L'humain au centre de l'action future

Drame historique : Les poings dans les yeux

16 Septembre 2005 À 15:22

Biographie académique et larmoyante du boxeur Jim Braddock par le réalisateur Ron Howard, De l'ombre à la lumière manque singulièrement de punch. Mais Russel Crowe sauve le film du KO.

C'est une histoire vraie comme l'Amérique les aime. Une de ces destinées qui alimentent l'étrangement persistante fabrique du rêve américain. Soit les déboires du boxeur Jim J. Braddock qui a sauvé sa famille de la misère et redonné de l'espoir à la plèbe frappée par la Grande Dépression en remontant sur le ring, chômeur, usé et vieilli, pour décrocher le titre de champion du monde. De quoi incarner tous les topiques hollywoodiens en passant par le mythe de la seconde chance, le courage et la persévérance, la force du poignet, la famille unie, le mari fidèle et dévoué, le pauvre qui se sort de la ruine, etc.

De quoi aussi s'engluer dans le confort du biopic académique et mélodramatique. Ron Howard, le réalisateur de The Grinch et Un homme d'exception s'acquitte de la commande avec une application aussi léthargique qu'étonnante : comment une formule de cinéma aussi essoufflée peut-elle continuer à fonctionner sans renouveler ne serait-ce que son jeu de jambes ? La chance de Ron Howard s'appelle Russel Crowe, lequel n'est pas Tom Cruise et parvient, malgré son peu de texte, à concentrer suffisamment d'expression dans son regard pour garder le film debout.

Jim Braddock avait été rebaptisé The Cinderella man, " l'homme Cendrillon ”. Un surnom tellement romanesque qu'on peut s'étonner que la version française n'en ait pas gardé trace. Né dans le New Jersey, cet ancien docteur d'origine modeste s'est fait, en boxant, une réputation qui lui a valu l'appellation de "bulldog de Bergen”. Ruiné, comme une grande part de ses compatriotes, par la crise de 1929, il a également dégringolé de son podium dans des circonstances que le film ne raconte pas. Ron Koward s'est attaché au retour en force de Jim Braddock en 1934. Sa victoire sur la dépression suit celle de l'Amérique.

C'était l'un des axes les plus intéressants de cette histoire. Encore aurait-il fallu l'exploiter dans l'écriture. Mais Ron Howard s'en tient principalement à une reconstitution historique, plutôt réussie dans les décors, mais assez peu fertile. Nous avons gagné ce soir (Robert Wise, 1949), Rocky (Sylvester Stallone, 1979), Raging Bull (Martin Scorsese, 1980), Ali (Michael Mann, 2001)... en matière de films de boxe, Hollywood ne manquait pourtant pas d'exemples dont s'inspirer ou se démarquer. Jusqu'au dernier en date, l'excellent Million Dollar Baby de Clint Eastwood.

De l'ombre à la lumière, c'est l'exact contraire de Million Dollar Baby. Alors que Clint Eastwood réussissait à s'approprier le genre pour le tirer vers ses obsessions personnelles, avec une mise en scène aussi recherchée qu'originale et des personnages mémorables bien que fictifs, Ron Howard sombre dans la célébration plate d'un personnage historique pour ressasser des clichés tels le sacrifice du père, la grandeur du héros modeste, ou la conquête de la réussite individuelle sur fond d'échec collectif. Le réalisateur pensait sûrement briller en soignant les combats de boxe qui occupent une bonne moitié du film.

S'ils sont plutôt réalistes, ceux-ci perturbent le rythme du film, focalisent l'attention sur le personnage principal, gomment le reste du cortège (dont la femme de Jim Braddock interprétée par Renée Zellweger), arrière-plan social compris, et atrophient le muscle psychologique. En privilégiant le spectacle, Ron Howard reste à la surface de l'homme, du sport et du cinéma.

De l'ombre à la lumière, film américain de Ron Howard avec Russel Crowe, Renée Zellweger, Paul Giamatti. Sortie au Maroc et en France : 14 septembre 2005. Durée : 2h24.
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