L'ONU pert une grande militante de la cause de l'enfant
AFP
30 Avril 2005
À 19:30
Avec le départ de Carol Bellamy, qui prend sa retraite samedi après 10 ans passés à la tête du Fonds des Nations unies pour l'Enfance (Unicef), l'Onu perd une de ses personnalités les plus énergiques et hautes en couleurs.
Cette Américaine de 63 ans, lunettes rondes, coupe au bol et qui n'a jamais mâché ses mots, a la réputation d'un bourreau de travail, arrivant à son bureau à 5h00 chaque matin, sept jours sur sept, recevant quelque 600 e-mails par jour et mettant un point d'honneur à répondre à chacun d'eux, selon une de ses collaboratrices.
Ceci quand elle n'est pas sur le terrain pour apprécier l'étendue d'une catastrophe naturelle, d'une épidémie ou prendre à partie publiquement les dirigeants talibans en Afghanistan pour leur refus de scolariser les filles.
Qualifiée de «voix stridente pour les enfants sans voix du monde» par Kul Gautam, un de ses adjoints, Mme Bellamy, ancienne volontaire du Peace Corps au Guatemala, affirme inlassablement qu'«il n'est pas de tâche plus noble ou plus importante pour cette génération et les générations futures que de donner à chaque enfant un meilleur avenir».
«Bon sang que c'était sympa de travailler avec vous !», a-t-elle dit avec son accent new-yorkais au personnel de l'Unicef jeudi soir lors d'une réception d'adieux à l'Onu, ajoutant qu'elle venait de passer «les 3.652 jours les plus merveilleux de sa vie».
«Nous, à l'Unicef, à l'Onu, nous ne nous reposerons jamais, tant que nous ne pourrons pas dire que nous vivons dans un monde qui convient aux enfants. Et moi j'ai l'intention de continuer le combat», a-t-elle affirmé, déclenchant un tonnerre d'applaudissements.
Mme Bellamy restera en effet en prise avec le monde de l'enfance puisqu'elle sera dès dimanche le nouveau PDG de World Learning, une organisation internationale privée mais non lucrative d'éducation basée dans le Vermont (nord-est des Etats-Unis).
Nommée en 1995 par le secrétaire général de l'époque Boutros Boutros-Ghali, Mme Bellamy avait été reconduite à la tête de l'Unicef pour un second mandat de cinq ans en 2000 par Kofi Annan. Selon les règles de l'Organisation mondiale, les chefs des agences de l'Onu ne peuvent prétendre à plus de deux mandats de cinq ans.
Son successeur comme directrice exécutive de l'Unicef est une autre Américaine, Ann Veneman, ex-secrétaire à l'Agriculture pendant le premier mandat du président George W. Bush.
En dix ans, l'action de Carol Bellamy est créditée d'un certain nombre d'avancées pour les enfants du monde:
- une baisse de 16% du taux de mortalité infantile dans le monde depuis 1990 et de 34% si l'on exclut l'Afrique sub-Saharienne.
- une réduction de 99% de l'incidence de la polio depuis 1988.
- une baisse de 40% des cas de rougeole depuis 1999
- une réduction de 50% des décès par diarrhée depuis 1990
- le nombre des enfants non scolarisés dans le monde est passé pour la première fois sous la barre des 100 millions.
- de plus en plus de pays adoptent des lois pour protéger les enfants contre les pires cas d'abus et d'exploitation.
Elle a également doublé les ressources financières de l'Unicef, qui sont passées en dix ans d'un milliard de dollars à près de deux milliards, selon son secrétaire de presse, Alfred Ironside.
Enfin, Mme Bellamy a réussi à imposer le concept de l'interconnection des problèmes, l'idée selon laquelle la faim, la malnutrition, les maladies infectieuses comme le sida ou la paludisme, l'illétrisme, le manque d'accès à l'eau, les guerres et génocides, sont tous liés et qu'ils doivent être combattus ensemble.
Quoique fière de l'oeuvre accomplie, Mme Bellamy a estimé que c'était «loin d'être suffisant». «Davantage doit être fait, davantage doit être investi dans les enfants. Chaque dirigeant politique doit cesser de parler des enfants et commencer à agir».