Changement climatique : Stockage souterrain du gaz carbonique
AFP
20 Septembre 2005
À 15:03
Le stockage du gaz carbonique à grande profondeur pourrait empêcher "entre 20 et 40% du CO2 émis dans le monde d'ici 2050" de s'échapper dans l'atmosphère et de la réchauffer, estime un groupe d'experts scientifiques de l'Onu dans un projet de rapport obtenu par l'AFP.
Les quantités de CO2, stockables à des coûts économiques acceptables dans les profondeurs de l'écorce terrestre ou dans la mer d'ici 2100, pourraient être comprises "entre 220 et 2.200 milliards de tonnes", indique le document. Soit "15 à 55%" des rejets cumulés de CO2 à l'échelle mondiale qu'il faudrait éviter à l'atmosphère d'ici la fin du siècle.
Le stockage du CO2 n'est pas la panacée mais "peut utilement contribuer à la réduction" des émissions. Il s'inscrit dans "un portefeuille d'options visant à stabiliser la concentration des gaz à effet de serre tout en permettant de continuer à utiliser les énergies fossiles". Parmi les autres options figurent une amélioration de l'efficacité énergétique et "un recours accru au nucléaire et aux énergies renouvelables".
Le rapport a été commandé en 2003 au Groupe intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), plus connu sous son sigle anglais (IPCC). Il doit être validé par les gouvernements lors d'une réunion diplomatique prévue du 22 au 28 septembre à Montréal.
Le gaz carbonique est émis surtout par la combustion des énergies fossiles (charbon, pétrole et gaz). Il demeurera en 2030 le principal agent du changement climatique car 80% de l'énergie utilisée alors dans le monde sera, comme actuellement, d'origine fossile. Pis, le charbon, combustible le plus émetteur de CO2, sera encore plus exploité qu'aujourd'hui, selon l'Agence internationale de l'énergie.
Le CO2 peut être capté sur des sources d'émission très concentrées comme les grosses centrales thermiques et les sites de l'industrie lourde, relève l'IPCC.
Il peut être enfoui à au moins 800 mètres de profondeur sous terre ou sous le plancher de la mer (stockage géologique), dissous dans l'océan à au moins 1.000 m de profondeur ou déposé sur le plancher océanique (stockage océanique) ou encore fixé dans des basaltes et minéralisé.
Selon l'IPCC, quelque 2.000 milliards de tonnes de CO2 pourraient être stockées dans des sites géologiques, gisements de pétrole ou de gaz épuisé ou en fin d'exploitation, nappes d'eau salée de l'écorce terrestre ou veines de charbon inexploitables. Le potentiel du stockage océanique et de la minéralisation du CO2 est entaché d'une marge d'erreur trop importante pour pouvoir être chiffré.
L'IPCC n'écarte officiellement aucune technologie. Sur le stockage océanique, il cite cependant "des études en laboratoire" montrant qu'ajouter du CO2 à l'océan ou constituer des lacs de CO2 sur le plancher océanique "altérera localement l'environnement chimique au point de causer la mort d'organismes marins". Quelle que soit l'option retenue, la phase "captage", c'est-à-dire la séparation en usine du CO2 des autres gaz de combustion et sa compression en vue de son transport jusqu'au lieu d'injection, est énergievore et occasionne un surcroît de rejets polluants. Elle est donc toujours coûteuse (15-75 dollars par tonne de CO2).
Le transport est relativement économique (1-8 dollars/tonne par tranche de 250 km). L'enfouissement lui-même a encore un coût prohibitif pour la minéralisation (50-100 dollars/tonne), élevé pour le stockage océanique (5-30 dollars/tonne) et déjà faible pour le stockage géologique (0,5-8 dollars/tonne).
Selon des diplomates, il serait souhaitable de revoir à la hausse à Montréal ces calculs, fondés sur un baril de pétrole à 15-20 dollars alors que le brut dépasse allègrement aujourd'hui les 50 dollars.