L'humain au centre de l'action future

Neverland, film américain de Marc Forster : les secrets du papa de Peter Pan

Pour cette nouvelle version de Peter Pan sur grand écran, Marc Forster s'est intéressé à son auteur, James M. Barrie. Un garçon qui ne voulait pas grandir incarné avec grâce par Johnny Depp dans ce film au charme désuet qui a tenté de représenter les choc

12 Mars 2005 À 17:16

Après les versions très connues ou très récentes de Walt Disney (1953), Steven Spielberg (Hook, 1991) et P.J. Hogan (2004), Marc Forster, réalisateur suisse de A l'ombre de la haine, a choisi de s'intéresser au créateur de Peter Pan davantage qu'à son personnage.

Retraçant à sa façon la genèse de l'œuvre, il s'attache à brosser un portrait de James M. Barrie en jeune aristocrate mélancolique meurtri par les ombres de l'existence et la rigueur sociale de l'Angleterre victorienne, et paniqué par l'assèchement progressif de son imagination. Tout en grâce et en retenue, savourant un délicieux accent british pour l'occasion, Johnny Depp en fait une personne attachante, généreuse et triste. L'histoire de James M. Barrie, selon Marc Forster, c'est d'abord celle d'un petit garçon qui ne voulait pas grandir pour rester insouciant, ne pas assumer de responsabilités, ne pas affronter les difficultés de la vie et surtout, l'idée de la mort.

Ce n'est donc pas tant un adulte immature qu'un esprit hypersensible préférant se créer un monde parallèle où l'existence est, sinon plus belle, du moins supportable. Seulement, ce monde a besoin d'énergie. Et de plus en plus accablé par l'insuccès de ses pièces et son incapacité à communiquer avec son épouse (Radha Mitchell), James M. Barrie en manque. Jusqu'à ce qu'il rencontre au parc la veuve Davies (Kate Winslet) et ses quatre garçons. Sylvia Davies souffre d'un mal incurable et un de ses plus jeunes fils, Peter, n'a toujours pas accepté la mort de son père. Pour embellir leur quotidien, James M. Barrie devient leur camarade de jeu. Fort de cette nouvelle motivation, il les fait pénétrer dans son monde imaginaire, et leur insuffle son credo : «On peut influer sur les choses en prétendant les rendre meilleures».

Déchirements tragiques

C'est pour les enfants Davies que James M. Barrie aurait écrit sa pièce Peter Pan, qui a été jouée à Londres en décembre 1904 avant de remporter un succès planétaire. Mais c'est grâce à ces enfants, à leurs jeux et à leurs mots (qui ont été directement transcrits dans la pièce), que James M. Barrie a libéré son imagination, et retrouvé l'inspiration. Si l'on en croit les habituels descriptions du dramaturge, Marc Forster aurait embelli le personnage, gommant ce qu'il pouvait y avoir de louche chez ce vieux garçon hydrocéphale à l'enfance marquée par la mort dramatique de son frère et le désamour de sa mère, qui mesurait 1 mètre 50 à l'âge adulte et préférait la compagnie des enfants.

Fantaisie victorienne angéliste serait-on tenté de penser devant Neverland. Certes, Mark Forster n'a pas lésiné sur les décors, recréant, en 2005, un univers digne de Mary Poppins. Mais il a soigné le réalisme en évitant l'effet bonbonnière. Et si Neverland émeut, c'est moins pour son aspect mélodramatique que par sa façon d'en venir, doucement, au tragique : quand James M. Barrie est pris en défaut d'enchantement ; quand Sylvia Davies et lui ont un échange sur l'utilité de prétendre : mensonge ou astuce ? En dépit de quelques débordements chromos et d'une tension un peu trop lacrymale, Marc Forster réussit à faire ressortir les grands déchirements de cette histoire : passage douloureux de l'imaginaire à la réalité, commerce de l'enfance avec la mort.

Pour naviguer d'un monde à l'autre, le réalisateur a préféré les anciennes lois de la transparence aux effets spéciaux kitsch, plus tourné vers la mise en scène de théâtre et ses «trucs», que vers les prouesses cinématographiques modernes. Un parti pris artistique qui assigne à Neverland un charme désuet capable du même effet que l'illustration maintes fois explorée d'un vieux grimoire d'enfant.

Neverland (Finding Nerverland), film américain de Marc Forster avec Johnny Depp, Kate Winslet, Radha Mitchell. Durée : 1h41.
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