la «Symphonie Marocaine» dans les salles Hymne à la vie
Des vies «rouillées», meurtries et passionnées. Les héros de Kamal Kamal sont beaux et ils interprètent majestueusement un film qui donne à réfléchir et qui imprègne nos sens d'espoir mais bien amer. Lors de cette première projection à Casablanca, mercre
LE MATIN
03 Février 2006
À 15:45
Le temps presse, on ne comprend pas bien pourquoi on se sent bousculer en notre fort intérieur; on commence à se poser des questions sur la vie, la nôtre. Loin même, de tout ce que l'on nous raconte. C'est cela qui fait que ce film soit intéressant.
Il y a des réflexions sur la misère économique et sociale, sur le déchirement des êtres face à leurs douleurs et remords, sans oublier la solidarité touchante entre ces êtres sensibles comme fragiles mais surtout il y a une morale sur le pardon qui reste très discutable.
L'idée de la tolérance entre les Juifs et les Arabes tout comme le conflit israélo-palestinien ressurgit aussi. «Sabra et Chatila» est pourtant présente dans les esprits mais les atrocités et les folies de la guerre font que les morts se ressemblent, pense ce cinéaste.
Ce dernier a tenu à véhiculer l'idée que: «tout homme se faisant combattant du monstre doit veiller à ne pas devenir lui-même un monstre». Tout cela nous vient à l'esprit et que faire pour tout digérer et suivre les évènements du récit. «Tout est possible: si nous voulons, nous pouvons», clame un groupe de marginaux, anciens élèves du Conservatoire de Casablanca, qui pour sortir de leur propre enfer et d'une réalité dure décident de composer une symphonie; leurs grands délires étant de se produire devant le public d'Albert Hall à Londres.
Le spectateur comprend que c'est une éminence pour tout prestigieux orchestre et veut bien y croire, le Septième Art est non seulement une machine à fabriquer mais aussi à réussir de grands rêves.
Néanmoins les malheureux de cette trame souffriront beaucoup et vivront des péripéties significatives et intenses pour arriver à bout de cette musique. Et là, le réalisateur Kamal Kamal révèle non seulement son talent de scénariste, de réalisateur mais aussi de musicien avec une belle mélodie qui lui a permis de réaliser son rêve d'enfant de monter une symphonie.
Lauréat du Conservatoire de la ville d'Oujda, il nous livre un remake en procédant à un nouvel arrangement de célèbres chansons de Jil Jilala et de Lemchaheb respectivement «dar bina doura» et «khlili». Un bel hommage très réussi.
Côté acteurs, c'est un magnifique Younès Megri, très juste dans le rôle principal de Amine, un militaire qui déserte au Liban et qui perd son bras, lors du massacre de Sabra et Chatila commis par l'armée israélienne. De retour au bercail, ces images d'horreur et son vécu de soldat vont le persécuter et ils décident d'exorciser son sentiment de culpabilité à travers une symphonie.
Et n'oublions pas la belle prestation de l'acteur Abdellah Amrani qui n'est plus à présenter au public marocain. Quant à l'actrice Majdouline, elle est Habiba la clarinette, qui souhaiterait vivre «décemment» en vendant son corps mais que ses compagnons de misère refusent de laisser sombrer dans la prostitution. «Mais la mort est aussi difficile que la vie. Tout est difficile», dit-elle dans un élan de désespoir quand elle tente de se suicider en se jetant sur les rails d'un train en marche.
Elle est sublime dans ce personnage comme les acteurs Rafik Boubker, qui joue Mostapha ou Aziz Hattab, incarnant le personnage du saxophoniste muet. Rien à voir avec leurs médiocres interprétations dans «Une famille très respectable». En ce qui concerne Khalid Ben Chagra ou Rafik le trompettiste, son rôle a été considérablement «réduit» du fait que le metteur en scène a éliminé son histoire d'amour avec le personnage juive dans le film, Rebecca la violoncelliste, interprétée par l'actrice Alexandra Genouver, au détriment d'autres séquences qui «travaillent plus le film», a expliqué l'artiste Kamal Kamal. Contrairement à cela, le film aurait été trop long.
D'autres scènes jugées trop sévères pour les téléspectateurs ont été aussi «coupées» comme celle qui montre par exemple Younès Megri, un lance-roquette sur les épaules pour faire sauter un bus transportant des enfants israéliens. Ce qui n'enlève rien à la beauté de cette symphonie de la vie où chaque personnage essaie de réaliser son rêve et de changer de vécu. La fin est émouvante avec la présence très significative d'une princesse pour assister au concert. Un film à voir.