Le Pr Ahmed Bennis : «Il y a 16 cardiologues marocains pour 1 million d'habitants»
LE MATIN
25 Septembre 2005
À 17:08
Les maladies cardio-vasculaires sont aujourd'hui reconnues comme une véritable épidémie. Pourtant, elles sont en grande partie évitables par des modifications du mode de vie. Le point avec le Pr Ahmed Bennis, cardiologue au CHU Ibn Rochd et président de la société marocaine de cardiologie.
Quels sont les principaux facteurs de risque des maladies cardio-vasculaires?
Les maladies cardio-vasculaires occupent actuellement la première cause de mortalité dans le monde. Chaque année, 25millions de personnes décèdent de maladies cardio-vasculaires dont 16 millions venant des pays en voie de développement. Considérées au XX ème siècle comme des maladies des pays riches, les maladies cardio-vasculaires deviendront la maladie des pays en voie de développement au XXI ème siècle. Ces chiffres s'expliquent par l'augmentation de la population dans le monde, mais également par le vieillissement de la population, comme le montre la pyramide des âges.
La population mondiale est en train de s'urbaniser et les facteurs de risque augmentent dans les pays en voie de développement. Les principaux facteurs de risque sont le tabac et le cholestérol, dégénérant les deux tiers du risque global d'attaque cardiaque. Les facteurs de risque additionnels sont l'hypertension artérielle, le diabète, l'obésité abdominale, le stress, l'insuffisance, au quotidien de consommation de fruits et de légumes et l'absence d'activité physique.
Qu'en est -il au Maroc?
L'enquête nationale menée par le ministère de la santé, communiquée le 28 Février 2001 montre que la fréquence de l'hypertension artérielle est de 33%, le diabète 6,6%, le cholestérol 29% , et l'obésité 13,3%. Ces chiffres tirent la sonnette d'alarme. Le Maroc est un pays à risque cardio-vasculaire. Le tiers de la population marocaine est hypertendue. Il y aurait 3 millions d'obèses dans notre pays. Le diabète toucherait plus de 1 million et demi de marocains. Ces données montrent clairement que la population marocaine est menacée par l'épidémie des maladies cardio-vasculaires.
Cette haute prévalence pourrait avoir comme explication, l'urbanisation de la population marocaine, la sédentarité et le changement de mode de vie. L'invasion de l'alimentation rapide Fast- food est un facteur important de prise de poids. La population marocaine délaisse de plus en plus le régime méditerranéen au profit de l'alimentation occidentale. L'obésité ne touche pas uniquement les adultes mais aussi les enfants. Cette obésité est d'autant plus menaçante qu'elle expose le futur adulte au diabète et aux complications cardio-vasculaires.
Quels sont les moyens susceptibles de faire reculer les maladies cardio-vasculaires?
Il faudrait encourager la population marocaine à adopter un mode de vie plus sain, et à réduire les risques de maladies cardio-vasculaires, en pratiquant davantage d'activités physiques, en supprimant le tabac, en veillant à une alimentation équilibrée et au contrôle du poids. Une bonne hygiène de vie permet de diminuer les risques d'attaques cardiaques ou cérébrales.
Des études récentes démontrent une amélioration significative de la santé en six semaines seulement. Une véritable politique de santé dans notre pays s'impose. Cette politique devrait être basée sur l'information du grand public. L'activité physique régulière comme la marche 30 à 45 minutes par jour est très bénéfique pour les coeur et les vaisseaux. Les bases d'une alimentation saine sont à encourager. Il faudrait nous mobiliser également pour éradiquer le tabac : principal facteur de risque cardio-vasculaire.
Faute de moyens financiers et d'infrastructures, de nombreux marocains continuent de souffrir et de mourir sans recevoir de soins. Comment doivent s'organiser les services de santé pour améliorer l'offre des soins et répondre équitablement aux besoins de la population ?
On peut considérer aujourd'hui que 10 000 personnes sont sur la liste d'être opérées. Mais, au Maroc on ne pratique que 800 interventions à coeur ouvert annuellement contre 1600 en Algérie, 2000 en Tunisie et 50.00 en France. Les soins en cardiologie coûtent très cher: par exemple une coronarographie : 8000 DH, une dilatation d'une artère coronaire: 32000 DH, une intervention de pontage coronaire : 90 000 à 100 000 DH. Le remplacement des valves cardiaques de 80.000 à 100. 00 DH. Le problème est que seuls 15 % de la population est couverte par la sécurité sociale. Avec l'AMO, ce chiffre pourrait atteindre 30%.
Mais comme les pays développés, il faudrait couvrir par la sécurité sociale l'ensemble de la population marocaine car le travail des associations caritatives ne sera jamais suffisant pour répondre aux besoins de ces malades en attente de chirurgie. Il faudrait également avoir une politique de formation de cardiologues à l'horizon 2010 (16 cardiologues marocains pour 1 million d'habitants), bien les répartir sur le territoire national, décentraliser la cardiologie de pointe sur les autres grandes villes du Maroc comme Tanger, Marrakech, Fès, Agadir.
Les centres de références de soins médicaux chirurgicaux sont à Casablanca et Rabat. J'attire enfin l'attention du ministère que des médicaments d'urgence ne sont pas disponibles au Maroc (Thrombolytiques), quand on sait que le temps est très précieux en cas d'attaque cardiaque. Plus on agit vite, plus le pronostic est meilleur.
Bon poids, bonne forme
Sanofi – Aventis s'est engagé aux côtés de la Fédération Mondiale du Cœur pour développer la campagne "Shape of the Nations” (Des nations en forme) dont le coup d'envoi a été donné hier à l'occasion de la Journée mondiale du Cœur, le dimanche 25 septembre 2005.
Cette campagne vise à encourager chacun à mesure son tour de taille ,puisqu'il s'agit d'une manière simple et aisée d'évaluer le risque de maladies cardiovasculaire et de diabète.
Pour être en bonne santé, il est essentiel d'avoir un cœur sain.
En surveillant votre poids et votre silhouette, vous pouvez réduire le risque de maladies cardiovasculaires et de diabète.
Plutôt pomme ou plutôt poire ?
Selon les personnes, la répartition des graisses est différente : vous pouvez être plutôt en forme de "pomme” ou de "poire”. Une répartition en "poire" signifie que les graisses ont tendance à s'installer sur les hanches et les fesses tandis qu'elles s'accumulent au niveau de la taille (estomac) pour une répartition en "pomme”.
Pour qui le risque est-il le plus important ?
C'est chez les personnes présentant une répartition en "pomme” que le risque de maladies cardiovasculaires et de diabète est le plus élevé. En effet, ce type de personne a un tour de taille important, souvent lié à la présence en excès de graisses abdominales.
La graisse abdominale est stockée dans l'abdomen, autour des organes principaux : elle est associée à la survenue de troubles cardiovasculaires et métaboliques (taux de glycémie élevé, profil lipidique anormal et hypertension artérielle) qui entraînent diabète et maladies cardiovasculaires.
Tour de taille
La simple mesure de votre tour de taille vous permet d'évaluer facilement votre risque de diabète ou de maladies cardiovasculaires. Pour un cœur en bonne santé, mesurez votre tour de taille, dès aujourd'hui.