LE MATIN
11 Mars 2005
À 17:59
Le lieu est une laideur affligeante à la beauté de l'espace garni par de belles résidences. Ce dédale de morceaux d'acier, de tôles et de carcasses est un refuge pour les vendeurs de pièces de rechanges qui en ont fait leur paradis.
Une fois sur les lieux, le visiteur découvre un bidonville où se côtoie une multitude d'ateliers fabriqués soit en dur soit en carcasses de voitures et de minibus écrabouillés.
Le sol est entièrement couvert de graisse et des huiles usées. Tout ce décor infecte pèse lourdement sur les riverains de cette ferraille. Ils sont constamment réveillés par le bruit des perceuses et des marteaux. «C'est un calvaire que nous vivons ici, on ne peut pas se reposer de jour comme de nuit puisque la ferraille est aussi un refuge pour les chiens errants» affirme Ahmed, résident du lotissement Oum Rabiaâ.
Il n'est pas le seul à manifester son ras-le-bol de la présence de ce marché au cœur des résidences. «Nos enfants au lieu d'avoir un complexe culturel ou sportif pour passer leur temps de loisirs se rabattent directement sur ce lieu infecte pour jouer avec les carcasses», lâche amèrement une vieille femme. L'appel des riverains pour déplacer ce marché semble pour l'instant ignoré. Quotidiennement, c'est le même cycle vicieux qui recommence. Le bruit et les odeurs sont toujours les mêmes.
En plus des gênes causées pour les riverains, la ferraille attire également plusieurs enfants que ce soit des quartiers limitrophes ou lointains. La majorité d'entre eux viennent à la recherche d'un petit boulot pour se faire un peu d'argent de poche. Souvent, on leur confie la tâche d'essuyer les pares-brises des voitures des clients, ou tout simplement gardé l'atelier en cas où le propriétaire est occupé.
D'autres se contentent de jouer avec tout ce qu'ils trouvent : une roue de voiture abandonnée, un morceau de ferraille, un vieux volant, etc. Certains, un peu audacieux, s'installent à l'intérieur des sièges de vieilles carcasses et jouent aux conducteurs.
Assis sur une Simca 1100, Saïd, émerveillé, regarde les ouvriers couper de l'acier avec un chalumeau sans prêter attention à ces camarades qui de temps à autre l'invite à les rejoindre. Après de longues minutes de rêverie le garçon sort de sa torpeur et monte agilement sur une roue. Une mère qui a vu de sa fenêtre son garçon au milieu de la ferraille a vite fait de descendre de chez elle pour ramener son fils à la maison.
Tous ces bambins qui ont l'air satisfaits au milieu de cette décharge ignorent les dangers où ils sont exposés en jouant dans ce marché à la ferraille. En effet, ces enfants peuvent attraper toutes sortes de maladies qui vont d'un simple microbe à quelque chose de plus sérieux.
Les commerçants de la ferraille parlent d'un projet de déplacement vers Dar Bouaâza. Mais d'après nos informations, la personne chargée d'établir la liste de l'ensemble des commerçants qui exercent dans ce souk a exclu 52 commerçants de ce projet sous prétexte qu'ils n'adhèrent pas à la même centrale syndicale que lui. Or, l'appartenance syndicale est un choix personnel qui ne doit pas être une raison pour empêcher quelqu'un de bénéficier d'un droit.
Les commerçants exclus du projet ont demandé un entretien avec le président de la commune pour tirer l'affaire au clair, mais sans résultat.