La dépression et la peur, des troubles communs aux victimes des violations passées des droits de l'Homme
LE Dr. Ahmed Al Hamdaoui, spécialiste en psychiatrie clinique et en psychologie de la criminalité, a affirmé que le stress et la peur maladive sont le résultat inéluctable de l'exercice de la torture, confirmés par les différents diagnostics effectués sur
MAP
02 Février 2005
À 16:00
Le Dr Al Hamdaoui, qui est membre de l'équipe médicale multidisciplinaire de l'Instance équité et réconciliation (IER), a précisé, dans une déclaration à la MAP, que la torture et toutes les autres formes de mauvais traitements font que la personne, avec le temps, présente des dysfonctionnements dans ses fonctions psychologiques, illustrés par tout genre de souffrances, notamment un état dépressif chronique, une peur maladive, le stress, en plus de troubles du sommeil, accompagnés de cauchemars.
La stratégie de la torture, avec tout son lot de mauvais traitements qui visent le physique de la victime, se veut également une tentative de destruction du référentiel psychique et historique de la personne, de même qu'elle vise à dénaturer l'identité de la victime par rapport à son passé d'enfant, et de façon plus générale, de briser sa personnalité, a dit le Dr Al Hamdaoui qui accompagne les victimes des graves violations qui prennent part aux auditions publiques organisées par l'IER.
Pour lui, la torture n'est pas une action de violence fortuite, encore moins gratuite. Elle est pratiquée en parfaite connaissance de cause et de ses répercussions aussi bien sur la victime que sur son entourage : "l'individu, sa famille, ainsi que l'ensemble de la société sont terrorisés".
Toutefois, a tenu à souligner le Dr Al Hamdaoui, la gravité des troubles post-torture diffère d'une personne à une autre, compte tenu de son passé, de son éducation, de ses moyens de résistance et de sa conviction de ses principes, faisant remarquer par la même occasion qu'un ensemble de symptômes restent communs à toutes les victimes, notamment un état dépressif chronique, l'aggravation du sentiment de grandeur, la perte de confiance en soi, le sentiment de persécution et une angoisse chronique qui se transforme en paranoïa.
Le Dr Al Hamdaoui a également évoqué certains troubles sexuels dont souffrent essentiellement les victimes d'une longue détention qui ont subi des chocs électriques au niveau de leurs organes génitaux ou ont fait l'objet de viols.
Parmi ces troubles, figurent l'éjaculation précoce, l'impuissance et l'absence du désir sexuel. Tous ces symptômes sont le " résultat direct de l'atteinte à l'intégrité psychique de la personne", a-t-il dit.
A propos des répercussions de la torture et du mauvais traitement sur les rapports de la victime avec son entourage, le spécialiste a indiqué que les victimes souffrent en général de vivre une vie sociale perturbée, de même qu'elles présentent des difficultés de communiquer avec autrui en raison d'une forte angoisse, de la perte de confiance en soi et d'une névrose excessive.
Sur le plan thérapeutique, le Dr Al Hamdaoui a affirmé que l'accompagnement personnel, à travers des séances de thérapie, permet aux victimes d'exprimer les souffrances du passé, en tant que personnes ou groupes.
La responsabilité du spécialiste psychanalyste consiste à aider les victimes à exprimer leurs souffrances et à atténuer la douleur par le recours à des techniques, comme la libre expression et en garantissant les différentes formes de thérapie dont dispose la médecine psychiatrique, à l'instar de ce que fait l'IER.
Il existe une vingtaine de techniques thérapeutiques utilisées selon le cas présenté par la victime, le médecin traitant ne prescrivant généralement pas de médicaments, puisque le traitement se base essentiellement sur l'organisation de séances psychanalytiques, avec l'aide de techniques telles que celle de " la relaxation ", a -t-il précisé.
Concernant le référentiel scientifique de l'exercice de la torture, le Dr Al Hamdaoui a noté que le domaine de la psychologie de la criminalité pâtit d'un manque d'informations et d'études en la matière, ne seraient-ce certaines enquêtes réalisées par des spécialistes danois et des médecins militaires ainsi que les témoignages d'anciens détenus et tortionnaires.
L'IER a mobilisé un groupe médical multidisciplinaire composé d'un psychologue, d'un généraliste, d'assistantes sociales et d'infirmiers, qui travaillent dans le cadre d'un programme intégré visant à assurer l'accompagnement médical thérapeutique et psychologique des victimes des violations graves des droits de l'Homme.