Salon international de l'agriculture de Meknès

Les entreprises à forte croissance du secteur manufacturier au Maroc

30 Mai 2006 À 01:00

Après sa sortie de la phase de restructuration et de stabilisation macroéconomiques, éléments incontournables pour la maîtrise des grands équilibres et l'adaptation aux chocs internes et externes, le Maroc a adopté une stratégie visant une plus grande ouverture sur l'extérieur.

Ce choix irréversible de l'ouverture de notre économie sur l'extérieur, prôné tant par les pouvoirs publics que par les opérateurs économiques, s'est concrétisé par la signature d'une série d'accords de libre- échange. Ainsi, après l'Union européenne, partenaire historique et traditionnel du Maroc, le gouvernement a procédé à la signature d'un nombre d'accords, notamment avec les pays arabes, la Turquie et le dernier en date est signé avec les Etats-Unis.

Le gain du pari d'ouverture de notre économie et la réalisation d'une croissance soutenue sont un chantier de grande haleine qui requiert l'adhésion de l'ensemble des intervenants pour, d'une part, tirer le maximum de profils des opportunités offertes par cette ouverture et, d'autre part, pour faire face aux défis engendrés par la montée en puissance d'économie présentant des avantages concurrentiels classiques que le Maroc, notamment les pays asiatiques.

Pour attendre ces objectifs, le Maroc a procédé à des reformes structurelles axées sur l'amélioration du climat des affaires et faisant du secteur privé le pivot du développement du pays. Parmi les réformes engagées par les pouvoirs publics, on peut citer l'adaptation et la réforme du système fiscal et financier, l'amélioration de la qualité des servies et de l'image de l'Administration publique (l'instauration de la bonne gouvernance), la rationalisation des dépenses publiques.

Ce dispositif a été renforcé, ces dernières années, par l'adaptation du Code du travail et l'élaboration de stratégies sectorielles (tourisme, industrie, commerce, mines, etc.) et par des réformes à caractère social (AMO, INDH, etc.).

La mise en œuvre de ce programme de réformes, conjuguée au maintien de la stabilité du cadre macroéconomique, ont été à l'origine de la relance de la croissance observée après l'année 2000 qui s'est établie à 4% par an, niveau qui reste quand même en deçà du taux de croissance initialement prévu, à savoir 6% par an. A l'origine de cet écart entre la prévision et le taux observé, on trouve l'importance des chocs interne (sécheresse) et externe (hausse des marchés pétroliers, expiration de l'accord multifibres et montée en puissance de l'économie asiatique).

Toutefois, on constate une résistance aux chocs plus grands que par le passé de notre économie.

Les performances réalisées ces dernières années, en termes de croissance du PIB, ne se sont pas répercutées positivement sur le marché du travail. Se situant aux alentours de 18 % de la population active urbaine, le taux de chômage reste au-dessus de ses niveaux planchers enregistrés au début des années 1990 (1989-1996), soit une moyenne annuelle de 17,8 %.

Malgré une amélioration de la situation du marché de travail, appréhendée par la baisse du taux de chômage urbain constatée après 2002, nombreux sont ceux qui, aujourd'hui encore, éprouvent des difficultés à entrer dans la vie active. Il s'agit, essentiellement, des jeunes diplômés dont le taux de chômage est 1,4 fois supérieur à la moyenne et des femmes qui affichent un écart de près de 10 points par rapport à celui des hommes dans les zones urbaines.

Les autres caractéristiques majeures de la population sans emploi, on trouve la place prépondérante de la tranche d'âge 25-34 ans qui représente près de la moitié de la population au chômage, la part importante des primo-demandeurs d'emplois (54 %) et le nombre élevé des chômeurs de longue durée (durée de chômage supérieure à une année) qui représentent les trois-quarts des sans emplois.

Pour faire face à ce fléau de chômage, persistant et sans cesse croissant depuis le début des années quatre-vingts, les pouvoirs publics se sont tournés vers les secteurs qui paraissaient comme créateurs d'un nombre important d'emplois et ont mis en place un ensemble de dispositifs législatifs, des traitements préférentiels financiers, des structures d'information et d'accueil visant la création et le développement d'entreprises, et partant, la promotion de l'emploi.

Cependant, il est primordial de procéder, de façon permanente et rigoureuse, au suivi du marché de travail et à l'évaluation des différents programmes d'incitation à l'emploi. Ce diagnostic nous renseignera sur les emplois créés dans les différents secteurs du tissu économique et permettra de mesurer l'impact des avantages accordés sur l'emploi.

Toutefois, la plupart des travaux statistiques, effectués antérieurement, ont adopté la mesure de la variation de l'emploi global entre deux périodes comme base d'analyse de création d'emploi. Ce décompte du nombre de salariés à la fin d'une période et sa comparaison par rapport à une autre période nous renseigne uniquement sur le résultat net des entrées et sorties des travailleurs durant les périodes étudiées.

Cette analyse des stocks d'emplois ne peut rendre compte, à elle seule, sur la dynamique du marché de travail d'où l'intérêt de l'approche longitudinale utilisée dans le cadre de cette contribution. Cette méthode s'appuie sur des données de panel pour le calcul des flux de création et de perte brutes d'emplois.
Principaux résultats :
• Sur les quelque 7.700 entreprises industrielles recensées en 2003, près de 3.000 ont survécu tout au long de la période étudiée allant de 1994 à 2003. Cette permanence est déjà en soi un indicateur de réussite de ces entreprises;
• Au sein de cette catégorie d'entreprises coexistent des flux importants de création et de perte brutes d'emplois. Ceci témoigne d'une grande hétérogénéité des comportements des entreprises permanentes et reflète la dynamique du marché. Ainsi, les entreprises permanentes ont connu un taux brut de création d'emplois de 3,1% et un taux brut de perte d'emplois de 2,5%, ce qui équivaut à un taux de rotation annualisé de 5,6 % ;
• Les flux de création et de destruction sont importants au niveau des différentes classes de taille, ce qui montre que les gains et les pertes d'emplois ne sont pas attribuables à une cohorte d'entreprises, mais plutôt à un sous ensemble d'entreprises de cette cohorte et que la rotation des emplois est élevée à l'intérieur de la même classe de taille ;
• L'étude révèle l'existence d'une relation monotone décroissante entre la taille de l'entreprise et les taux bruts et nets annualisés de création d'emplois. En effet, le taux brut de création est de l'ordre de 4,6% dans les petites entreprises de moins de 50 salariés, de près de 4% pour les entreprises qui emploient entre 50 à 150 salariés, de 3,8% pour la tranche d'effectif allant de 150 à 200 personnes et 2,4% pour les grandes entreprises employant plus de 200 salariés. Quant au taux net de création, celui-ci s'est établi à 3,5% pour la tranche inférieure de moins de 20 salariés contre –0,7% pour les grandes entreprises, ce qui signifie que les suppressions d'emplois dépassaient les créations d'emplois dans la catégorie des grandes entreprises ;
• En termes absolus, ce sont les grandes entreprises qui contribuent le plus aux créations et aux destructions d'emplois.
En effet, près de la moitié des créations brutes d'emplois (43,6%) sont attribuables aux grandes entreprises de plus de 200 salariés et près des trois-quarts des destructions brutes d'emplois (71,8%) sont imputables à cette catégorie d'entreprises;
• L'analyse comparative des flux bruts de création et destruction d'emplois au Maroc avec les huit pays qui ont fait l'objet d'étude de l'OCDE fait apparaître une certaine ressemblance, au niveau global, de la dynamique du marché du travail. Ainsi, on assiste au même phénomène de coexistence des flux bruts de création et de destruction d'emplois.
Le taux de rotation des emplois dans le secteur manufacturier se situe presque au même niveau observé dans les huit pays étudiés par l'OCDE, soit 5% par an ;
• La contribution des entreprises à forte croissance, définies comme le premier décile des entreprises qui affichent la valeur la plus élevée de l'indice de Mustar, utilisé pour le classement des entreprises à forte croissance, confirme la conclusion de l'étude de l'OCDE et selon laquelle un petit nombre d'entreprises est à l'origine d'une large augmentation des emplois. Ce petit groupe d'entreprises est responsable de plus de deux tiers (65,2%) de l'augmentation d'effectif des entreprises en croissance. Rappelons, cependant, que pour le cas français, les 10% des entreprises à forte croissance d'emplois ont été responsables de 57% de l'augmentation d'effectif des entreprises en croissance ;
• Les entreprises à forte croissance sont présentes dans toutes les classes de taille et dans toutes les branches industrielles, à l'exception de la branche des industries métalliques de base. Toutefois, on assiste à une forte concentration sectorielle puisque quatre branches sur dix-huit formant le secteur industriel : industries agroalimentaires, industries textiles, confection et fabrication de matériaux de construction regroupent, à elles seules, les trois-quarts des entreprises à forte croissance et sont à l'origine de la création de trois emplois sur quatre. Néanmoins, il y a lieu de rappeler qu'il n'existe pas de forte corrélation entre la distribution des entreprises à forte croissance et leurs contributions à la création de l'emploi ;
• Comme pour l'ensemble des entreprises permanentes, le taux de création d'emplois dans la catégorie des entreprises à forte croissance est inversement proportionnel à la taille. Il est de l'ordre de 15,5% pour les petites entreprises de moins de 50 salariés, oscille entre 11 et 12 % pour les moyennes entreprises employant entre 50 à 200 personnes et de 7,6% pour les grandes entreprises de plus de 200 salariés;
• Le choix de l'indicateur de croissance joue un rôle fondamental dans l'analyse des flux d'emplois et peut influencer considérablement la composition des entreprises à forte croissance selon la taille.
En effet, le classement des entreprises à forte croissance par rapport à l'indicateur du volume qui mesure l'écart absolu entre les effectifs des entreprises entre l'année 1994 et 2003 donne l'avantage aux grandes entreprises (44,4% pour les grandes contre 36% pour les petites).
A l'opposé, l'utilisation du taux de croissance proportionnel pour identifier les entreprises à forte croissance favorise les petites unités (71,4% pour les petites contre 6,1% pour les grandes). A ce propos, l'indicateur choisi, dans le cadre de ce travail et adopté par David Birch, aux Etats-Unis et par l'OCDE pour les études de cas est un indicateur combiné appelé indice de croissance de Mustar qui associe la croissance en volume et la croissance en proportion.
Avec cet indicateur combiné les petites et les grandes entreprises sont représentées dans les mêmes proportions et représentent chacune 29% des entreprises à forte croissance ;
• L'analyse du rythme de croissance par taille révèle l'importance de l'accroissement de l'emploi des petites entreprises par rapport aux grandes. En effet, le nombre de salariés des entreprises à forte croissance appartenant à la classe inférieure (moins de 20 personnes) a été multiplié par 7,8 passant d'une moyenne de 27 salariés par entreprise en 1994 à 210 salariés en 2003. Les entreprises de taille moyenne employant entre 50 à 200 salariés ont quadruplé leurs effectifs. Les grosses unités de plus de 200 salariés, quant à elles, ont doublé leurs effectifs. Cette relation entre la taille de l'entreprise et la croissance reste toujours valable si on raisonne en termes d'évolution du chiffre d'affaires ou d'exportation;
• Globalement l'emploi moyen des entreprises à forte croissance a évolué de façon régulière et a suivi une trajectoire ascendante.
Ainsi, au niveau global, l'effectif moyen par entreprise est passé de 234 salariés en 1994 à 637 personnes en 2003, soit un accroissement annuel moyen de 17%.
Ce résultat confirme l'idée largement documentée sur le profil ascendant de croissance des entreprises à forte croissance ;
• Le raisonnement individuel par entreprise ne confirme pas l'idée précédemment avancée sur le profil ascendant de croissance. Cependant, les résultats montrent l'existence d'une multitude de chemins suivis par les entreprises à forte croissance.
Cela étant, la trajectoire de l'entreprise ne correspond pas au profil de l'entreprise «moyenne». En effet, dans près de la moitié des entreprises à forte croissance (44%), la dernière année de la période étudiée n'est pas celle où l'effectif est le plus élevé.
C'est-à-dire, en fin de période une entreprise sur deux a un effectif inférieur à son pic sur la période. D'un autre côté, dans un cas sur deux, l'effectif de la première année n'est pas l'effectif le plus bas de la période.
Autrement dit, dans une entreprise sur deux le nombre des employés descend à un moment ou un autre en dessous du niveau de l'année de base pour rebondir ensuite ;
• La comparaison de l'année de la meilleure performance avec l'année où l'entreprise a atteint son effectif maximum laisse apparaître une distorsion structurelle importante.
En effet, si pour 44% des entreprises à forte croissance l'année 2003 a été l'année où elles ont enregistré le plus haut effectif de toute la période, seulement 8,5% ont réalisé leur meilleure performance au cours de cette année.
Cette distorsion est très marquée après l'année 2000 puisque plus de 85% des entreprises à forte croissance ont enregistré leur effectif maximum durant la période 2000-2003, alors que seulement le tiers des entreprises ont enregistré leur plus forte croissance durant la même période. Ces résultats illustrent bien que l'allure de la trajectoire n'est pas ascendante et montre que les entreprises à forte croissance peuvent connaître des schémas de croissance irréguliers tout en restant sur la voie de la croissance ;
• Le phénomène de croissance continue sur toute la période étudiée (dix ans) est absent au sein du secteur manufacturier car aucune des entreprises à forte croissance n'a connu une progression ininterrompue.
Seulement 2% des entreprises ont enregistré six périodes de croissance, et presque les deux-tiers des entreprises ont connu au minimum quatre années de croissance. Pour ce qui du secteur manufacturier français, les travaux de Mustar ont révélé que 7,4% des entreprises ont connu une croissance continue sur l'ensemble de la période étudiée et que 22% des entreprises ont connu un croissance continue de sept années ou plus.

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