Spécial Marche verte

Entretien avec le Pr Mohamed Bensaid, chercheur marocain à Montpellier : «Ma passion pour la recherche scientifique est née à Fès et elle grandit à Montpellier»

«La recherche scientifique ce n'est pas seulement un travail mais c'est une énorme responsabilité vis à vis de l'humanité.
>C'est aussi une passion et on ne peut pas faire de recherche de haut niveau sans passion», affirme le Pr Mohamed Bensaid, cherch

12 Avril 2005 À 17:09

Comment vous avez intégré le centre de recherche et quel poste vous occupez actuellement?

En France, à Toulouse, j'ai préparé un DEA et un doctorat de pharmacologie et toxicologie moléculaires, dans le laboratoire d'endocrinologie expérimentale, INSERM U168, CHU Rangueil, Service d'endocrinologie. Ces quatre années au CHU Rangueil m'ont permis d'aborder la recherche dans les domaines suivants: La dyslipidemie (cholestérol, VLDL, LDL, HDL et les apolipoprotéines) et son implication dans l'athérosclérose et les maladies cardiovasculaires, ainsi que ses effets sur les cellules endothéliales vasculaires, l'angiogenèse (néo-vascularisation) et son implication dans les tumeurs vascularisées et dans la rétinopathie diabétique et le rôle des facteurs de croissance dans ces pathologies. Ces travaux ont donné lieu à 5 publications dans des revues scientifiques internationales.

Au cours de mes deux dernières années de recherche à L'INSERM, nous avons développé une collaboration avec le laboratoire Sanofi, au tour du clonage d'un facteur de croissance (FGF). Suite à cette collaboration, j'ai rejoint le laboratoire Sanofi recherche à Labège-Toulouse, département de biologie moléculaire du gène pour une durée de 1 ans renouvelable (contrat à durée déterminée) sur le projet du clonage d'un nouveau gène codant pour les récepteurs b-adrénergiques de type 3.

Ce contrat à été renouvelé deux fois et les résultats de cette recherche ont donné lieu à la publication de deux articles dans des revues scientifiques internationales. Cette expérience de trois ans dans l'industrie pharmaceutique était très enrichissante. Après ces trois années de CDD et dans l'impossibilité d'avoir un poste CDI, j'ai rejoint le Centre de Recherche sur la Croissance, Laboratoire d'endocrinologie pédiatrique et de biologie moléculaire du gène, CHU Purpan, Toulouse, service d'endocrinologie pédiatrique du professeur Maithé Tauber, pour un contrat (CDD) de deux ans.

J'ai été chargé de la création d'un laboratoire de biologie cellulaire et moléculaire tout en participant aux projets du centre sur la recherche autour des études biochimique et génétique de l'axe somatotrope, leurs récepteurs et protéines de liaison et leur implication dans l'obésité, le diabète et les maladies endocriniennes chez l'enfant. De 1994 à 1996, je suis retourné encore une deuxième fois, au laboratoire Sanofi recherche Labège à Toulouse pour un contrat (CDD) de 18 mois. En février 1996, j'ai rejoint le centre de recherche de Sanofi à Montpellier pour un contrat CDD de 12 mois, renouvelable 6 mois, dans le service d'Immunologie et oncologie.

Durant cette période j'ai participé au clonage du gène codant pour un nouveau récepteur sigma (SRBP1) afin de mettre en évidence son implication dans la cancérogenèse. Les résultats de ces recherches ont fait l'objet d'une publication dans une revue scientifique internationale. Enfin, en août 1997, j'ai pu avoir un poste CDI (contrat à durée indéterminée) au Laboratoire Sanofi recherche Montpellier, dans le service Système nerveux central: un poste de cadre, responsable de laboratoire de biologie moléculaire. Je suis chargé d'installer la biologie moléculaire dans ce service et de participer aux projets du service dans le domaine des pathologies neuronales. Une partie de ces résultats ont fait l'objet de deux publications dans des revues scientifiques internationales.

Sur quelle molécule travaillez-vous actuellement?

Le Rimonabant (SR141716), appelé aussi Acomplia. C'est un antagoniste des récepteurs des cannabinoides de type 1(CB1), présentant un puissant potentiel thérapeutique dans les maladies cardiovasculaires, le diabète, l'obésité et les maladies métaboliques associées. En plus de son efficacité dans le traitement du diabète, de l'obésité et des pathologies métaboliques associées telles que les risques de maladies cardiovasculaires, il a montré aussi un effet bénéfique prometteur dans l'arrêt du tabac (facilite l'arrêt du tabac, empêche la prise de poids après l'arrêt du tabac et la récidive).

Comment vous vivez cette expérience?

Très bien, avec des hauts et des bas mais le plus important pour moi, c'est d'exercer mon métier et ma passion et atteindre mes objectifs scientifiques.

Comment vos collègues perçoivent-ils le fait que vous êtes d'origine marocaine?
Très bien, du fait de ma bonne intégration.
Y a- t-il d'autres marocains qui travaillent dans le même centre de recherche?


Dans le centre de Montpellier, il y a 3 cadres, 2 techniciens, 3 secrétaires et une étudiante en DEA (celle-ci est directement sous ma responsabilité).

Vous arrive-t-il de regretter d'avoir quitté le Maroc?

Non, pour toute l'expérience acquise, le plaisir de réaliser la recherche scientifique dans de telles conditions et la joie de participer activement, à l'avancement de la recherche scientifique et à la lutte contre les pathologies. Oui, pour avoir quitter ma famille et mon pays qui me manquent toujours. Le dilemme: ce sacrifice valait-il le coup ? Les années à venir et la réalisation de mes objectifs, me donneront sûrement, une réponse définitive.

Est-ce que vous vous consacrez entièrement à votre vie professionnelle ou avez-vous une vie sociale en parallèle?

Bien sur, ma vie professionnelle et surtout la recherche scientifique occupent une grande place mais ma vie sociale est aussi bien remplie. Je fais beaucoup de sport, j'aime bien les restaurants, le cinéma, les concerts, j'adore faire la fête avec mes amis de toute nationalité dont une partie représente l'équivalent de ma famille en France, j'aime bien les voyages, la montagne, la mer. J'aime aussi le bricolage (mécanique, maçonnerie, plomberie, électricité, peinture), je m'occupe de mes animaux et de mon jardin. Je suis les actualités dans le monde à travers divers moyens d'information. Fonder une famille fait partie aussi de mes objectifs prioritaires.

Quel est votre rêve?

Durant, mon séjour en France et mes passages dans différents pays en Europe et en Amérique, j'ai acquis une richesse et une grande expérience, scientifique, humaine et sociale. Mon rêve le plus cher, c'est qu'un jour je puisse faire profiter mon pays le Maroc et mes compatriotes (les jeunes et les moins jeunes) de cette expérience et de participer à l'installation, un jour d'une recherche scientifique pharmaceutique d'un niveau compétitif et comparable à celui de l'occident.

De cette façon là, j'aurai le sentiment du devoir accomplis vis à vis mon pays et que ma souffrance d'avoir été loin du Maroc et de ma famille n'était pas uniquement une curiosité et une passion personnelle pour la science mais aussi un devoir dans le but de servir d'une façon ou d'une autre mon pays, si j'en ai l'occasion un jour.

Itinéraire
Né, le 02 août 1961 à Fès, d'une mère au foyer et d'un père fonctionnaire des chemins de fer. Après l'obtention d'un baccalauréat scientifique, Mohamed Bensaid a préparé une maîtrise de biologie et géologie, à la faculté des sciences, Université Sidi Mohamed Ben Abdellah à Fès.

Sa passion pour les sciences et la biologie l'a poussé à quitter les siens à l'âge de 23 ans pour se rendre à Toulouse (la ville rose) en France afin de poursuivre ses études.

Mohamed Bensaid est actuellement responsable du laboratoire de biologie moléculaire au Centre de recherches et de développement de Sanofi- Aventis à Montpellier.
Copyright Groupe le Matin © 2025