Hamid Kiran : «Je préfère garder ma sincérité»
LE MATIN
11 Novembre 2005
À 15:37
La Galerie City Center (Hay Riad-Rabat) accueille, jusqu'au 21novembre, un grand peintre possédant une longue carrière artistique où il a marqué plusieurs temps forts de l'Histoire marocaine.
Il s'agit de Hamid Kiran, dont la peinture très spéciale n'a jamais été cataloguée parmi les peintres marocains. «Je n'ai jamais été considéré comme ce que l'on nomme un peintre marocain; Il paraît que la peinture marocaine a un cachet que je n'ai pas. Faudra-t-il, donc, demander à un peintre du Maroc de "faire” de la peinture marocaine pour être reconnu?», a souligné Hamid Kiran dans sa réflexion quant au sort de sa peinture dans son propre pays.
Est-ce que c'est dû à son origine mixte, étant donné qu'il est né d'un père marocain et d'une mère espagnole, ou bien à ses sujets très particuliers rarement traités par des artistes-peintres marocains comme, par exemple, celui de «la maternité» qui semble pour nombre de connaisseurs être un emprunt à la culture occidentale. «A croire qu'aucun peintre marocain ne peut ni ne doit être sensible à une maternité. Comme si cela ne faisait pas partie de notre quotidien ni d'une culture universelle», précise-t-il.
Ceci dit, il ne faut pas oublier que Hamid Kiran est l'un des premiers peintres ayant reproduit la Marche Verte sur toile qui a paru, en 1976, en page de couverture de la revue El Founoun, puis offerte à feu Sa Majesté le Roi Hassan II par le biais du ministère de la Culture. D'autres œuvres très marquantes ont suivi le pas, dont trois lithographies, qu'il signe en 1982 à Paris, représentant la rencontre de l'Armée de Libération avec feu Sa Majesté Mohammed V et son fils Moulay Hassan, alors Prince Héritier.
Plusieurs expositions ont, par ailleurs, enrichi son palmarès artistique couronné par la sortie du livre «Hamid Kiran, la Foi d'un peintre et d'une Amitié» rassemblant toute son œuvre, toute sa pensée et constituant, de ce fait, le reflet de son identité. Ce beau livre est le fruit d'une rencontre fortuite avec un dénommé Serge Bessmertny.
Ce dernier, à la veille de son départ du Maroc en août de l'année 1979, tombe amoureux de la peinture de Hamid Kiran. Il en achète cinq de ses œuvres plastiques. «Je sentis tout de suite l'immensité de son talent par sa dimension transcendante», écrit M.Bessmertny qui situe cet artiste hors pair en tant que peintre rare et courageux par la franchise de son expression et la sincérité de son émotion. «Depuis ma rencontre avec Hamid Kiran, je n'ai cessé de déployer des efforts pour qu'il ait sa place légitime dans le firmament de l'art pictural, étant beaucoup aidé en cela par nombre d'amateurs qui lui acquérirent des œuvres au cours des années, en Allemagne, en Belgique, en France, au Grand-Duché de Luxembourg, en Grande-Bretagne, aux Pays-Bas, entre autres». Serge Bessmertny explique cette appréciation de l'œuvre de Kiran surtout par des particuliers, du fait de sa situation loin des sentiers battus grâce à sa puissance évocatrice, sa pureté, sa noblesse et la diversité de son inspiration. Pour lui, ce livre, sorti en 1995, est destiné à faire connaître, mieux et plus justement, le travail méritoire de Hamid Kiran. «Cette œuvre que je pense, au plus profond de moi-même, appartenir au patrimoine culturel du Maroc, de l'Islam…du Monde», précise ainsi Serge Bessmertny pour terminer la préface du livre.
Ainsi, «Hamid Kiran, la Foi d'un Peintre et d'une Amitié» a été l'occasion propice où l'artiste explique ce qu'est la peinture, la différence entre un peintre et un artiste, le dialogue entre le peintre et la toile, puis dévoile, en détails, toutes les étapes de sa vie familiale depuis sa naissance jusqu'à l'âge adulte. Selon lui, «il faut remonter bien plus loin que la naissance d'un être humain pour mieux le comprendre. La qualité du fruit d'un arbre dépend de la terre d'où les racines puisent la sève».
Aujourd'hui, avec le recul, les expériences et le résultat de son expression plastique au bout d'un cheminement de longue haleine, Hamid Kiran tire sa conclusion personnelle quant à son style de peinture. «Il existe chez moi deux peintures quasiment différentes l'une de l'autre. Ce serait comme si deux peintres utilisaient une seule main, la mienne.
Il y a de la peinture entièrement figurative et une autre dont je ne puis donner de nom rationnellement. Cette autre expression n'est pas un découlement ni le résultat de recherches. Je trouve que le terme recherches est très à la mode. Me concernant, cette autre expression est née depuis que j'ai commencé à peindre. En fait, elle a été un tandem dans ma vie.
Elle exprime sans doute très involontairement mon état de danseur et de chorégraphe. De là on comprendra le côté dynamique et le penchant très fort pour la spirale».
C'est ainsi que Hamid Kiran explique toute cette vie artistique très mouvementée au cours de laquelle il a eu la chance de rencontrer un certain Serge Bessmertny (interprète de conférences et traducteur) qui est à l'origine de son livre et de plusieurs de ses expositions à l'étranger. «Je lui dois des années d'exaltation et d'espoir.
Il a placé mes œuvres partout où il a pu et m'a surtout redonné confiance. Il m'a donné ce punch dont tant d'artistes ont besoin».