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Le melhoun, un art séculaire à valoriser

04 Novembre 2005 À 15:55

S'il est vrai que l'art du melhoun nous offre un imposant corpus de poèmes et de chants conservés et véhiculés par une double tradition orale et de manuscrits et nous livre, à travers ses chantres, la plus élaborée des formes de versification en arabe dialectal marocain, sa valeur n'est pas à rechercher dans la seule donne musicale mais plutôt dans le riche répertoire encore inexploré, expression d'une mémoire collective, plusieurs fois séculaire, peaufinée en prouesses métriques et poétiques.

Le melhoun, qui sera célébré par le festival Sijilmassa du 11 au 13 novembre à Errachidia, Rissani et Erfoud, est en soi une référence à une culture populaire complexe où coexistent le religieux, le profane et le fantastique.
Ce trésor, qui est certes un art du sens et du texte, ne peut se résumer à la seule poésie ou musique exprimant des sentiments, il est la mémoire qui a construit l'histoire du Maroc, instruit ses enfants et qui a appelé les Marocains à s'attacher à tout ce qui est beau et sublime.

Il est aussi la seule forme d'art qui a joué à la perfection le rôle de trait d'union entre le passé et le présent de notre peuple, que ce soit sur le plan de l'espace ou des différentes cultures.

Ce grand art d'une rare finesse reste apte à construire le Maroc d'aujourd'hui, à condition qu'il soit perçu comme étant l'expression de la mémoire collective et non comme un art de spectacle et de chant.

Le riche répertoire du melhoun encore inexploré constitue un trésor inestimable et sa conservation ne doit pas consister à le placer dans un musée et à l'exposer comme s'il représentait tout ce qui nous reste du passé. On peut se demander combien de poèmes de melhoun ont été chantés jusqu'à présent et combien de «qsidas» ont été seulement récitées.

Cheikh Moulay Driss Alaoui, connu dans le Tafilalet comme étant l'un des grands poètes du melhoun qui compte à son actif environ 200 qsidas, a révélé que déjà en 1970 on recensait grossièrement quelque 5000 qsidas, ce qui veut dire que le répertoire chanté constitue une infime partie de ce riche trésor et que s'il n'est pas revalorisé pourrait être menacé de distinction.

«L'art du melhoun a traité de tous les sujets qu'on peut imaginer, c'est toute une histoire sociale d'un peuple épris de beauté, il est sa mémoire, son miroir et son reflet», a-t-il soutenu.

«La conservation du Melhoun est un devoir qui incombe à tout un chacun épris de créativité, de vérité et de beauté. Nous sommes tous concernés», a-t-il insisté. La tendance vers le spectacle ne peut cependant servir le melhoun car le passage au divertissement auquel sont condamnés les arts traditionnels ne peut être rassurant.

L'organisation de festivals célébrant cet art, à l'image de celui de Sijilmassa, est certes une initiative louable à plus d'un titre mais la valorisation de ce trésor ne peut être réduite à cette unique optique.

Des recherches approfondies et des études soutenues sur le melhoun sont requises pour y trouver et y redécouvrir une tradition nouvelle, dont la genèse remonte loin dans le temps, confluence des nombreux événements qu'a vécu le Maroc, pays dont le peuple s'est abreuvé à la source de civilisations millénaires.
Le festival Sijilmassa du Melhoun, initié par le ministère de la culture en partenariat avec la province d'Errachidia, est prévu cette année du 11 au 13 novembre à Errachidia, Erfoud et Rissani.

Le programme de cette année présentera au public une sélection des meilleures troupes de Meknès, Erfoud, Fès, Salé, Azemmour, Errachidia, Taroudant et Casablanca. Un hommage sera également rendu à l'artiste Abderrahmane Selsouli.
Le programme prévoit aussi une conférence sur le Melhoun et le théâtre, animée par MM. Abdelmajid Fennich, Abderrahmane Kroumbi et Salem Abdessadeq.

Le centre premier du malhoun est, de l'avis des spécialistes, la région du Tafilalet. De là sont issus les ténors, les grands poètes qui, en émigrant vers les grandes villes du Maroc, permirent au malhoun de rayonner et de se développer avec le soutien d'un corps d'artisans et de métiers d'art mais aussi avec le contact des arts citadins.

La rencontre du malhoun avec le «zajal» andalou, le «mouwashah»et la poésie classique le fit progresser peu à peu : il développa de nouveaux thèmes, de nouveaux mètres et rythmes et une versification savante et riche. La langue du malhoun investissait le champ de l'ornementation et du vocabulaire recherché.
Cette tendance fut accentuée par l'intérêt porté au genre par des lettrés et des érudits citadins.



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