Salon international de l'agriculture de Meknès

Serait-il victime de son succès ?

2006, année boursière de tous les records

14 Janvier 2007 À 17:57

«Très prochainement, à l'issue de la session parlementaire d'avril, une enquête sera lancée pour déceler le côté obscur des critères de transfert des terrains publics au privé. Les parties concernées, notamment le groupe Addoha et le ministère des Finances, devront rendre compte ! " La mémorable expression du président de Ynna Holding, Miloud Chaâbi valait pour une information boursière que le cours allait rapidement intégrer : il a chuté d'environ 15% en quelques séances de cotation pour emprunter ensuite un trend en dents de scie après une flambée qui dépassait les 300%.

Un feuilleton qui, certes, se reproduit depuis un certain temps déjà, pour confirmer que l'investisseur achète ou vend en fonction des bruits du marché; pour autant, on pourrait aussi se demander si on ne se trouve pas en face d'un cas particulier, celui de "mauvaise intention" pour infléchir le cours d'un concurrent qui ne rate aucune occasion pour chanter sa gloire et ses exploits ? Certains même se demandent s'il ne s'agirait pas d'une mauvaise farce pour éclipser son rival, sans mesurer l'impact de telles annonces sur la psychologie des petits porteurs notamment, très motivés par le gain rapide. En d'autres mots, les conséquences auraient pu être plus sonnantes pour ne laisser aux investisseurs que l'amertume d'une plus-value manquée. Précisons, à cet égard, que cette déclaration a coïncidé avec l'annonce par le groupe Chaâbi de l'introduction en bourse de six de ses filiales : il s'agit de la SNEP et Chaâbi Lil Iskane prévu en 2007, de Super Cérame et de Dimatit en 2008, et de la société Gharb Papier et Carton (GPC) ainsi que la Société de carrosserie et d'industrie ferroviaire (SCIF) en 2009.

Le groupe tente ainsi de rajouter une corde à son arc tout en profitant de la carotte fiscale proposée pour les entreprises qui acceptent de s'introduire en bourse. Les nouvelles recrues ont jusqu'à fin 2009, au lieu de fin 2006, pour bénéficier du régime fiscal avantageux (les sociétés qui procèdent à une augmentation de capital, tout en cédant un minimum de 20% au profit du public, bénéficient d'une réduction de 50% de l'IS, tandis que celles qui introduisent leurs titres à la Bourse par cession d'actions anciennes bénéficient d'une réduction de 25% de l'IS et ce pour une durée de trois ans).

Certes, il s'agit d'une bonne nouvelle pour la Bourse car il y va de sa liquidité et de sa profondeur, néanmoins nombreux sont ceux qui pensent que ce geste inattendu du président du groupe Chaâbi, " a été une mauvaise chose ", au point de le mettre sur le compte de son " goût pour la provocation ", allusion faite ainsi au procès l'opposant à l'ex-ministre des Privatisations, Abderrahmane Saïdi, et qui avait défrayé la chronique pendant plusieurs mois.

Un conflit sulfureux qui, en dépit de sa tournure, avait fait la fierté du président : "On a été les premiers à avoir traîné un ministre en justice ! ". A l'époque (1995-1997) où une poignée d'entreprises figuraient sur la liste des privatisables, en l'occurrence BMCE, Shell, SNI, Hôtel Hyatt Regency Casablanca, Hôtel des Iles à Essaouira, Fertima…, le groupe avait été écarté catégoriquement pour non-respect des clauses du cahier des charges. Un argument qui avait déclenché la colère de Miloud Chaâbi qui était allé jusqu'à attaquer frontalement Saïdi et faire douter de la crédibilité du processus de privatisation.

D'ailleurs, c'est à ce mouvement que revient l'euphorie signée par la place casablancaise, et ce à partir de 1997 où le marché a gagné en liquidité après des années d'assèchement. En effet, plusieurs cotations en bourse sont issues des opérations de privatisation (13 sociétés privatisées inscrites à la cote sur un total de 64). Preuve à l'appui. A fin 2005, surtout, depuis l'introduction de 14,9% du capital de Maroc Telecom en 2004, la capitalisation boursière des sociétés privatisées représentait plus de la moitié de la capitalisation totale qui était de plus de 250 milliards de dirhams.

Néanmoins, cette dynamique s'est vue renversée avec la taxation des plus-values réalisées sur les actions (2000) accouplée à une situation économique mise à mal. Une décision qui est tombée comme un couperet sur un marché déjà en manque de confiance. Il a fallu donc agir sur plusieurs variables pour équilibrer l'équation investissement en bourse et le couple rendement/risque. Pour réussir la recette, il a fallu y mettre les bons ingrédients. Théoriquement, c'était faisable, mais pratiquement, il était difficile de faire décoller le marché.

En effet, bien que le ministre des Finances ait fait une faveur au marché, en décidant de l'exonération, à partir de 2002, du paiement de la taxe sur les profits de cession des valeurs mobilières au profit des personnes physiques résidentes, cela n'a pas été suffisant. L'offre était à peaufiner pour attirer plus de demande et donner plus d'attrait pour le marché des actions. La croissance de l'économie (BTP, tourisme, électronique,…) est l'un de ces facteurs qui ont joué favorablement en 2003 pour redonner du tonus au marché.

Ce n'est pas tout : 2003 fut surtout l'année des grandes opérations stratégiques, initiées par le premier conglomérat industriel et financier du Maroc, l'ONA. Il s'agit principalement du rééquilibrage des structures financières des deux holdings ONA/SNI. Une opération qui a permis au groupe Regis/Ergis de prendre le contrôle de Copropar, holding qui détient désormais 60% du capital de SNI. Il convient à ce niveau de signaler que Ynna holding fait petit à petit concurrence au holding Royal. Il intervient au même titre que ce dernier, notamment, dans les secteurs de la distribution (Asswak Assalam) et de l'agroalimentaire (sucre, eau minérale).

Son ultime objectif est de se hisser en haut de podium et de supplanter ses concurrents. Bien entendu, rien n'empêche la libre concurrence, le plus important étant bien entendu qu'elle ne soit pas sujette à des pratiques anticoncurrentielles.
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