Violences en Irak : Des «aveux» télévisés impliquent la Syrie
AFP
25 Février 2005
À 16:48
La télévision publique Iraqia tient en haleine la population en diffusant à une heure de grande écoute les «aveux» de terroristes présumés arabes et irakiens incriminant directement les renseignements syriens dans les violences en Irak, en particulier contre la police.
Ces déclarations ne pouvaient être vérifiées de source indépendante. Mais elles ont été démenties par un responsable sécuritaire syrien.
En quatre émissions diffusées par Iraqia, créée par les Etats-Unis, des Soudanais, des Egyptiens et des Irakiens indiquent avoir été formés à Lattaquié, sur le littoral syrien, à mener des opérations en Irak, et appartenir à un groupe nommé Armée de la libération.
Le Soudanais Adam Doum Omar, 41 ans, présenté comme le chef du groupe déclare être passé par Lattaquié. «J'ai été formé par un officier des renseignements syriens appelé Abou Bakr».
«La cellule que je dirige est composée de Soudanais et d'Egyptiens et divisée en deux groupes, l'un spécialisé dans les décapitations et l'autre dans la pose d'explosifs», ajoute-t-il. Le Premier ministre sortant Iyad Allaoui et son ministre de la Défense Hazem Chaalane ont à plusieurs reprises accusé la Syrie de tremper dans les violences. Ces aveux laissent supposer que les terroristes présumés auraient sévi dans la région de Mossoul (nord), proche de la frontière avec la Syrie, et décapité des dizaines de policiers, militaires et civils.
Les forces irakiennes et américaines avaient fait état avant les élections du 30 janvier de la découverte dans cette région de dizaines de corps de soldats et de policiers décapités. «J'ai tué dix personnes par balle sans savoir s'il s'agissait d'Irakiens ou d'Américains, car ils étaient cagoulés», déclare Adam Doum Omar, qui portait des lunettes et paraissait en bonne forme.
Selon un policier qui l'interrogeait et dont le visage n'a pas été montré, cet individu, qui vivait depuis 15 ans en Irak, a été arrêté le 20 février.
«J'ai participé à la décapitation de dix Irakiens, tous des policiers», dit un autre Soudanais de 31 ans, Mohammed H'moud Mohammed Moussa, ajoutant avoir «fait exploser trois bombes au passage de convois de l'armée dans la région» de Mossoul. «On m'a payé 50 dollars pour chaque décapitation, bien qu'on m'ait promis beaucoup plus», affirme-t-il. L'Egyptien Mohammed Samir Mohammed Ramadane, 45 ans, raconte avoir «égorgé six soldats irakiens que notre groupe a enlevés et emmenés à l'hôtel Our. Nous étions trois Egyptiens et nous les avons égorgés».
«Nous avons reçu 400 dollars chacun», ajoute cet homme qui dit vivre en Irak depuis 24 ans, expliquant que «chaque membre du groupe a égorgé deux soldats et aidé les autres en plaquant les victimes au sol». Bahaeddine Fattah Souleimane, 47 ans, et Moustapha Saëd Madbouli, 32 ans, confirment cette version.
Parmi les Irakiens, Kanaane Ali Mohammed, un hôtelier de Mossoul, barbu et visiblement nerveux, dit avoir participé à l'enlèvement et la décapitation de huit policiers et six soldats, ainsi qu'au rapt et viol de deux Irakiennes.
Ammar Laahibi, 30 ans, dit n'avoir fait que filmer des décapitations et avoir reçu 200 dollars par film. Dans ses commentaires, l'officier de police «déplore l'action des renseignements syriens», les accusant de «recruter parmi les Arabes vivant en Irak pour remuer les plaies du pays».
Des habitants de Bagdad ont réagi différemment. Un commerçant, Jawad Haidar, 26 ans, estime qu'«il s'agit d'une preuve irréfutable de l'implication des Syriens qui ne veulent pas d'un Irak stable pour ne pas être la prochaine cible des Américains». «Ce n'est qu'un moyen des Américains pour accentuer la pression sur la Syrie», estime en revanche un chauffeur de taxi, Khaled Ahmed, 40 ans. Selon lui, ces «aveux» ont été diffusés après l'assassinat de l'ex-Premier ministre libanais Rafic Hariri, pour lequel Damas est montré du doigt.