Spécial Marche verte

Infarctus, chaque minute compte

Lundi 5 juin, journalistes, cardiologues et urgentistes se sont réunis de bon matin. Objectif : informer la population des symptômes de l'infarctus du myocarde et les alerter sur ses risques. Cette conférence de presse s'inscrit, en fait, dans le cadre d'

06 Juin 2006 À 15:37

Autour d'une même table, le Pr Ahmed Hamani, médecin général, professeur de cardiologie, chef des services de cardiologie à l'hôpital militaire d'instruction Mohammed V à Rabat, le Pr Houcine Louardi, chef de service d'accueil des urgences (SAU) CHU Ibn Rochd à Casablanca, doyen de la Faculté de médecine et pharmacie de Casablanca, Ahmed Bennis, Pr de cardiologie, chef de service de cardiologie CHU Ibn Rochd (Casablanca) et Dr Cherif Abdelkhirane, cardiologue interventionnel, président de la société marocaine d'athérosclérose… ont pris chacun la parole pour débattre de divers volets afférents à cette pathologie.

Ils ont, en revanche, été unanimes à reconnaître en cette affection un problème de santé public et à le considérer comme l'urgence numéro un de notre pays. En effet, au Maroc, on compte plus de 10 millions d'hypertendus, 1,5 million de diabétiques et 5 millions d'obèses.

Les maladies cardiovasculaires, premières causes de mortalité chez l'adulte au Maroc (statistique nationale de 1994), sont émergeantes dans notre région. Toutefois, s'il est certain qu'il y a croissance de cette pathologie, on note, tout de même, une absence flagrante de statistiques exactes la concernant. Aucune enquête épidémiologique n'a été menée pour rende compte de la situation réelle de la fréquence de l'infarctus au Maroc.

Plus communément connu sous l'appellation : «crise cardiaque», l'infarctus du myocarde se manifeste généralement sous forme de douleur thoracique inexplicable avec irradiation de cette douleur vers le bras gauche et les mâchoires. Il peut survenir à n'importe quel moment et à n'importe quel âge. Le plus souvent, les patients ne font pas le lien entre ce malaise et le cœur.

Les témoignages vivants contenus dans un petit documentaire, projeté lors de cette conférence, montrent des personnes de différents âges qui racontant la manière dont ils ont vécu leur première attaque.

Toujours insoupçonnée et méconnaissable, cette dernière se manifeste par une douleur insupportable au niveau de la poitrine et qui résiste aux antalgiques. Morale de l'histoire. «Dès qu'une personne ressent ce genre de douleur, elle ne doit pas la sous-estimer et consulter un médecin sans trop tarder. Le facteur temps est déterminant dans ce genre d'affection.

Une personne, qui est hospitalisée une heure après son attaque, a 99 % de chance d'avoir un cœur normal», préconise le Pr Bennis.

Dans son intervention intitulée «Comprendre l'infarctus du myocarde», notre spécialiste a commencé par définir cette maladie qui se produit lorsque le cholestérol, qui circule librement dans le sang est en excès et qu'il se dépose sur les parois des artères, notamment celle du cœur (artères coronaires), formant ainsi des plaques graisseuses ou athérome.

«A mesure que les artères coronaires diminuent de diamètre, le risque de formation d'un caillot (thrombose) augmente.
Ce caillot peut boucher l'artère ou se détacher et obstruer un vaisseau plus petit. Quand le sang ne passe plus, les cellules cardiaques, privées d'oxygène, meurent. Le cœur ne peut plus fonctionner, c'est l'infarctus», explique-t-il.

Tabagisme, hypercholestérolémie, diabète, hypertension artérielle, stress, sédentarité, surcharge pondérale, auxquels il faut ajouter des facteurs non modifiables comme l'hérédité, l'âge et le sexe, sont autant de facteurs qui peuvent favoriser la survenue d'un infarctus. Aussi bien les hommes que les femmes y sont exposés sauf que ces dernières le sont plus quand elles associent cigarette et pilule contraceptive.

Quant au volet thérapeutique de cette maladie, il a été abordé par le docteur Cherif Abdelkhirane qui a mis l'accent sur l'importance du temps dans la prise en charge des malades victimes d'attaques cardiaques. Et l'on apprend qu'au Maroc deux techniques sont couramment utilisées pour soigner l'infarctus. Il s'agit de la thrombolyse et de l'angioplastie.

La première consiste à administrer dans le sang des trombolytiques capables de « dissoudre» le caillot qui obstrue l'artère. L'autre technique consiste, elle, à «introduire une sonde à ballonnet dans l'artère bouchée afin de la dilater mécaniquement. Néanmoins, même si la chimie est puissante et qu'on dispose de technologie, le patient n'arrive pas à temps. Et l'informer et le sensibiliser aux risques de ce retard, on pourrait optimiser la thérapeutique» conclu-t-il.

Dans son intervention intitulée : «La prise en charge des syndromes coronariens aigus : expérience personnelle», le général Hamani avait pour mot d'ordre : «Non à la négligence dans la prise en charge de l'infarctus du myocarde… sans pour autant sombrer dans la psychose». Tout comme les autres conférenciers, il a insisté sur la nécessité de consulter à temps. «61% des patients n'arrivent pas à temps alors que 50% sont envoyés par leurs médecins traitants.» précise-t-il. Autres problèmes relatifs à la prise en charge des malades, le coût élevé des traitements et le retard d'admission en USI (Unité de soin intensif).

En guise de conclusion, Dr Hamani a déploré l'absence d'unités mobiles d'urgence et de réanimation ainsi que le manque d'information et l'usage de plus en plus fréquent de la thérapeutique interventionnelle. Il a également mis l'accent sur la nécessité d'entreprendre des essais cliniques et de registres prospectifs à l'échelle nationale.

La prévention reste pour lui une priorité qui mérite davantage d'intérêt. Constat auquel fait écho l'intervention du Pr Houcine Louardi: «Il faut absolument partir à la recherche des malades», préconise-t-il en constatant la même carence au niveau des urgences.

Mais ce qu'il trouve inadmissible par-dessus tout, c'est la non disponibilité de thrombolyses dans les hôpitaux d'autant plus que 61% des admissions en urgence concernent les attaques cardiaques dont 79% arrivent en retard, soit après la 8e heure.

Ce qui multiplie le nombre de décès aux urgences. Le message clair qu'il a voulu transmettre au ministère de tutelle, c'est la nécessité et l'urgence de mettre à la disposition des patients plus de médicaments thrombolytiques (qui débouchent l'artère). Ils ont un effet immédiat et rapide sur le caillot qui obstrue l'artère.
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