Fête du Trône 2006

Dialogue des cultures en Afrique du Nord

22 Mars 2005 À 15:35

Enumérer les écrivains amazighs qui ont produit en latin, ou en grecque nous n'aurions que l'embarras du choix. Nous nous contenterons de citer quelques grands noms, qui ont marqué de leur sceau la pensée latine en lui ouvrant les horizons de la pensée universelle, l'amenant du coup à s'élever aux grandes perspectives, subordonner – tant que faire se peut – l'affect à l'intellect, et à s'ériger au niveau de la conscience universelle.

• Le premier de ces grands noms :
Térence (185 – 159 av. j.c.)a vécu à l'époque de l'Aguellid Massinissa et 13 ans avant de la destruction de Carthage par les Romains, il écrit l'Adrienne bien accueillie. De 166 à 160 av.j.c. il produit six comédies.
Ce jeune Amazighe fin et délicat, doux et mesuré mourut trop tôt, au retour d'un voyage en Grèce. Les Prologues de Térence montrent son souci d'art et sa volonté de plaire au public cultivé.

Les mots de mesure, de goût caractérisent ce grand classique, qui n'a pas eu le temps de donner sa mesure, mais qui exerça une grande influence de Cicéron à Boileau. Horace lui donnait la prime de l'art. Diderot qui a trouvé chez lui le créateur du «drame bourgeois», a écrit joliment : «tout ce que la langue latine a de délicatesse est de ce poète».C'est Térence qui a fait sortir de ses limites étroites la comédie gréco-latine, et qui a établi pour l'art dramatique des règles que les dramaturges européens attribuent à leur compte après la renaissance.
• Le deuxième de ces grands :
Apulée : né à Madaure vers 125 au deuxième siècle, il est mort après 170, d'une famille bourgeoise. Après des études à Carthage et à Athènes, il devient conférencier mondain et vulgarisateur. Au cours de ses voyages dans les Îles grecques, en Asie Mineur et en Italie, il s'intéresse à tous les cultes mystiques, avant de se retirer dans sa ville comme philosophe et rhéteur.
C'est un homme remuant et d'esprit curieux attiré par toutes les formes de merveilleux et de surnaturel, un polygraphe qui a «pratiqué tous les genres et cultivé les neuf Muses avec une égale ardeur» : poésies et ouvrages scientifique, traités de vulgarisation philosophique, ouvrage rhétoriques romain (l'Ane d'or).

L'auteur est érudit, ingénieux spirituel mais fat, dilettante, avec des tentations mystiques. Son style, prolixe, est imagé.
• Troisième de ces grands :
Tertullien : né à Carthage vers 150 dans une famille païenne. Il fait des études de rhétorique et de droit. Converti en 193, il devient prêtre à Carthage, passe au montanisme (207), puis s'en sépare pour former une secte particulière. Le groupe des tertullianistes subsistant à l'époque de Saint Augustin.
Tertullien nie tout rapport entre la philosophie et la foi, mais accorde plus de confiance aux arguments juridiques qu'aux preuves philosophiques.
Tertullien, l'auteur ecclésiastique le plus important et le plus original en langue latine, a mis au service de la foi chrétienne son érudition, sa culture juridique, littérature scientifique, et philosophique. Mais ascète hostile à la nature, il condamne sous réserve toute sagesse profane.

Forte personnalité, caractère intraitable, âpre, intempérant, il est animé d'une passion fanatique de la vérité, servie par une dialectique aiguisée, une rhétorique enflammée de dons de satirique et de polémiste plein de verve et d'ironie. Le « fondateur du latin ecclésiastique» est un avocat de tendance asianiste.

Cette âme de colère et de passion s'exprime dans un style original, nerveux, pathétique, mais qui, n'échappant pas aux tentatives de la rhétorique, est parfois obscur et affecte, on l'a appelé « le Tacite de la latinité chrétienne» (en Afrique).

Il a mené au nom du christianisme, un combat sans merci contre le paganisme, car il avait reconnu dans la nouvelle religion, le Christianisme, une doctrine pouvant ouvrir la voie à la libération de l'homme, son prosélytisme avait un double but : gagner au christianisme la foi du plus grand nombre d'adeptes possible, et mettre en accusation le colonialisme romain, car les empereurs romains qui étaient encore païens, persécutaient les chrétiens. Cet écrivain amazighe du IIe – IIIe siècle a dit : « connais – toi, toi même, chaque religion a le droit de vivre» qui dit religion dit culture.... chaque culture a le droit de vivre.

• Le quatrième des grands :
Cyprien : (saint) né a Carthage vers 200 ap.j.c. d'une famille païenne. Après des études de rhétorique, il devient lui même rhéteur. Après sa conversion
en 249, il est devenu prêtre, puis évêque (248/9) aux prises avec la persécution de Dèce (250) à laquelle il échappe, ce qui lui vaut des critiques et entraîne le problème subséquent des lapsi.

D'autres difficultés lui viennent des schismes de la peste, de Rome même. Après un exil, saint Cyprien subit le martyre sous Valérien le 14/9/258.
Saint Cyprien fut un homme d'action, excellent administrateur, soucieux d'établir l'autorité de l'épiscopat, attachant une grande importance aux problèmes pratiques, mais homme de gouvernement plus que de doctrine. Son œuvre reflet de la société et de la vie amazighe en général et chrétienne en particulier, nous donne de précieux renseignements sur l'histoire de l'église. Sa constitution, sa discipline et sa liturgie au milieu du IIIe siècle
Cyprien fut un auteur très populaire, considéré comme autorité théologique en Occident jusqu'à Saint Augustin. Sa théologie s'inspire de Tertullien, père de l'église amazighe.

• Le cinquième des grands écrivains amazigh et le grand des grands, c'est :
Augustin, né le 13/11/354 à Thagaste en Numidie, à coté d'Annaba, d'une mère chrétienne Monna (Monique), et d'un père païen ; sa famille était un exemple de dialogue de culture (religion).

Il a fait des études à Madaure où il a appris le latin et le grec, puis à Carthage, ou il a fréquenté les spectacles et prend une concubine. Vers 374, il devient professeur à Thagaste, puis à Rome (383) et à Milan (384). Baptisé en avril 387, Augustin ne fait qu'un court séjour à Carthage, reste trois ans à Thagaste (388-391), médite commence une encyclopédie des arts libéraux et polémique contre les manichéens : en 391 la voix publique le désigne comme coadjuteur de l'évêque d'Hippo Régins (Hippone), il lui succède en 395 et occupe ce siège jusqu'à sa mort (28 août 430) dans la ville assiégée par les Vandales.
Âme modeste, bonne, sensible, mais tempérament de feu. Augustin polémique contre les manichéens, les donatistes, les pélagiens, les ariens, et défend une doctrine rigide...

La vivacité du sentiment, l'amour du prochain , un don de création verbale, d'improvisation éloquente nourrissent un style effectif, varié, orné, parfois maniéré, mais qui sait être simple et populaire, et atteint souvent une grande puissance dramatique.
A certains points de vue, Saint Augustin reste un rêtheur et un témoin du passé, mais il a recueilli la philosophie antique pour en faire la servante de l'Eglise et de la Bible.

L'œuvre de Saint Augustin est immense. La plupart de ses ouvrages sont nés des circonstances, et sont d'inspiration polémique. Contre les manichéens, 387-400 ; les confessions, 397 ; contre les donatistes, 400-412 ; contre les pélagiens, 412-430 ; la cité de Dieu, (413-42 ; 224 lettres, 386-427 ; ...
L'influence de Saint Augustin imprégné de paulinisme, de la prédestination de la grâce moraliste,de la concupiscence et de la misère de l'homme abandonné à ses seules forces est immense, y compris dans le domaine de la langue: il a fixé pour longtemps les normes du latin ecclésiastique.

Saint Augustin est un des pères de l'église. Convaincu que la raison seule peut concilier l'individu avec soi-même, et l'intégrer harmonieusement à son groupe qu'elle seule peut faire comprendre à l'homme son rôle dans le cosmos et créer un modus vivendi entre les générations dans le temps et à travers l'espace, il célèbre la raison et en fit l'auxiliaire de la foi.

• Le dernier exemple :
Fulgence Evêque de Ruspae (567-533), auteur d'un contra Arianos ; du De Trinitale ad Felicem Notarium ; du De veritale prae destinations et gratiae Dei ad jaoannem et venerium ; du De fide seu de regula verae fidei ad Petrum liber unus. C'est un des premiers qui a parlé de la langue et l'écriture amazighes .Il a mentionné que l'écriture amazighe se compose de 23 alphabets.

Ces exemples édifiants, affirment l'ouverture de l'Amazighité et ses dépositaires sur le monde extérieur et l'universalité, sur d'autres cultures et civilisations. Cette ouverture comme, on l'a vu, ne s'est pas limitée aux emprunts. Des personnes et des personnalités amazighes ont choisi et choisissent toujours d'apporter leurs contributions au patrimoine de l'humanité en s'appropriant d'autres langues et en faisant leurs moyens de création et de production. Le choix des autres langues, n'a jamais signifié pour ces écrivains Amazighes un choix de culture(...)
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