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Procès de Saddam Husseim : une affaire qui divise les Irakiens

16 Octobre 2005 À 12:58

Saddam Hussein sera présenté à ses juges mercredi, quatre jours après le référendum sur la Constitution du nouvel Irak, dans un procès voulu depuis longtemps par les Kurdes et les chiites et ressenti comme un règlement de comptes politiques par des Arabes sunnites.

Depuis la capture du président irakien dans des circonstances peu glorieuses un certain 13 décembre 2003 par des soldats américains, les chiites, n'ont cessé de demander la tête de celui qui les persécuta pendant ses 24 ans de règne. Les Kurdes aussi. Mais la tendance chez les Arabes sunnites en général a toujours été de regarder avec un oeil suspect le jeu juridico-politique autour de l'ancien maître de l'Irak.

Chez les chiites, dont un soulèvement a été durement réprimé en 1991 par les services de sécurité de Saddam Hussein après la défaite de l'Irak dans la guerre du Golfe, peu s'embarrassent de la procédure judiciaire. "Je demande à Jaafari (le Premier ministre Ibrahim Jaafari) de pendre Saddam Hussein et d'exposer son corps sur la place publique pour dissuader tout futur président de commettre les crimes qu'il a perpétrés contre les chiites", dit Oum Ali, ménagère de 68 ans à Sadr City, le grand quartier chiite de Bagdad.

L'homme le plus craint dans l'Histoire moderne de l'Irak doit être "jugé par le peuple et non ceux qui sont entrés à Bagdad sur les chars américains", dit de son côté Ali Khalès, 41 ans, un commerçant du même quartier. Il exprimait sa méfiance à l'égard de la juridiction chargée de juger Saddam Hussein, le Tribunal spécial irakien (TSI) mis en place sous Paul Bremer, l'ancien gouverneur civil américain de l'Irak. Cette position reflète celle du courant radical chiite de Moqtada Sadr qui a appelé à des manifestations avant le début du procès pour exiger qu'il soit confié à des "Irakiens honnêtes loin de tout calcul politique".

Certains chiites veulent simplement que justice soit faite. "Je ne demande qu'un jugement équitable pour Saddam Hussein bien que je suis l'une de ses victimes, mon père ayant été exécuté par ses services en 1985 pour ses opinions politiques", dit Sadek al-Aëdi, un chiite de Bagdad. Les Kurdes, qui ont autant souffert que les chiites des exactions du régime de Saddam Hussein, auraient souhaité qu'il soit tout de suite jugé pour ses crimes contre eux.

En effet, le président déchu ne comparaît mercredi que pour le massacre de 143 villageois chiites à Doujaël en 1982 au nord de Bagdad, le TSI n'ayant pas encore bouclé les dossiers sur le gazage de Kurdes en 1988 à Halabja et la campagne Anfal de la même année qui aurait fait 180.000 morts kurdes.

"On aurait aimé voir le TSI achever ses enquêtes sur les autres crimes de Saddam Hussein", déclare Mohammed Ihsane, le responsable du dossier des droits de l'Homme dans le "gouvernement" du Parti démocratique du Kurdistan (PDK) qui administre les provinces d'Erbil et de Dohouk.

Rassurant, le porte-parole du TSI, le juge Rakd al-Jouhi, a affirmé que l'instruction progressait sur les autres dossiers pour lesquels Saddam Hussein et ses adjoints seront jugés pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité. De l'autre côté, beaucoup parmi les Arabes sunnites voient dans le procès de Saddam Hussein l'expression d'une volonté de revanche de ses adversaires chiites et kurdes, voire une machination des Etats-Unis.

"Les crimes des occupants dépassent dans leur ampleur les meurtres de Doujaël et on se demande s'il ne vaut pas mieux juger les premiers", estime Abdel Rahmane Mohammed, un instituteur d'Adhamiyah, le grand quartier sunnite de Bagdad. "Saddam aura-t-il un procès équitable.

C'est là toute la question", s'interroge un avocat sunnite, Ali Abdallah, pour qui, dans l'affaire de Doujaël, l'ex-président n'a fait qu'exercer un droit à l'autodéfense, son convoi ayant été attaqué par des chiites qui voulaient attenter à sa vie.
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