L'humain au centre de l'action future

Mahmoud Darwich à Rabat : un verbe rythmé qui décime et ensorcelle

Que d'élégance poétique chez ce sexagénaire palestinien. Son verbe rythmé continue d'imposer un silence mystique. Son intonation ondule toujours aux rythmes des hauts et des bas du co-texte poétique. Bref, Mahmoud égal à lui même. «Darwiche est parmi nous

27 Février 2005 À 12:20

La crainte du grand chantre de la poésie arabe était d'être «ennuyeux».

La réponse d'une salle archicomble ne tardait pas à venir en chour : «davantage d'ennui, Mahmoud». Ce qui était assez suffisant pour que l'homme aux célèbres lunettes classiques entame ces moments de bonheur qui relatent, sur un ton des plus poétiques, des moments de crise de la conscience humaine. D'emblée, le seul homme sur scène contait, à la faveur de ses rimes, l'«Etat de siège», recueil inspiré du dernier siège de Ramallah.

Assiégé, le poète décrit en de très courts poèmes, ses impressions sur une agression de plus en plus atroce. A travers des poèmes courts, il a tenté d'immortaliser des pensées fugitives.

Savez vous, dit-il en s'adressant au soldat ennemi, qu'en tuant ce gosse, vous venez de tuer votre gendre, de faire veuve votre fille dont il est amoureux et de condamner votre petit fils bien avant sa naissance. Quoi de plus éloquent pour un prédicateur du dialogue entre cultures? Sans rupture aucune, le ton monte. Le poète est encore dans la même grille thématique : le siège.

Mais, avec un changement de temps et d'espace. Cette fois, Darwich remonte le temps à son célèbre ode «Al Hisar» de 1982, suite au siège de Beyrouth. Le lyrisme amoureux préserve résolument sa présence dans la poésie de Darwich.
Rien n'a changé. Hier comme aujourd'hui, cette souffrance humaine, cette tragédie de tout un peuple ne fait que durer. Dans la foulée, Darwich n'oublie pas l'Irak.

L'hommage en passage est à l'endroit de l'inoubliable poète irakien Badr Chaker Essayeb. Pour imprégner l'atmosphère d'une graine de liesse et impulser ainsi cet espoir, de plus en plus en perdition, l'auteur de «Plus rares sont les roses» a changé de menu pour abonder en poèmes d'amour et confirmer encore une fois, si besoin est, qu'il n'est pas un poète de tribu. Il est une voix universelle, au service de la conscience humaine.

Dans un sens de gratitude envers les poètes et intellectuels qu'il aime le plus, Mahmoud Darwich s'est évertué à rimer des scènes vivantes retraçant la personnalité des défunts dont l'irakien Mohamed Mehdi El Jawahiri, le grec Yanis Ritsus et le syrien d'origine kurde Salim Barakat. Pour une nouvelliste marocaine, Mahmoud Darwich «nous brise et nous enchante à travers des mots», mais pas n'importe quels mots.
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