef Ben Ali ? En s'approchant, nous découvrons qu'il n'est autre que l'idole des supporters casablancais durant les années 80 et jusqu'à 1993, avec un goût d'inachevé, puisqu'il ne quitta les filets que suite à une blessure.
C'est aussi l'athlète qu'on croisait de temps à autre sur la piste de Bab Jdid en plein footing. C'est de Aziz Kharbouch, qu'il s'agit, puisque ça fait un bon moment qu'il exerce en tant qu'adjoint chef du district de la sûreté nationale de S.Y.B.A à Marrakech. C'est aussi rare de trouver un sportif du genre qui sait unir, sport et étude. Cet enfant de l'Ermitage (Casablanca) s'est distingué dès ses premières touches de balle parmi ses amis du quartier dont les frères Chakib et Ali, les jumeaux Lahcen et l'Houcine, Seddik El Bernoussi, Zaïd Mohamed, et autres.
Son encadreur au quartier, Larbi Laâraj, avait du mal à jouer sans lui. Un jour, lors du tournoi d'été entre quartier (1972), les sélectionneurs, Abdelkader Laâraj et Maître Ghoulam, lui font signer sa 1ère licence, minime, au Raja de Casablanca. Sa grande silhouette et ses arrêts décisifs l'aidaient à brûler les autres étapes pour rejoindre, ensuite, le WAC auprès de Badou Zaki dont l'étoile commençait à monter et jouer en doublure avec lui et apprendre énormément à ses côtés. Il gagna la Coupe du Trône avec les " rouge et blanc ” en 1981. Une carrière sportive qui ressemble à un conte de fées.
N'est ce pas lui qui fut le premier gardien de but à s'illustrer dans l'exercice des penalties en réussissant 6 coups de pied de but et jusqu'à la 12e journée, alors que Abderrahim Hamraoui, le butteur patenté de l'époque, n'était qu'à 3 réalisations. Il était parmi les artisans du premier championnat du RCA en 1988. José Faria, sélectionneur de l'équipe nationale en profita pour solliciter ses services à plusieurs reprises lors de matches amicaux préparatifs pour la CAN 88, disputée au Maroc. Et pour raison professionnelle, il assista la fameuse équipe de l'USP en tant que gardien capitaine et entraîneur adjoint pour revenir ensuite revivre l'age d'or de l'Olympique de Casablanca avec une autre Coupe du Trône 1993.
Un grand échassier parmi une génération surdouée qui ne cessa de fouler les pelouses pour donner aux jeunes ce qu'il a reçu des autres, ses infernales arabesques, ses bonds félins et ses défis aux lois d'anticipation. Son jubilé du 1er mai 2002 au stade Père Jègo prouve sa popularité et sa gentillesse. L'homme est cultivé, intelligent et imaginatif.
Lauréat de l'école supérieur d'étude, sociale, en Belgique, il força l'estime de tous ceux qui l'ont côtoyé. Mordu de Baudelaire en particulier et de la littérature française et maîtrisant bien la langue de Molière, il ne peinera guère pour trouver la bonne alchimie entre ses nouveaux amis sportifs de la ville ocre.
D'ailleurs, il a toujours l'impression d'avoir 20 ans.Par sa bonne réputation sportivo-éducative et son savoir-faire, il adoucit facilement le climat tendu et sans zèle, entre supporters casablancais et marrakchis, lors des rencontres, comme une falaise sur la quelle se brisent les flots violents. Beaucoup en sont persuadés.
C'est un esprit sain dans un corps sain. Avec un poids de 98 Kg et une taille de 1,90m, il demeure une force de la
nature comme il n'en existe que quelques rares spécimens par génération. C'est le profil d'un brave homme pétillant de vie.