Fête du Trône 2006

La poésie de la résistance amazighe au Maroc central

14 Janvier 2005 À 16:08

Bien que les manuels d'histoire ne donne pas une place importante à la résistance face à la colonisation au début du XXème siècle, la tradition orale, et particulièrement la poésie, nous offre la possibilité de revenir sur cette époque héroïque de notre histoire nationale. Les vers poétiques sélectionnés traitent de la résistance du Maroc Central face à l'avancée des troupes françaises. Cette poésie reste un témoignage édifiant car elle nous informe sur la progression de la machine de guerre coloniale et sur la résistance suicidaire livrée par les tribus amazighes de l'Atlas central.

Les lieux cités dans cette poésie servent de repères à la progression de l'armée coloniale. Elle témoigne de l'attachement des combattant à leur croyance et à leur volonté de lutter jusqu'à la mort. Nous avons adoptés un classement progressif. La prise des villes a entraîné la résistance vers la montagne. Et à chaque défaite, le poète s'exprime et nous permet d'appréhender l'évolution des soldats français.

Après la prise des villes côtières atlantiques, le colonisateur avance comme en témoigne ce vers qui nous renseigne sur la prise des grandes villes du Maroc central :

A nall i FAS, ad as allegh i MEKNAS, a y AGURAY
A SFRU, a TABADUT han irumin zlan agh
Pleurons Fès, Meknès, Agouray
Sefrou, Tabadout, les chrétiens nous ont ruinés.

La plaine du Saiss est ainsi « soumise » et la machine de guerre française s'attaque à la montagne. Comme en témoignent ces vers :

Berci yserreh awal, iggufey is isdaâ KHNIFRA
is al itteddu g ayt ttaât
La prise de Khnifra par Berger se confirme ,
Tant les résistants ne sont pas de vrais guerriers.

La même désolation est traduite dans ce vers qui réfère à la soumission de Lehri, petite bourgade située à une dizaine de kilomètres de Khnifra.

Uran t tzemmurin ass a gan t amm unna
Yemmuten, a LEHRI tsiwel digun tawuct
Tu et, à présent, sans force et comme mort
Ô Lehri, la chouette fait entendre son cri lugubre.

La progression des troupes coloniales se fait par étapes. Après Lhri et Khnifra, le colonisateur escalades la montagne. Parti de Khnifra, il prend Alemsid, puis Aghbala et ses environ. Et après la bataille de Tazizawt, il réussi a accéder au col devant lui offrir un passage vers le sud Est. Il s'agit du col de Bab n Wayyad, frontière naturelle séparant la confédération des Ayt Sokhmane d'Aghbal et la confédération des Ayt Yafelman. Ces vers sont l'illustration de cette avancée.

Immut Buâzza, may ttabaâm a yimnayen
S ixf ULEMSID ibbi wuzzal tassa nnes
Bouâzza est mort, cavaliers, inutil de
Charger vers Almsid, le fer a percé ses entrailles.

Ar ittru WEGHBALA allig isru IKWSAL
ar ittru BUWATTAS, a TIZI n TURIRT
Aghbal pleur et fait pleurer Ikousal
Et Bouwatta, ô Tizi n Tewrirt

A TUNFIYT ttughen Saligan wessaght afella
nnem ad d iâdel I sselk ad d iddu ghurrem
O Topunfiyt, les sénagalais s'actuvent,
Pour te relier au Chrétien par téléphone

Inna m BAB n WAYYAD a tizi n taqqat
Han arumy ibedda d a nebdu g imyamazn
Bab n Wayyad te dit, ô col
Le colon est là et les combats s'annoncent.

Les attaques françaises se déroulent aussi sur la frontière maroco-algérienne. C'est ce que ce vers nous révèle sur la prise du village de Boubnib au Sud Est.

Ha BUDNIB ijjmeâd ddunit
lla ttemmenzaghn inselmen d irumin afella nnun
Boudnib, centre d'interet du monde
Théâtre d'affrontement entre chrétiens et mlusulmans.
Ainsi, la poésie reste une source d'informations inestimables sur la résistance à la colonisation durant les premières décennies du XXème siècle.

L'authenticité des faits exprimés et véhiculés par cette poésie de résistance est confirmée par les rapports et écrits des militaires français. Le poète cite à la fois le nom des villes, villages et bourgades soumises et le nom des officiers coloniaux qui ont participé aux différentes batailles.

La mémoire collective garde toujours vivace cette poésie. Une poésie qui assume plusieurs fonctions : témoigner pour les générations futures et exprimer la déroute d'une population qui a subi leu feu de l'artillerie et de l'aviation françaises.
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