Sommet entre M. Abbas et A. Sharon à Charm el Cheikh : Le temps d'une réelle chance à la paix
Le Premier ministre israélien Ariel Sharon et Mahmoud Abbas, Président de l'Autorité palestinienne (A.P.) doivent se rencontrer ce mardi à Charm El Cheikh en présence de deux “ témoins ” de marque : le chef de l'Etat égyptien et hôte de ce sommet inédit,
LE MATIN
07 Février 2005
À 17:50
il s'agit de la secrétaire d'Etat américaine Condoleezza Rice qui, la veille encore, était dans la région justement pour encourager Israéliens et Palestiniens à faire quelques efforts de plus en faveur de la paix.
Mme Rice a, en effet, appelé hier lors d'une conférence de presse à Ramallah (Cisjordanie) les deux parties à consentir de " vrais efforts pour la paix ” au Proche-Orient, estimant qu' " il est temps pour les deux parties de faire le maximum d'efforts pour donner une réelle chance à la paix ”.
La responsable américaine a même dit, à ce propos, avoir le sentiment que les parties comprenaient désormais " leurs responsabilités ”, ce qui est tout de même nouveau car jusqu'ici aucun responsable américain de ce rang ne s'était risqué à avancer pareille assertion, la responsabilité incombant, à leurs yeux, exclusivement et invariablement aux Arabes (du temps où l'on considérait encore le conflit du P.O. comme opposant Israël d'une part, et le monde arabe de l'autre) puis, aux seuls Palestiniens depuis le lancement du processus de paix israélo-palestinien.
Qui mieux est, Mme Rice a invité Israël à prendre des décisions " douloureuses ” et les Palestiniens à honorer leurs engagements. Autrement dit, les uns et les autres doivent, s'ils veulent réellement parvenir à la " paix des braves ” tant espérée par feu Yasser Arafat mais qu'il n'a pas eu le temps (ou la volonté ?) de conclure, ils doivent bien se résoudre à faire des choix déchirants et des compromis toujours difficiles et impopulaires mais inévitables car comme toute chose de la vie, la paix a un prix et celui-ci est, en l'occurrence, généralement très cher.
Il est tout aussi remarquable de relever -- fait également nouveau que la ministre américaine des A.E. ait apprécié la volonté du Président de l'Autorité Palestinienne de faire avancer les choses et de donner à ses interlocuteurs israéliens, particulièrement à Ariel Sharon, une raison supplémentaire de lui faire confiance et de relever, ensemble, le défi qui est désormais le leur.
" Nous nous félicitons, a-t-elle dit en substance, que le Président Abbas prenne des mesures concrètes sur la sécurité et pour rétablir la loi et l'ordre ”. Et comme pour conforter la confiance qui lui a été ainsi témoignée, Mahmoud Abbas a réitéré devant son hôte américaine sa volonté d'œuvrer à la création d'un Etat palestinien " en paix ” avec son voisin, Israël.
Voilà qui tranche donc littéralement avec les discours et récriminations du passé et pose clairement les jalons d'une nouvelle ère et préfigure une culture nouvelle. Un état d'esprit que résume parfaitement d'ailleurs Nabil Chaâth, chef de la diplomatie palestinienne en déclarant à l'AFP que " la secrétaire d'Etat Rice est venue exprimer son soutien à ce que nous faisons ”. Et M. Chaâth d'ajouter : " elle m'a dit qu'elle voulait que le processus passe à la vitesse supérieure et qu'elle souhaitait un retour à la Feuille de route ”. Un vœu que, objectivement, rien ne devrait contrarier à en juger par le nombre autant que par la qualité des " gestes ” accomplis par les deux parties tout au long de ces dernières semaines et dont le plus important et le plus déterminant tient, sans doute, au fait que Mahmoud Abbas ait pu obtenir des organisations palestiniennes radicales qu'elles cessent leurs attaques contre Israël.
Cette trêve, pour le moment encore fragile, provisoire et, en quelque sorte unilatérale puisque lesdites organisations n'ont obtenu aucune garantie israélienne en retour, peut contribuer positivement à consolider la nouvelle dynamique comme elle peut, à tout instant, tout remettre en cause si, d'aventure, Israël ne fait pas preuve de suffisamment de retenue et ne se résout pas à prendre quelques " douloureuses ” décisions évoquées par Mme Rice lors de son passage dans la région.
Le risque demeure, en effet, de voir certains milieux radicaux israéliens, cette fois-ci, prendre ombrage des " pressions ” américaines en particulier -- ce à quoi ils ne sont nullement habitués, ni préparés, Israël s'étant toujours comporté comme l'enfant gâté de l'Amérique et de l'Occident à qui rien ne doit être refusé, ni imposé et tenter de torpiller le processus en cours en obligeant Ariel Sharon à toujours placer la barre le plus haut possible ou même, au besoin, en provoquant et multipliant les incidents et les humiliations des Palestiniens.
La situation n'est visiblement guère facile à gérer tant pour Mahmoud Abbas que pour Ariel Sharon et ceux des membres de son cabinet, partisans de la paix et c'est pourquoi il faut espérer que les deux parties sauront faire montre d'assez de sang-froid et de self-contrôle. Il faut, surtout, espérer que ceux qui ont les moyens et l'ascendant nécessaires pour maintenir le train sur les rails – les Etats-Unis donc, mais aussi l'Union européenne, la Chine, la Russie, le Japon, etc. ne perdent pas de vue ce risque et se préparent à intervenir rapidement et énergiquement chaque fois que le convoi donne le moindre signe de vouloir quitter la voie.
Nous disons cela car, déjà, le ministre israélien de la Défense, Shaoul Mofaz, a cru bon d'anticiper en mettant en garde contre des tentatives d'organisations palestiniennes de faire avorter le Sommet de Charm El Cheikh et en affirmant disposer d'informations selon lesquelles Hamas, le Jihad islamique ainsi que le Hizbollah (libanais) projettent de perpétrer un attentat majeur contre Israël. Une éventualité toujours possible surtout lorsque les services secrets (ou quelques autres forces occultes) s'évertuent à la provoquer.