La tectonique des places arabes
La flambée des cours du pétrole n'a pas profité aux marchés
Les énormes revenus générés par la flambée des cours du pétrole n'ont pas profité aux Bourses des pays arabes qui ont même connu en 2006 l'une des pires années de leur histoire.
La capitalisation totale des 14 Bourses de la région a fondu de 426 milliards de dollars pour tomber à 863 milliards fin 2006 alors qu'elle avait fait un bond de 667 milliards de dollars l'année précédente, selon des statistiques du Fonds monétaire arabe (FMA, basé à Abou Dhabi).
Le nombre de sociétés cotées est descendu à 1.607 fin 2006 contre 1.665 un an plus tôt.
Ce repli des marchés boursiers s'est produit alors même que la région recevait un afflux de liquidités provenant des ventes de pétrole.
Selon les estimations préliminaires de l'Organisation des pays arabes producteurs et exportateurs de pétrole (OPAEP), les revenus pétroliers cumulés devraient pour la première fois dépasser les 400 milliards de dollars en 2006 alors que 2005 avait déjà affiché un record, de 327,3 milliards à prix courants.
Les courtiers imputent les mauvaises performances des principaux marchés boursiers arabes à la spéculation, à la fraude et à l'ignorance, de la part des investisseurs, des règles de l'investissement.
"L'année 2006 a été des plus difficiles pour les Bourses arabes, notamment dans les Emirats, en Arabie saoudite et au Qatar", estime Ziad Dabbas, conseiller boursier à la Banque Nationale d'Abou Dhabi.
"Ce chaos dans les marchés boursiers régionaux est le résultat de la spéculation à grande échelle, de l'ignorance de certains investisseurs, du manque de transparence dans la plupart des marchés et de la manipulation par certains investisseurs d'informations destinées à influer sur les actions", ajoute-t-il. Pour sa part, le FMA a imputé ces mauvaises performances à l'absence d'autres sources d'investissement dans le Golfe, outre les liquidités excessives résultant de la hausse des revenus pétroliers.
Dans le Golfe, la Bourse saoudienne, la plus importante du monde arabe, a été le principal perdant, bien que l'Arabie soit le plus grand bénéficiaire de la flambée des cours de brut.
Sur l'année 2006, la capitalisation du marché boursier saoudien s'est réduite de moitié, passant de 646 milliards de dollars fin 2005 à 323 milliards fin 2006.
Dans les Emirats arabes unis, les marchés d'Abou Dhabi et de Dubaï ont vu leurs capitalisations passer respectivement de 132 à 72 milliards de dollars et de 111,9 à 86 milliards de dollars. Le marché du Qatar a été l'autre grande victime avec une chute de la capitalisation de ses 33 compagnies cotées à 59,7 milliards de dollars contre 87,1 milliards fin 2005.
Le marché koweïtien a en revanche réussi à maintenir sa capitalisation presque inchangée, à 143 milliards de dollars, grâce notamment, selon les courtiers, à l'entrée de nouvelles sociétés. L'indice KSE a néanmoins reculé de près de 13,6% en 2006, après un bond de 78% en 2005.
Les modestes marchés boursiers du sultanat d'Oman et de Bahreïn ont progressé légèrement.
Selon le FMA, les marchés boursiers d'Oman, de Bahreïn, du Liban, d'Egypte et de Tunisie ont enregistré des gains en 2006, alors que ceux de Jordanie, du Maroc et de la Palestine ont terminé l'année en baisse.
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Recyclage des pétrodollars
En terme de performance, les places boursières des pays signataires de l'Accord d'Agadir ont enregistré une nette amélioration au cours des dernières années. Toutefois, le rythme de croissance des indices boursiers diffère d'une place à l'autre.
Les indices boursiers jordanien (ASE) et égyptien (CMA) ont enregistré les plus fortes hausses, avec 92,9% et 83,3% respectivement en 2005 après une croissance de 62,4% et 52% respectivement en 2004. De son côté, l'indice général de la Bourse de Casablanca (Masi) a rebondi de 22,5% après un gain de 14,7% en 2004.
Quant à l'indice tunisien (BVMT), il a enregistré une hausse de 17,2% après 3,7% en 2004.
Les performances enregistrées par les marchés boursiers marocain et tunisien demeurent toutefois en deçà de la moyenne des marchés arabes (+91,6% pour l'indice composite du Fonds Monétaire Arabe) et émergents (+30,3% pour l'indice "MSCI Emerging Markets " et +37,6% pour l'indice S&P/IFCG).
En effet, contrairement aux autres marchés arabes, les deux places maghrébines n'ont pas profité suffisamment des conditions favorables créées par le faible niveau des taux d'intérêts sur les marchés internationaux et les excédents de liquidité générés par le recyclage des pétrodollars.