«Le rapport sur le développement humain au Maroc va faire tâche d'huile en Afrique»
MAP
06 Février 2006
À 15:21
L'Organisation des Nations unies (ONU) a encouragé les pays africains à s'inspirer de l'exemple du Maroc pour lancer une auto-évaluation et faire le bilan de 50 ans d'indépendance.
"Nous avons déjà lancé des propositions de réflexion à l'intention des chercheurs africains pour faire le bilan des cinquante ans d'indépendance, essayer de comprendre l'état de l'Afrique et trouver des pistes de réflexion pour son avenir", a déclaré le directeur du bureau des Nations unies pour l'Afrique de l'ouest (UNOWA), Ahmed Rhazaoui. Dans un entretien avec la MAP, M. Rhazaoui affirme qu' "il ne fait aucun doute" que le rapport sur le développement humain, élaboré par le Maroc, sera examiné "avec intérêt" par d'autres pays, et que les Marocains, qui ont pris part à cet exercice, seront sollicités pour partager leur expérience.
A ce propos, il a mis l'accent sur la nécessité pour tous les pays en développement d'engager un processus d'auto évaluation périodique et d'examiner le bilan de leurs stratégies pour en tirer les leçons et jeter les bases pour la construction d'un meilleur avenir.
"Le fait que le Maroc soit le premier à engager une réflexion sur une période de 50 ans est un signe encourageant, car il traduit la volonté des Marocains d'affronter l'avenir avec courage et clairvoyance", s'est-il réjoui, précisant que l'exercice mené par le Maroc répond aux préoccupations des Nations unies dans la recherche de solutions au retard des pays en développement.
"L'étude marocaine est un test grandeur nature de la pertinence du concept du développement humain et de son utilité " et constitue, de ce fait, un "précédent important qui jette les bases d'une évaluation objective des progrès réalisés dans un pays donné", a indiqué M. Rhazaoui, qui a participé à l'élaboration de ce rapport en tant que membre de la commission scientifique. Il a souligné que le rapport sur le développement humain permettra d'apprécier les progrès des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) auxquels ont souscrit tous les pays membres de l'ONU.
Lors du sommet du Millénaire, en septembre 2000, les dirigeants du monde s'étaient engagés à réaliser huit objectifs d'ici 2015 : réduire de moitié l'extrême pauvreté et la faim, réaliser l'éducation primaire universelle et l'égalité des sexes, réduire de deux tiers la mortalité des enfants de moins de 5 ans et de trois quarts la mortalité maternelle, inverser la tendance en matière de propagation du VIH/sida et du paludisme, réaliser un développement durable et assurer la viabilité de l'environnement.
S'agissant des conclusions du rapport, M. Rhazaoui, qui occupe également les fonctions de représentant spécial adjoint du secrétaire général de l'ONU en Afrique de l'ouest, a fait remarquer que 50 ans après son indépendance, le Maroc se retrouve avec un indice de développement humain qui le place à la 126e position (sur 175 pays), "loin derrière des pays comparables".
"Les déficits les plus criants ont pour nom pauvreté (5 millions ou 14 % de la population), analphabétisme (40 à 50 % de la population adulte, beaucoup plus en zone rurale), exclusion et marginalisation de larges franges de la population, disparités (riches/pauvres, villes/campagnes,hommes/femmes..), chômage à deux chiffres, accès difficile aux services sociaux, dysfonctionnements dans des domaines clé tels la santé, l'éducation, la décentralisation, la gouvernance", a-t-il expliqué.
Selon lui, les raisons de ces déficits se trouvent dans le "manque" de visibilité à long terme et le "pilotage à vue" dans les domaines économique et social, l'"absence de stratégie claire" en matière d'éducation, des options "parfois mal adaptées" dans le secteur agricole, une culture politique "dominée par la suspicion", l'"inadéquation de certaines institutions" et l'absence d'une culture de responsabilisation.
Parallèlement à ces déficits, a-t-il dit, le Maroc dispose de ressources humaines de haut niveau, d'infrastructures modernes, de structures d'Etat solides, d'une identité nationale et culturelle forte et d'une société civile dynamique et en pleine expansion.
M. Rhazaoui a ajouté que les importantes réformes entreprises, depuis les années 90, dans les domaines politiques, sociaux et humains montrent que les déficits accumulés peuvent être comblés lorsque la volonté est affirmée, relevant que le potentiel que recèle le Maroc en terme de population et de patrimoine physique et culturel, peut être libéré à travers les institutions de l'Etat et la gouvernance, valorisé par l'éducation, la santé et la protection sociale et mobilisé par la croissance économique et l'emploi.
Interrogé sur ce que les rédacteurs du rapport ont appelé les "noeuds" du développement, il a précisé qu'il s'agit d'une notion "fort intéressante" qui permet d'identifier les facteurs les plus déterminants en tant qu'obstacles ou, au contraire, en tant que leviers du développement humain.
Les facteurs critiques (économie, gouvernance, santé et inclusion) qui ont été des obstacles majeurs au développement humain au Maroc, peuvent être transformés en facteurs de développement humain s'ils sont inscrits dans une stratégie cohérente à long terme et accompagnés par des moyens conséquents, a-t-il souligné.
M. Rhazaoui a souligné que maintenant que la crédibilité du rapport "n'a pas été mise en cause" et l'objectivité de la démarche "reconnue par tous", il s'agit de confronter la lecture des rédacteurs du rapport avec celle des autres composantes de la société. "Ce sera ensuite aux décideurs d'en tirer les leçons pour les stratégies à élaborer à l'avenir", a-t-il conclu.