Billet : La mission arabe de George Bush
LE MATIN
27 Avril 2005
À 17:19
La visite que vient d'entreprendre aux Etats-Unis le Prince Abdallah d'Arabie a eu deux effets significatifs : elle a confirmé la convergence américano-saoudienne qui, pour ne s'en tenir qu'aux images faites au ranch de Crawford, illustre plus qu'une complicité. Elle démontre ensuite que les Etats-Unis, notamment George W. Bush, maintiennent leur engagement en Arabie Saoudite soumise aux violences d'al-Qaïda, lancée dans un processus démocratique laborieux et appelée aussi à mettre en œuvre des réformes démocratiques et une politique d'ouverture plus audacieuse.
Le Sommet de Crawford, s'il ne fait pas ressortir immédiatement la teneur des longs entretiens répétés entre le Prince Abdallah et George Bush, constitue toutefois un moment fort de la diplomatie des deux pays, une opportunité que les observateurs ont replacée dans un contexte arabe inédit.
Il reste que le chapitre des défis à relever pour l'Arabie Saoudite est d'autant plus lourd que les Etats-Unis s'en sentent plus ou moins directement concernés, ne serait-ce que parce que les élections municipales organisées en Arabie depuis février et clôturées samedi 23 avril, ont constitué un signe mitigé que Washington – tout en étant prudent- s'efforce d'analyser avec intérêt. Islamistes modérés, certes, ils ont raflé la mise et brouillé pour ainsi la carte politique où quelques hommes d'affaires , notamment à Unayzah , ont gagné difficilement des sièges. Signe révélateur que les Etats-Unis, avec eux tous ceux qui suivent de près la politique en Arabie saoudite, prennent en considération et dont le Prince Abdallah et George Bush ont dû discuter.
Dans quelques semaines, en effet, George Bush recevra à Washington le président palestinien Mahmoud Abbas. Une telle visite , comme on le sait, n'est pas courante. Elle constitue depuis que ce dernier a été élu à la tête de l'Autorité palestinienne, plutôt une «première» ! Le leader palestinien a entrepris une ouverture audacieuse dans un contexte difficile, doublement pressant, au niveau de ses relations avec Israël et au niveau de la base populaire où prédominent en partie le mouvement Hamas et le Jihad.
Le report au mois d'août du retrait de Gaza par les forces israéliennes ne complique peut-être pas les choses, mais confirme manifestement la raideur israélienne que le Prince Abdallah et George Bush ont vraisemblablement évoquée lors de leurs entretiens. Là encore, une clarification s'est imposée : les Etats-Unis devraient aller de l'avant dans leur soutien au processus de paix. Et l'on peut imaginer, ce que plusieurs sources ont confirmé, que le Prince Abdallah Ibn Abdelaziz s'est fait un point d'honneur de rappeler la nécessité pour Washington de mettre tout son poids pour relancer le processus de paix et la feuille de route.
Les vœux d'Ariel Sharon et de George Bush n'ont-ils pas été exaucés, les exigences des uns et des autres respectées quand on voit que Mahmoud Abbas a réorganisé, avec le soutien israélien il est vrai, les services de sécurité palestiniens, véritable plaie jusqu'ici ? Au grand bonheur des Américains, des Israéliens et des Européens il a écarté la vieille garde de Yasser Arafat et lui a substitué de nouveaux visages et de nouvelles compétences.
Une telle opération, non pas de charme mais d'absolue nécessité, n'est pas simplement destinée à rassurer le président Bush à quelques semaines – mai en principe – du Sommet américano-palestinien prévu à Washington. Elle dévoile la volonté irréductible du président palestinien à affirmer son autorité sur un secteur névralgique, qui est au cœur du dispositif de la paix avec Israël et que celui-ci n'a de cesse de désigner comme le point noir, l'élément de discorde… George Bush ne peut que se réjouir de ce signal .Annoncé en même temps que le retrait définitif des troupes syriennes du Liban , il constitue plutôt une manière de succès.
On disait du président des Etats-Unis qu'il s'est fait jusqu'ici discret voire éclipsé, laissant le vaste champ de la représentation médiatique à Condolezza Rice qui, après avoir rappelé Poutine à l'ordre en Asie centrale, a tancé les latino-américains à s'inscrire dans la nouvelle donne démocratique. Le président des Etats-Unis, après Sharon il y a quelques semaines, hier Abdallah d'Arabie et demain Mahmoud Abbas, n'est-il pas en train de jouer une partition qui nous échappe. Il nous étonnera toujours.