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L'odeur de la mort flotte sur le pont des Imams

01 Septembre 2005 À 16:02

L'odeur de la mort enveloppait jeudi matin les lieux de la bousculade meurtrière de Bagdad autour du pont Al-Aëmah, le pont des Imams, ainsi appelé en référence aux Mausolées d'imams chiites et sunnite qu'il sépare.
Des employés municipaux ramassaient à grands coups de balai les objets abandonnés dans leur fuite par les centaines de fidèles chiites qui, pris de panique à la suite d'une rumeur par la présence d'un ou de plusieurs kamikazes, se sont jetés dans le Tigre, ou sont morts étouffés ou piétinés.


Des parents cherchaient parmi les sandales abandonnés, les restes d'aliments ou les bouteilles d'eau écrasées, un indice quelconque sur un proche disparu.
Le silence n'est troublé que par le bruit des pelleteuses qui dégageaient des tas de détritus. Quelques passants furtifs osaient, en cette matinée, traverser le pont. "C'est une chaussure de mon frère, je la reconnais parce que la paire était la mienne", dit Abdel Karim Minkhi, en pleurant. "Et, je ne sais pas s'il est mort ou vivant", ajoute-t-il, en serrant l'objet sali. Comme lui, de nombreuses personnes sont venues avec l'espoir de trouver une preuve de vie ou de mort après avoir fait le tour des hôpitaux de Bagdad.


"Qu'est-ce que je vais dire à sa femme et ses deux enfants qui attendent que je le leur ramène ?", s'interroge M. Minkhi, habitant du grand quartier de Sadr-City, dans le nord-est de la capitale.
Certains fulminent contre les autorités, comme Attaya al-Chommari, 32 ans, venus de Kout, à 180 km au sud de Bagdad et qui est toujours à la recherche de son frère. Elle a déjà trouvé les corps de sa mère, de son père et de sa sœur dans un hôpital de Bagdad.

Aucun officiel n'était présent. Les soldats et les policiers se tiennent à distance, en dépit de la promesse du gouvernement de mener une enquête sur les circonstances du drame intervenu alors que des centaines de milliers de fidèles marquaient la mort de Moussa Al-Kazem, le septième imam des chiites. C'est en se rendant au mausolée de cet imam qui abrite également la dépouille du neuvième imam chiite Mohammed Al-Jawad que les fidèles ont été pris dans le piège mortel.

Certains ont été secourus dans le mausolée de l'imam Abou Hanifa Al-Noomane sur l'autre rive, l'un des quatre des sunnites d'Irak et du monde. Des pièces d'identité des morts et disparus étaient placardées sur les murs d'enceinte de l'imposante bâtisse qui donne sur la berge du Tigre. "Que ce pont qui nous sépare nous réunisse", dit un vieux chiite venu aux nouvelles, en apprenant que des pèlerins de sa communauté ont été transportés et soignés dans la demeure religieuse sunnite. Dans l'hôpital proche de la Cité médicale où la morgue s'est avérée trop petite, trois camions frigorifiques ont été installés dans la cour pour entreposer des corps de victimes.

Un nombre impressionnant de gens défilent. Ils sont admis un à un dans la morgue et les camions pour reconnaître un éventuel parent. Leurs visages fermés reflètent leur immense tristesse.

Ces mêmes scènes se reproduisent à l'infini à l'hôpital Imam Ali à Sadr-City où de nombreuses victimes ont été transportées. L'immense quartier doit faire face à un manque de cercueils. Les religieux ont passé la nuit à confectionner les linceuls blancs avec lesquels on recouvre les corps des morts.

Des scènes de douleur éclatent chaque fois qu'un corps est identifié comme celui de Hana, une jeune institutrice, que sa mère n'a reconnue que grâce aux traces d'une opération chirurgicale. Les convois s'improvisent dans la chaleur en direction de Najaf, la ville sainte située à 160 km au sud de Bagdad, où les chiites enterrent leurs morts.

Les premiers minibus chargés de cercueils ont quitté le quartier dès l'aube.
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