L'humain au centre de l'action future

«Juanita de Tanger» de Farida Belyazid bien accueilli

21 Septembre 2005 À 15:15

C'est devant un public de près de 1800 personnes que le long métrage "Juanita de Tanger" de la réalisatrice marocaine Farida Benlyazid a été projeté, lundi, dans le cadre de la section officielle de la 53-ème édition du festival international du film de Donostia-San Sebastian (15-24 septembre).

Présenté à l'auditorium du Centre Kursaal en présence de la réalisatrice, des actrices espagnole Mariola Fuentes et marocaines Salima Benmoumen et Nabila Baraka, le film a été ovationné par le public et les festivaliers.

Ce film, inspiré d'une oeuvre majeure de la littérature espagnole et internationale en l'occurrence le roman "la vida perra de Juanita Narboni" (Chienne de vie) d'Angel Vasquez, évolue comme un monologue retraçant les splendeurs et les misères d'une vie avec en toile de fonds plusieurs événements historiques notamment la guerre civile espagnole, l'arrivée de juifs d'Europe fuyant le nazisme et l'indépendance du Maroc.

Il relate l'histoire émouvante racontée avec un humour acide, d'une jeune femme espagnole de mère andalouse et de père anglais de Gibraltar qui vit dans le Tanger mythique des années 1930 à 1960.

Juanita, incarnée par la talentueuse Mariola Fuentes, fille d'un consul évolue dans un espace mondain que lui accorde le privilège de la fonction de son père pour se retrouver par la suite dans une situation de survie avec pour seule compagne Hamrouch, une brave femme qui était au service de sa famille, interprétée à l'écran par Salima Benmoumen.

Dans un entretien à la MAP, Farida Benlyazid souligne qu'en arrière plan, son film met en scène une autre héroïne à savoir Tanger: une ville carrefour et destination privilégiée du gotha international, où la vie sociale est marquée par un savoir être et vivre. Une ville où toutes les religions cohabitent.

Ce message de tolérance, très présent de manière général dans les films de Benlyazid, se traduit dans le choix des confessions des trois personnages féminins principaux qui appartiennent aux trois religions monothéistes. Juanita est chrétienne, Hamrouch est musulmane et Esther, l'amie de Juanita, interprétée par Nabila Baraka est de confession juive.

D'autre part, la réalisatrice affirme que l'idée de mettre en scène le roman de Vasquez lui avait effleuré l'esprit dès lors qu'elle l'avait lu. "C'était il y a trente années de cela et il m'a été offert par Angel Vasquez lui-même alors que j'étais encore étudiante à Paris et en visite à Madrid", confie-t-elle.

Elle décide de concrétiser ce projet dès lors qu'elle prend connaissance de l'existence d'une opportunité de co-production en commençant par faire appel à Gerardo Bellod, un amoureux de Tanger, pour l'écriture du scénario. Et c'est un autre Tangérois de naissance et d'âme: José Luis Alcaine, qui a réalisé les photographies du film.

Pour ce qui est du casting, Farida Benlyazid salue le professionnalisme des acteurs notamment Mariola Fuentes dont le jeu dans ce rôle clé a révélé une comédienne talentueuse.

"Les espagnols étaient surpris de découvrir une grande actrice", ajoute-t-elle, estimant que Fuentes avait "un bon élan qu'il ne fallait surtout pas briser" parce qu'il représentait la force du personnage.

Saluée par la critique et la presse spécialisée, Mariola Fuentes affirme à propos du tournage et des difficultés rencontrées, que le challenge résidait dans la manière d'opérer le "chassé-croisé linguistique" dans le film qui est un monologue en quatre langues.

Tout d'abord, tient-elle à préciser, l'espagnol du film n'est pas le castillan. "C'est un vieux espagnol du début du siècle dernier avec un accent particulier", affirme l'actrice espagnole, pour qui l'autre difficulté était l'usage du français et du dialecte marocain, langues qu'elle ne maîtrise pas.

"Il fallait opérer sans cesse un zapping entre ces quatre langues et le scénario était consistant", ajoute-t-elle, soulignant toutefois que ce premier rôle principal est un tournant dans sa carrière et une "expérience très enrichissante sur le plan professionnel".

Pour sa part, l'actrice marocaine Salima Benmoumen a confié à la MAP, que cette expérience cinématographique, dont le point fort est d'avoir accompagné le projet dès ses débuts, l'a aidée à approcher un nouveau répertoire.
Le challenge artistique qu'il fallait relever était de ne pas tomber dans l'excès ou la caricature d'autant plus, ajoute-t-elle, que le personnage évolue dans le temps tout le long du film.

"Il fallait interpréter trois tranches d'âge: Hamrouch jeune, mature puis d'un âge avancé et inversement", indique-t-elle, précisant que cela ne se faisait pas forcément de manière linéaire pendant le tournage.

Pour cette actrice qui suit actuellement des cours d'écriture de scénario à l'université de Cologne en Allemagne, le défi était de ne pas perdre la continuité du personnage ni son unité.

Revendiquant sa multi-disciplinarité, Salima Benmoumen considère que passer par tous les maillons de la chaîne de l'écriture, au jeu ou la mise en scène est une question de survie. "Il faut se faire une raison mais c'est tout de même enrichissant", positive-t-elle.

Pour rappel, deux autres projets de films marocains sont présents à la section "cinéma en mouvement" en l'occurrence "www : What a wonderful world" (Tournage/Post production) de Faouzi Bensaidi et "Fi Intidar Posolini" (projet) de Daoud Aoulad Syad.

En lançant la section "Cinéma en mouvement", en collaboration avec deux festivals européens, Amiens (France) et Fribourg (Suisse), qui soutiennent, entre autres, le cinéma maghrébin, les initiateurs de ce grand rendez-vous cinématographique ont décidé d'apporter de nouvelles perspectives internationales aux projets des cinéastes de ces pays. La 53e édition, qui réunit dans son programme officiel de grands noms du cinéma mondial et 194 films dont des premières mondiales, présente dans l'ensemble un cinéma très engagé et ancré dans la réalité contemporaine.
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