Spécial Elections 2007

Un sport en … chute libre

23 Avril 2005 À 16:26

Ils sont plus de 8000 à pratiquer officiellement la pétanque au Maroc. Ce sport introduit pendant le protectorat compte des adeptes de plus en plus nombreux. Normal, car il s'agit d'un sport intelligent qui requiert adresse et endurance. Ajouter à cela le côté «onéreux» de l'équipement : deux boules, un chiffon et un bouchon.

Ce sport sied parfaitement aux marocains qui l'ont d'ailleurs prouvé en s'imposant sur la scène internationale, s'octroyant le statut de puissance en la matière et ce, pour avoir été trois fois champions du … monde durant les 20 dernières années grâce à Mchita, Alaoui, Habchi et consorts ! Mais ce beau tableau contraste avec la dure réalité d'une gestion décriée par les clubs qui assistent impuissants à une pratique qui perd la boule jusqu'à être devancée par des pays néophytes.

Casablanca, jadis capitale de la pétanque, joue actuellement les seconds rôles. On se remémore le prestigieux club du BFC qui comptait 300 adhérents déjà en … 1937. Les nostalgiques de l'USM, ASC, CMC n'ont que les yeux pour pleurer. Certains clubs sont plus préoccupés par autre chose que par leur vocation sportive. Pire encore, un club siégeant au Bureau Fédéral, ne dispose pas de pratiquants. Le malaise de la pétanque casablancaise s'est traduit par un exode massif des joueurs locaux en quête de cieux sereins. Ils sont arrivés pour la plupart à Rabat, au club Takadoum même dont les rentrées sont nulles hormis les miettes des adhérents.

Ceci atteste, si besoin est, que le volet financier n'est pas le motif majeur de cet exode. Des pétanquistes qui fuient des clubs riches, voilà qui déroute plus d'un observateur. Actuellement, la cartographie de la pétanque montre une concentration des clubs aisés dans l'axe Rabat-Casa auxquels faudrait-il ajouter d'autres à Fès, Meknès, Kenitra et Tanger. Ils sont au total 15 au Maroc à pouvoir s'autofinancer par les recettes quotidiennes. Nuance, riche n'est pas synonyme de performant car seulement 4 parmi les mieux dotés investissent dans la promotion de la pratique pétanquiste. Les 185 clubs périphériques vivent dans le dénuement total, parmi eux nombreux n'ont même pas les moyens pour organiser leur tournoi annuel.

Les ligues se partagent la même infortune, excepté celles du Nord et du Tensift. Elles sont livrées à elles-mêmes, ne doivent leur survie qu'au courage et au civisme de leurs dirigeants. Cette dichotomie avantage les clubs structurés comme le Stade Marocain ou encore l'ASR qui instaurent leur hégémonie sur la compétition jusqu'à la banaliser. Rien de sorcier du moment que le SM par exemple dispose d'un encadrement de haut niveau (Harti Kébir et Bouaaichi Boujemâa), d'une gestion administrative et financière à faire pâlir plus d'une … fédération.

Les champions du monde marocains ont été toujours des stadistes tant chez les masculins que les féminins : Alaoui, Safri, Kouider, Laaouija, Hammouchi, Bnernoussi Asmaa, Wissal Khoulan, Ouaaba Latifa. Tenez, le Maroc sera représenté au prochains Jeux Méditerranéens de Séville 2005 par une triplette stadiste. Autant dire que le SM et la ligue du Nord forment une fédération parallèle, qui s'autogère sans avoir besoin d'aide ou de conseil de l'entité de tutelle qui joue à l'autarcie.

Suspicion, guerre feutrée et parfois déclarée entre la fédération et les ligues les plus importantes du pays ne pouvaient que conduire forcément à la léthargie. La fédération est à l'image des clubs : elle est pauvre et surtout ne semble pas s'en préoccuper. Même constat de désolation sur le plan de la programmation et de la préparation des équipes nationales. Les derniers résultats le prouvent.
Autant dire qu'une mise à niveau s'impose plus que jamais tant sur le plan du management que de la programmation sportive ou encore des textes réglementaires.

Elle ne saurait toutefois se concrétiser sans l'instauration d'une démocratie. Le projet de texte soumis actuellement par la ligue du Nord vise justement à instaurer la transparence lors du vote et ce, en réduisant le nombre de clubs participants à l'assemblée générale de la fédération, qui seront désormais représentés par les bureaux des ligues. Il y aura exactement 60 personnes au lieu de 200 pour élire dans un premier temps un Conseil Fédéral lequel désignera à son tour un bureau. Voilà qui devrait mettre un terme à la pagaille et éviterait aux clubs des déplacements coûteux et confère l'autre avantage pratique en termes de gain de temps.

Chimère ? Il y a fort à le croire car jusqu'à l'écriture de ces lignes, la Fédération n'a pas tenu son Assemblée Générale annuelle qui était prévue au mois de … février dernier. Pire encore, rien ne présage que ces assises auront lieu incessamment car aucun communiqué de la fédération n'est venu expliquer ce retard ni fixer une autre date. Non, on semble se plaire dans cette situation ambiguë, au mépris des règlements et nullement soucieux de l'accélération de la chute d'un sport qui, ironie du sort, mérite en revanche un traitement digne de son riche palmarès.

On savoure l'épopée, ponctuée par 3 titres de Champion du Monde (1984 à Rotterdam, 1987 en Algérie et 1992 en France) et la place de vice-champion. Tous ces exploits font désormais partie de l'histoire, alors que la grande famille pétanquiste attend du concret et s'interroge sur le devenir d'un sport qui, paradoxalement, gagne du terrain sur le plan quantitatif.

Une chose reste sûre : le département ministériel ne va pas s'éterniser dans l'expectative. Il brandira un jour le fameux article 22 pour balancer bien des têtes et décréter un provisoire qui risquerait de durer.

Tout compte fait, un provisoire maîtrisé ne vaudra-t-il pas mieux qu'un « normal» … défaillant ?
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