Spécial Marche verte

«Nous continuons encore à voir dans les souks, des arracheurs de dents et des suceurs de sang, cela est inacceptable»

Le 23 mai dernier, l'Association SOS Hépatites Maroc a organisé à Casablanca, le Forum maghrébin des hépatites qui a donné naissance à la fédération «SOS Hépatites Maghreb». Entretien avec le professeur Driss Jamil .

03 Juin 2006 À 13:16

Le Matin. Selon vous, quels sont les principaux facteurs responsables de la contamination de l'hépatite B et C ?
Driss Jamil.
Les virus des hépatites B et C sont transmis par le sang à travers une transfusion sanguine. Mais depuis 1994, ce mode de contamination est réduit de manière considérable puisque tout sang collecté est obligatoirement soumis à un examen minutieux pour détecter ces virus.

Actuellement, la population à risque comportant un pourcentage de transmission élevé est représentée par les drogués par voie intraveineuse, chez les hémodialyses, les malades ayant eu une intervention chirurgicale, les patients ayant subi des soins dentaires notamment les « mécaniciens dentaires».
D'autres modes de contamination sont possibles notamment le tatouage, le piercing et le partage des objets de toilette : brosse à dent, coupe ongle, pince à épiler, lame de rasoir. En plus de ces modes, le virus de l'hépatite B peut être transmis au cours des rapports sexuels et également de la mère à son fœtus pendant la grossesse.

A l'échelle nationale, quelles sont les précautions prises pour lutter contre la propagation de la maladie ?

La décision fondamentale consiste à vérifier le sang des donneurs depuis 1994 ce qui a contribué à réduire de façon efficace la propagation par le sang en plus de l'introduction du vaccin de l'hépatite B dans le cadre du programme national de la vaccination, ce qui constitue un véritable succès de lutte contre le fléau.

Quel est votre avis concernant les moyens traditionnels pour soigner l'hépatite ?

Vous savez les Marocains continuent à penser que le traitement traditionnel existe et il est efficace. Pour mieux comprendre les faits, il faut savoir que l'hépatite aiguë qui s'accompagne de jaunisse «boussafir», évolue souvent de façon aiguë. Cette situation dure quatre à six semaines, puis tout rentre dans l'ordre, c'est-à-dire que la jaunisse disparaît au bout de ces semaines de façon spontanée sans avoir recours à aucune thérapeutique.

C'est une évolution naturelle de cette forme d'hépatite, certains charlatans utilisent des méthodes telles que les pointes de feu «elkay» ou bien scarifient la peau.
D'autres préconisent le bain à minuit aggravant la situation des malades alors que les signes vont disparaître normalement au bout de six semaines.

Que pensez-vous de ces arracheurs de dents et suceurs de sang qui sévissent encore notamment dans les souks ?

Malheureusement du fait de l'ignorance et du manque d'éducation sanitaire et également d'un certain laxisme de la part des autorités concernées, nous continuons à voir encore des arracheurs de dents dans les souks et également en villes dans des structures avec enseignes «mécanicien dentiste».
Cela est inacceptable de même ce que l'on appelle des «suceurs de sang» qui, par leurs outils, transmettent de façon indiscutable le virus
B et C.

Que pensez-vous de la stratégie nationale de lutte contre cette maladie et quel est le rôle de votre association cette politique ?

Le ministère de la Santé a intégré la vaccination contre le virus B dans le cadre du programme national de vaccination qui se fait de façon gratuite dans les centres de santé, mais il reste encore beaucoup d'effort à faire. Par exemple pour le Sida, il y a eu des efforts considérables bien que le nombre de malades est insignifiant par rapport aux hépatites qui doivent bénéficier du même intérêt de la part des pouvoirs publics et des organismes nationaux.

Notre association a été créée pour participer en tant que société civile à la sensibilisation à la gravité de la maladie par des campagnes et des forums qui se tiennent régulièrement au siège de l'association regroupant patients, familles et médecins et où un échange de données et de conseils sont prodigués sans oublier l'éducation sanitaire.

Vous avez créé la Fédération SOS Hépatites Maghreb, lors du Forum maghrébin des hépatites, organisé le 23 mai dernier à Casablanca. Quelles ont été les principales conclusions de ce rendez-vous ?

SOS Hépatites Maroc a pris l'initiative de réunir les associations de Tunisie et d'Algérie pour discuter des problèmes rencontrés dans chaque pays et de définir une stratégie globale et commune à l'égard des organismes internationaux (Organisation mondiale de la santé, Programme des Nations unies pour le développement), afin de parvenir à décrocher un partenariat régional qui nous permet de prendre en charge convenablement nos malades.
Nous avons également décidé de mener campagne de façon globale avec une journée maghrébine de dépistage, de sensibilisation et de créer un site web maghrébin.

Quelles sont les perspectives pour la guérison de cette maladie ?

Le traitement des hépatites a connu ces dernières années un essor considérable. On peut déjà dire que l'hépatite C est guérissable et que l'hépatite B est maîtrisée.

Reste le problème des formes résistantes. Beaucoup d'espoir est attendu avec la mise sur le marché de nouvelles molécules appelées les «antiproteases» qui vont permettre de régler le problème de ces formes résistantes. En attendant, le vaccin contre le virus C reste la sensibilisation et la prévention.
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