Le Nobel de la paix à El Baradei malgré les Américains
Le prix Nobel de la paix 2005 a été attribué hier vendredi à l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) et à son chef, Mohamed ElBaradei, pour leur travail contre la prolifération des armes nucléaires, 60 ans après le bombardement atomique d'Hir
En dépit de l'opposition américaine ce sera l'Egyptien Baradei qui sera primé
07 Octobre 2005
À 13:03
"A une époque où la menace des armes nucléaires s'accroît une fois encore, le comité Nobel norvégien souhaite souligner le fait que cette menace doit être traitée via une coopération internationale la plus large possible", a précisé M. Danbolt Mjoes.
La distinction de l'AIEA et de M. ElBaradei intervient alors que la communauté internationale peine à convaincre l'Iran et la Corée du Nord de renoncer à leurs programmes nucléaires.
Elle coëncide aussi avec le 60e anniversaire du largage par l'US Air Force de deux bombes atomiques, "Little Boy" et "Fat Man", sur les villes japonaises d'Hiroshima et de Nagasaki les 6 et 9 août 1945.
Ce faisant, le comité Nobel perpétue une tradition non-écrite depuis 20 ans qui consiste à récompenser des organisations ou des individus opposés à l'arme nucléaire lors de chaque grand anniversaire des premiers --et uniques à cette heure-- bombardements atomiques de l'Histoire, qui avaient fait plus de 210.000 morts sur le coup.
En 1995, le prix était allé au mouvement anti-nucléaire Pugwash et à son fondateur Joseph Rotblat et, en 1985, à l'Internationale des médecins contre la guerre nucléaire. "Le fait que le monde ait très peu progressé en la matière rend une opposition active à l'arme nucléaire encore plus importante aujourd'hui", a précisé M. Danbolt Mjoes.
Fondée en 1957 et basée à Vienne, l'AIEA a joué un rôle majeur dans les mois précédant l'intervention militaire américano-britannique contre l'Irak de Saddam Hussein en 2003. Au grand dam des Etats-Unis convaincus du contraire, l'organisation estimait alors que l'Irak ne disposait pas d'armes de destruction massive, un jugement désormais généralement admis comme correct.
"L'indépendance et l'impartialité continueront de guider mon travail", a déclaré M. ElBaradei le mois dernier, en prêtant serment lors du renouvellement de son mandat.
"Les défis auxquels nous devons faire face ne peuvent être relevés que par une approche collective", a ajouté l'Egyptien de 63 ans.
Outre des négociations délicates avec l'Iran et la Corée du Nord, les mois passés ont vu l'échec d'une conférence sur la revitalisation du traité de non-prolifération (TNP) en mai et l'incapacité de la communauté internationale à s'entendre sur ce sujet lors du sommet de l'Onu en septembre.
Le Nobel de la paix --une médaille d'or, un diplôme et un chèque de 10 millions de couronnes suédoises (1,1 million d'euros) - leur sera remis le 10 décembre, date-anniversaire de la mort de son fondateur, le philanthrope et industriel suédois Alfred Nobel, inventeur de la dynamite.
----------------------------------------------- Agence internationale de l'énergie atomique : gendarme de l' ONU pour les activités nucléaires
L'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), à laquelle a été décerné le prix Nobel de la paix vendredi à Oslo, est le gendarme des Nations unies pour les activités nucléaires.
Créée en 1956 et installée à Vienne, l'AIEA, organisme autonome étroitement associé de l'ONU, a pour mission de détecter le détournement des matières fissiles et de garantir l'application du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP). L'agence s'est surtout fait connaître pour ses inspections avant la guerre en Irak et celles qu'elle effectue actuellement en Iran qui est accusé par les Etats-Unis de mettre au point l'arme atomique sous couvert d'un programme nucléaire civil.
Regroupant 139 Itats et disposant d'un budget annuel de plus de 210 millions de dollars, elle a également pour mission d'accélérer l'utilisation pacifique de l'énergie atomique et d'établir des normes de protection radiologique pour l'environnement et la population. C'est en 1953, à l'initiative du président américain Dwight Eisenhower, qu'a été lancée l'idée d'une agence internationale chargée d'encourager l'utilisation de l'énergie nucléaire à des fins pacifiques et de contrôler les matières nucléaires afin d'en empêcher l'usage militaire. Le statut de l'AIEA a été adopté à New York en octobre 1956 et est entré en vigueur le 29 juillet 1957.
Bien que n'étant pas au sens strict une institution spécialisée des Nations unies, elle entretient avec l'ONU des liens étroits, au travers notamment des rapports qu'elle transmet chaque année à l'assemblée générale de l'organisation et, le cas échéant, à son Conseil de sécurité.
Une assemblée générale, composée de tous ses membres, a une réunion annuelle au mois de septembre et la direction de l'agence relève d'un conseil des gouverneurs, composé de 35 Etats membres, dont 13 sont désignés en leur qualité de pays les plus avancés dans le domaine nucléaire. L'AIEA dispose également d'un secrétariat permanent d'environ 2.200 agents.
Son statut assigne à l'AIEA les objectifs fondamentaux d'encourager et faciliter le développement et l'utilisation de l'énergie nucléaire à des fins pacifiques. Le rôle de l'AIEA dans la non prolifération nucléaire a été conforté par le TNP qui, négocié à partir de 1957 et signé le 1er juillet 1968, est entré en vigueur le 5 mars 1970.
En vertu de l'article III du traité, l'AIEA est chargée de contrôler l'usage pacifique des matières nucléaires dans les pays parties au traité qui ne sont pas dotés d'armes nucléaires.
Concrètement, ce contrôle de l'AIEA s'exerce dans le cadre d'accords de garanties qu'elle passe avec les différents Etats concernés. C'est ce régime international de garanties que l'agence cherche à renforcer pour lutter plus efficacement contre la prolifération nucléaire.
Les accords de garanties et les contrôles de l'AIEA constituent une pièce essentielle de la politique de non-prolifération nucléaire. L'objectif est d'atteindre une couverture universelle afin que chaque pays du monde adhère au mécanisme de contrôle de l'usage des matières et installations nucléaires de l'AIEA.
La quasi-totalité des Etats (187) ont signé le TNP, mais environ 50 d'entre eux n'ont pas signé d'accords de garanties généralisées avec l'AIEA alors même que le traité les oblige juridiquement à le faire. Il s'agit de pays peu développés n'ayant aucune activité nucléaire.
Trois Etats qui possèdent ou dont il est admis qu'ils possèdent l'arme nucléaire, Inde, Pakistan et Israkl, n'ont pas signé le TNP, mais ont néanmoins conclu avec l'AIEA des accords de garanties spécifiques dits "d'installation".
Enfin, les cinq puissances nucléaires reconnues, Etats-Unis, Russie, Chine, Grande-Bretagne et France, ont elles aussi signé des accords de garanties, mais sur une base volontaire, puisque leur statut d'Etat doté d'armes nucléaires établi par le TNP les exonère par définition de toute obligation de contrôle.