«Les prix des ovins sont restés quasi stables alors que le coût de production a augmenté»
Entretien avec Ben M'Barek Fenniri, président de l'ANOC
LE MATIN
03 Janvier 2006
À 01:00
Près d'une semaine nous sépare de l'Aïd El Kébir. Les préparatifs vont bon train aussi bien au niveau des éleveurs qu'au niveau des consommateurs en prélude de la fête du sacrifice. Chaque année des interrogations se posent à l'approche de cette fête qui a, outre le côté religieux et rituel, un impact socio-économique important sur le monde rural. Des questions qui ont trait à l'état du cheptel aux disponibilités en matière d'offres et aussi en matière des prix.
L'Association nationale ovine et caprine (ANOC) est une association reconnue d'utilité publique.
Elle a été créée en 1967 afin d'améliorer les conditions d'élevage et d'améliorer le revenu des exploitants. L'ANOC a près de 50 groupements dans 30 provinces répartis à travers le Royaume. Elle englobe 4.000 éleveurs et elle a des partenaires à l'étranger et nationaux notamment la direction d'élevage relevant du ministère de l'Agriculture.
Ben M'Barek Fenniri, président de l'ANOC, nous révèle dans l'entretien qui suit son avis sur les disponibilités en matière d'ovins et de caprins pour l'immolation, sur les conditions sanitaires du cheptel et sur l'élevage au Maroc et son environnement actuel.
Le Matin éco. : Comment se présente l'offre pour l'Aïd ?
Ben M'Barek Fenniri : L'offre se présente sous de bons auspices. Il y a près de 6,6 millions de têtes dont près de 5 millions de mâles. Malgré les conditions défavorables, le cheptel est en bonne santé.
Les services vétérinaires de la direction d'élevage relevant du ministère de l'Agriculture et du Développement rural sont rigoureux et suivent de très près l'évolution des bêtes. L'élevage ovin et caprin existe pratiquement dans tout le territoire national et les races varient en fonction des régions.
En ce qui concerne les prix ?
Les prix devraient rester inchangés et alignés sur ceux de l'année dernière. Ils sont restés les mêmes depuis 5 ou 6 ans compris dans la fourchette de 30 à 40 DH le kilo.
Mais on note toutefois une pression à la baisse ces derniers temps. Les éleveurs commencent à améliorer la productivité et l'offre se développe d'une façon continue, en revanche la demande a tendance à la stagnation. La fête de l'Aïd est de moins en moins suivie. Certaines familles préfèrent partir en voyage en cette période.
Comment se sont passées les conditions d'élevage cette saison ?
La saison a été difficile dans la mesure où la campagne a été impactée par des conditions climatiques défavorables. Les parcours ont, à leur tour, subi le manque d'eau.
Les éleveurs, pour entretenir leur troupeau, ont dû acheter les aliments de bétail. Ils ont subi beaucoup de pertes. Les coûts de productions ont sensiblement augmenté alors que les prix de vente sont restés les mêmes. Certes, l'Etat a fait un effort pour venir en aide aux exploitants par le soutien des intrants et l'exonération de certains aliments comme l'orge. Mais les charges demeurent très lourdes.
Et pour ce qui est de la qualité ?
La qualité chez les engraisseurs est bonne mais pour ceux du pâturage elle est moins bonne. Il y a deux périodes d'agnelages : la grande qui concerne la période d'automne et la petite période qui concerne le printemps. La plupart des moutons destinés aux sacrifices sont issus de la grande période d'agnelage de 2004. Les mois qui ont suivis cette date ont été marqués par l'absence de pluies et une détérioration des parcours qui a sérieusement affecté le cheptel et impacté la trésorerie des éleveurs.
Quelles sont les races qui existent au Maroc et leur répartition par région ?
Il y a des régions qu'on appelle communément «berceau de race». Ces races sont généralement acclimatées à ces zones. Dans l'Oriental, il y a Beni Guil (tête rouge, pattes rouges), c'est une race petite mais résistante parfaitement adaptée aux parcours de halfa.
Il y a la race du Moyen-Atlas (tête rouge, pattes blanches), cette race est connue par le gain de poids rapide. La race Sardi est très prisée dans la région de Chaouia Ouardigha et Sraghna. La race Boujaâd existe aussi à Oued Zem et Kasbat Tadla, elle serait l'ancêtre des Mérinos qui existent en Andalousie.
Enfin, on trouve la race Demmane : ce sont les brebis des oasis (Oued Draa, Ziz…) ce n'est pas une race de parcours, elle est rustique, résistante mais très prolifique. En revanche la race Beni Hseine commence à reculer avec l'étendue de l'irrigation au Gharb.
Et pour le volet de la commercialisation ?
L'éleveur marocain fait des efforts pour avoir un produit de qualité. Mais il y a des handicaps au niveau du marché. Les intermédiaires sont de plus en plus nombreux et ils perturbent sérieusement la loi de l'offre et de la demande.
Il n'y a pas de textes qui protègent les éleveurs. En fin de compte, aussi bien les producteurs que les consommateurs sont lésés et la période de l'Aïd le montre clairement.
Comment s'expliquent, l'année dernière à quelques jours de l'Aïd, la flambée des prix et la rareté de la marchandise malgré les assurances de l'Etat quant à l'abondance de l'offre ?
Cette situation n'a concerné malheureusement que la région de Casablanca, Beni Mellal et Tanger.
D'autres régions ont connu un excédent de l'offre et une chute des prix. Ceci s'explique essentiellement par une mauvaise répartition de l'offre.
La loi du marché ne peut interférer dans la commercialisation des produits. Le téléphone portable qui doit normalement régulariser le marché, fausse le jeu à cause de la précipitation.
Les regroupements peuvent faire des logistiques pour la commercialisation mais les expériences de ventes en gros ont été vouées à l'échec.