Fête du Trône 2006

«La problématique de la réforme des partis politiques au Maroc»

10 Juin 2006 À 13:12

Le discours politique au Maroc s'est focalisé, depuis plusieurs années, sur la question de la réforme, bien que les vues sur le champ et les limites de cette réforme divergent. On peut, à ce propos, poser deux questions centrales : «Où commencer»? Et «où s'arrêter» ?

La première question «Où commencer ?» renvoie à celle du champ de la réforme. Certains ont insisté sur la nécessité de commencer par la réforme constitutionnelle, comme étant un prélude essentiel à la réforme institutionnelle.

D'autres ont réclamé des réformes sectorielles, dont la réforme des partis, comme étant un tremplin vers la mise en place des conditions nécessaires à même d'aider à la mise en œuvre, ultérieurement, de réformes constitutionnelles et institutionnelles. Quant à la deuxième question «Où s'arrêter ?», elle renvoie à celle des limites de la réforme, en ce sens que certains ont appelé à l'adoption de réformes radicales.

D'autres ont insisté sur la nécessité de tenir compte des spécificités du système politique marocain et de ne pas toucher aux prérogatives constitutionnelles du Roi. Les deux questions, sur le champ et les limites de la réforme, ont donné lieu à plusieurs réponses, dont celle concernant la réforme des partis, qui a été adoptée par l'institution monarchique et par de nombreux acteurs politiques. Un appel insistant s'en est suivi préconisant l'élaboration d'une nouvelle loi sur les partis politiques, qui, d'une part, contribuerait à réformer l'action partisane et, d'autre part, réhabiliterait l'action politique dans sa noble acception.

Face à cette option, les avis ont divergé encore une fois. Alors que certains ont souligné l'urgence de la promulgation d'une nouvelle loi sur les partis politiques invoquant le besoin d'un texte juridique qui encadre l'action partisane, d'autres ont jugé inutile la promulgation d'une telle loi. Un troisième groupe a estimé qu'il ne fallait pas se limiter à la seule promulgation d'un texte juridique, mais réunir également les conditions politiques, sociales et culturelles pour appliquer ses dispositions de façon saine.

Quoi qu'il en soit, la réforme des partis demeure une revendication qui se pose avec insistance au regard des rôles dévolus, constitutionnellement, aux partis politiques, qu'il s'agisse du rôle d'encadrement ou de celui de la représentation. Elle se pose également avec insistance en raison des critiques acerbes dont ces partis politiques ont été l'objet, et qui ont fait apparaître ces derniers aux yeux de tous comme s'ils étaient les seuls responsables des pannes dont souffre l'action politique au Maroc. Abstraction faite des intentions sous-tendant ces critiques, que la réforme des partis politiques s'impose comme étant un chaînon du processus de la réforme globale, dont les dimensions se complètent et les niveaux s'interfèrent.

Contexte général
de la réforme des partis


Partant de cette optique, l'on doit approcher la réforme des partis politiques, premièrement dans ses rapports avec ses contextes et, deuxièmement, en la liant à ses niveaux.
Deux aspects fondamentaux président à cette réforme: le premier a trait aux contextes et le second aux niveaux.

Le contexte général réside dans la volonté de faire réussir l'alternance. Cette volonté serait celle-là même qui s'est concrétisée dans des appels royaux en direction des partis politiques, que ce soit de la part de feu S.M. le Roi Hassan II ou ceux émanant de S.M. le Roi Mohammed VI, prônant l'élaboration de programmes réalistes et applicables, la réforme des structures des partis politiques en adoptant la démocratie interne et la rationalisation du système de ces partis.

Le contexte particulier réside, quant à lui, dans la volonté de délimiter les lignes de démarcation entre le religieux et le politique, surtout après le renforcement du courant islamiste qui a montré le désir de participer à la vie politique. Cela a entraîné nombre de complications, notamment en ce qui concerne les rapports entre la religion et la politique au sein d'un système politique comme celui du Maroc où l'institution monarchique tire une part importante de sa légitimité de la religion.

En ce qui concerne les niveaux, le premier se rapporte à la réforme des organisations politiques et le second consiste en la réforme du système des partis politiques.

Le premier niveau renvoie à la réforme des structures des partis. Il était en effet nécessaire de trouver les garde-fous juridiques qui favorisent une gestion démocratique de ces structures. Les partis politiques marocains ont enduré les scissions et les divisions au point qu'il était devenu évident d'assimiler l'histoire de ces partis à celle de leurs divisions. Il est certain que parmi les causes fondamentales ayant généré ces divisions figurent l'absence de la démocratie interne, l'accompagnement par des individus de la prise de décisions au sein de ces partis, le non-respect des règles régissant l'action des partis, qu'il s'agisse des statuts ou de règlements intérieurs, outre le manque de transparence financière.

Le second niveau se rapporte à la réforme du système des partis. Le pluralisme politique adopté au Maroc a été l'objet de diverses critiques le taxant de pluralisme dépourvu de signification. D'où la nécessité de rationaliser ce pluralisme de façon à ce qu'il débouche sur la formation d'une majorité agissante, influente et capable de jouer le rôle de l'opposition.

Dans ce cadre, l'on évoquait avec insistance, aux niveaux officiel et populaire, le besoin de remédier à certaines maladies ayant affecté le corps des partis politiques au Maroc, telles que la balkanisation politique et la transhumance politique par le biais de la mise en place de garde-fous juridiques, qui contribuent à l'émergence d'unions et d'alliances, et même à l'encadrement de l'opération de fusion entre les partis politiques.

L'examen de la problématique de la réforme des partis politiques induit nécessairement la formulation de réponses convaincantes à deux questions essentielles : pourquoi éprouve-t-on le besoin d'une réforme des partis ? Et comment cette réforme se concrétise-t-elle ?
Répondre à la question relative au besoin d'une réforme des partis impose d'avoir présent à l'esprit l'importance des partis politiques au sein du système politique de façon générale. Nulle démocratie sans partis démocratiques et nuls partis démocratiques sans une élite partisane démocratique. L'absence d'une élite imbue de la culture démocratique influe, en effet, négativement sur la gestion des affaires des partis.

La réforme de ces derniers s'avère, de ce fait, être un besoin pressant en ce sens qu'elle tend essentiellement à refonder les comportements de l'élite des partis dans un sens conforme aux idéaux et valeurs démocratiques. Cette réponse générale nous met au cœur de la deuxième réponse qui a trait à la manière de réaliser la réforme des partis.

Cette réforme passe-t-elle fondamentalement par les mesures et les dispositions juridiques ou à travers une action visant l'émergence d'une culture démocratique qui ne serait pas l'apanage de l'élite formant les partis, mais s'étendrait à l'ensemble des citoyens ? Quels que soient la valeur du texte juridique et les ambitions du législateur de consolider les mécanismes de gestion démocratique des affaires des partis, ce texte se heurterait à la mentalité de l'élite formant les partis et à la culture des citoyens. La réalité, comme on dit, l'emporte dans tous les cas.

Le texte juridique est une introduction parmi tant d'autres à la réforme des partis politiques. Ce même texte juridique pourra être vidé de sa substance et perdre sa valeur s'il se heurte à des mentalités qui se servent de ses dispositions et les interprètent de façon contraire à l'objectif du législateur.

Il faut garder à l'esprit la spécificité de l'expérience politique dans le cadre de laquelle s'opère cette réforme, ainsi que la nature de la conjoncture politique où se déroule cette expérience. Au niveau des spécificités de l'expérience politique, la réforme se situe dans un cadre où le Roi règne et gouverne et où l'institution monarchique occupe une place centrale.

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