L'humain au centre de l'action future

Deux regards, un seul Maroc

Les salles d'exposition de la Société Générale invitaient, en cette soirée d'avril, à une promenade contemplative devant les toiles de deux artistes contemporains qui ont pour dénominateur commun, l'amour irraisonné du Maroc. Sous les regards de Ahmed Ben

25 Avril 2005 À 16:02

Dans un français parfait mais fortement teinté d'un accent espagnol et où des mots d'arabes émaillent, de façon si agréable le discours, Jéronimo remonte pour nous le fil du temps et raconte sa peinture, sa vie au Maroc, son premier mariage avec une Marocaine et surtout ce don qu'il a pu développer et maîtriser en séjournant, dans les années soixante au Maroc.. «J'avais des prédispositions pour la peinture…», confie-t-il tout simplement.

C'est la terre marocaine qui l'inspire et lui offre les premiers matériaux pour concrétiser son rêve. L'artiste est intarissable sur le sujet et l'on prend du plaisir à l'écouter se raconter et évoquer l'émotion qui l'avait étreinte lorsqu'il avait rencontré des paysans, des gens vrais et naturels, qu'il reproduit à l'infini dans ses œuvres.

Les tableaux de cette première période portent l'empreinte d'un artiste qui se cherche tout en ayant trouvé sa voie. En déambulant dans les couloirs des salles d'exposition, le visiteur est saisi par cette luminosité qui se dégage des œuvres de Jéronimo. Chez lui, point de folklorisation du pays ni de recherche du sensationnalisme. Sa vision picturale se double d'une recherche de la vérité, de l'authenticité.

«Au Maroc, expliquent les critiques, ses qualités se sont libérées d'une manière imprévisibles et irrésistible, s'intégrant parfaitement à sa vision des êtres et des choses». Ayant quitté le Maroc depuis de nombreuses années et son premier amour, Jéronimo, continue de hanter les rues et ruelles des villes marocaines, et surtout Marrakech qu'il a choisie comme point d'ancrage pour se ressourcer et où il revient, continuellement, pour y puiser les sources de son inspiration.

«C'est l'amour qui m'a aidé à me concrétiser... Mais il ne faut pas oublier mes marionnettes. J'aime mes marionnettes. Pour moi, elles sont aussi importantes que les tableaux qui peignent le Maroc…», insiste-t-il.

Un artiste engagé

Ahmed Ben Yessef est le peintre qui a le mieux représenté le Maroc, tout en ayant choisi, d'élire domicile, au loin. Ses toiles traduisent, de mille et une façons, son amour pour son pays natal. Et c'est lui-même qui en parle le mieux. «La trajectoire de mon œuvre a toujours été le reflet de mon évolution et des circonstances personnelles, sociales et politiques qui m'on entourées… Mon œuvre est conçue dans le cadre d'un grand débat intérieur.

C'est un terrible doute sur ce qu'elle est et ce qu'elle pourrait être qui me conduit à peindre les choses telles que je les vois et non pas comme je voudrais qu'elles soient ou telles qu'elles sont en réalité. J'ajoute et je retire des choses, des détails, sans scrupules, sans aucune espèce de charité, l'essentiel, c'est que mon imagination et mon effort embellissent ma création. Mes études ont toujours eu pour leitmotiv peindre, encore peindre, et toujours peindre. Je suis venu dans ce monde déjà peintre, et s'il plaît à Dieu, je le quitterai toujours peintre».

Fasciné par les gens, passionné par la peinture, affichant une modestie à toute épreuve, Ben Yessef expose rarement ses œuvres au Maroc. «Je suis un peintre peu prolifique. Je travaille dix sept heures par jours, mais je réalise, à peine, neuf toiles au cours d'une année. 95 %des toiles qui sont exposées ici ne m'appartiennent pas.

Quand j'organise une exposition, je suis obligé d'emprunter des œuvres chez les particuliers qui les ont acquises…», explique-t-il.

A travers ses œuvres, Ben Yessef révèle un autre aspect de sa personnalité. Un engagement sans faille pour les causes humaines, pour la dignité et la justice. La petite colombe qui se promène à travers ses différentes toiles, reflète ses implications sociales et traduit, plus que les mots, l'immense amour que l'artiste voue à son pays.
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