La production littéraire : Radioscopie de l'univers de la création dans l'Oriental
MAP
10 Décembre 2005
À 16:58
Les intellectuels et observateur du champ culturel de l'Oriental sont quasi-unanimes à considérer que cette région, ayant certes ses spécificités en tant que telle, demeure toutefois l'un des grands éléments de l'ossature versant dans la production littéraire nationale, notamment dans le domaine de la poésie, avec l'existence de jeunes potentialités à même d'attirer les projecteurs, au cas où la critique littéraire s'acquitte, comme il se doit, de l'accompagnement requis.
Le Pr. Mohamed Kasmi, chef de l'unité de formation et recherche (troisième cycle) à la bibliographie de littérature marocaine contemporaine de l'Université Mohamed 1-er d'Oujda, a ainsi affirmé, dans un entretien à la MAP, que la littérature dans la région de l'Oriental est riche par les langues dans lesquelles elle est écrite, tel le français, comme c'est le cas pour Abderahmane Zenati et Ali Adray dans le domaine du roman, Fouzia Dendan et Rachid Dziri dans celui de la poésie, avec néanmoins une prédominance de l'écriture en langue arabe classique et dans d'autres cas en langue amazighe, à l'exemple de Rachida Merraki (roman et poésie).
Et de souligner que du point de vu genre de production littéraire, l'Oriental est considéré comme «une région de la poésie par excellence» puisqu'on compte 200 recueils publiés, soit le cinquième de ce qui a été produit au niveau national au cours des quarante dernières années.
Selon M. Kasmi, auteur de huit ouvrages sur la littérature marocaine, outre un nouvel ouvrage intitulé «Bibliographie de la littérature maghrébine contemporaine», le cercle des poètes dans la région de l'Oriental n'a pas cessé de s'élargir depuis les années soixante pour atteindre 80 poètes et que le public n'en connaît que peu de noms rendus célèbres au Maroc et à l'étranger, comme Mohamed Farid Riahi, Hassan Lamrani, Ali Rebaoui et Mohamed Loukah ainsi que ses fils et certains de ses frères, a-t-il dit, imputant cette situation à la critique demeurant modeste dans la région et qui a fait que certains noms émergent, plutôt que d'autres.
En terme de classification, il a parlé de génération de pionniers représentée par Mohamed Loukah, Riahi, Lamarani, Rebaoui, Benâmara et Bouâli émergés dans les années 60-70 et d'une deuxième génération qui s'ensuivit et personnalisée par Mohamed Maktoub, Zoubir Khiat (lauréat du prix de l'Union des écrivains du Maroc pour les jeunes poètes) et Abdeslam Bouhjer, lauréat du prix Moufdi Zakaria en Algérie, alors que la nouvelle génération concerne d'autres noms, dont Sameh Derouich, Yahya Amara et Abdelkader Loukah.
Le Pr Kasmi a cependant noté l'absence de plumes féminines dans le domaine de la poésie, à l'exception de Thouria Majdouline, Halima Ismaîli et Fatima Abdelhak, relevant que ce phénomène, qui se vérifie aussi au niveau national, s'expliquerait par un retard de scolarisation chez la fille marocaine et un milieu conservateur de la société, qui considère encore l'expression par la poésie chez la femme, comme difficilement acceptable.
Dans le domaine de la nouvelle, qui intervient en deuxième rang, M. Kasmi a estimé que ce genre littéraire n'est apparu que dans les années 70 avec Mohamed Choukri, issu de la région de Beni Chiguer dans la province de Nador et Mohamed Mounib Bourimi, de la ville de Zayou (même province), avant de s'affirmer dans le milieu de la jeunesse, dont en particulier Jamal Boutaib (Oujda) avec quatre œuvres et Jamal El âtrous (Berkane) avec cinq oeuvres.
Ce genre littéraire souffre lui aussi de l'absence de l'élément féminin, hormis Badiâ Ben Mrah, avec une seule nouvelle.
A propos du roman, le Pr Kasmi a indiqué que ce genre est apparu tardivement dans la région de l'Oriental avec la publication, en 1978 par Mohamed Hmidani, de la ville de Bouârfa, de son ouvrage les «geôles de l'ancien bagne», suivi de cinq romans de Mohamed Choukri.
Mais ce sera le troisième millénaire qui se distinguera surtout par des uvres romancières importantes de Yahya Bezghoud et Sameh Derouich d'Oujda, Jelloul Kasmi (Jerada), Mustapha chaâbane (Berkane), Hocine Tahiri, Mustapha Housni et Mouttaki Achehbar (Nador), Hamid Khidous (Laâyoune charkia), Khodher Kaddouri (Taourirt), Ahmed Hachmi (Guercif) et Omar Jelloul (Ahfir). Ce genre n'a été abordé par aucun nom féminin.
En matière de théâtre, il a été constaté une régression au niveau de l'écriture théâtrale dans la région, puisque feu Mohamed Meskine représentait un modèle unique avec ses six pièces théâtrales, à l'exception des tentatives de «remplir le vide» entreprises par les écrivains Mohamed Maâzouz, Noureddine Taibi, Lahcen kennani et Abdelkrim Berchid (création et critique).
Le Pr Kasmi a affirmé, concernant la critique littéraire, qu'il n'existe pas à ce sujet d'écrits spéciaux dans la région, hormis les ouvrages «Mouvement théâtral dans la région de l'Oriental» de Mustapha Ramdani, «Spécificités artistiques dans la poésie de Hassan lamrani» (Mohamed Rezouki) et «Ecritures littéraires chez Mohamed Bourimi» (Abderrahman Bouâli).
Pour lui, ce qu'il y a à retenir en la matière se limite simplement à ce qui se dit lors de festivals tel que le festival Okadh de poésie d'Oujda, ou les séminaires et écrits de presse, a-t-il dit, soulignant que même ces suivis ne servent pas réellement la créativité, puisque se concentrant sur certains et marginalisant d'autres, ou présentant un caractère de parti-pris élogieux ou désapprobateur.
Il a indiqué que la région compte effectivement de grands critiques, mais dont le travail est focalisé sur la production nationale, du fait qu'ils se trouvent hors de cette région, comme Ahmed Troyssi, Said Benkrad, Ahmed Cherrak, Abderrahman Tankoul, Hamid Lahmidani et Mohamed Khermach.
M. Kasmi a souligné l'importance de la communication avec ces critiques aux cotés de ceux se trouvant dans l'Oriental pour prendre connaissance de toute production littéraire dans cette région, ce qui garantira un développement qualitatif et quantitatif de la production littéraire et contribuera à l'enrichissement de la culture et de la créativité nationales.