Du Sommet Afrique-Europe de Lisbonne

Réduire la fracture du développement ! Voilà en quelque sorte le leitmotiv qui dominera apparemment les travaux du Sommet Union européenne-Afrique prévu les 8 et 9 décembre prochains à Lisbonne.

Qu'il se tienne à une période où c'est le Portugal qui préside jusqu'à fin décembre aux destinées de l'Union européenne n'étonnera que ceux qui ignorent que le gouvernement portugais a placé sa présidence sous le signe de l'Afrique et qu'il ne cesse d'en défendre à la fois le principe, la philosophie et la nécessité de revoir les rapports de l'Europe avec le continent africain dans une nouvelle et dynamique perspective. Ce n'est pas par hasard, dirions-nous, que de nouveau les représentants de l'Afrique se retrouveront avec leurs homologues européens à Lisbonne. Le premier Sommet intercontinental du même genre, avait également été organisé au Caire en 2001 alors que le même Portugal assurait la présidence tournante de l'Union européenne.

Il convient d'y voir non pas seulement une continuité, non pas une tradition mais une fidélité à la vision que les dirigeants de Lisbonne se font du co-développement et de la coopération entre les continents, entre les peuples des deux rives, enfin entre le Nord et le Sud. De tous les Etats d'Europe, le Portugal apparaît ainsi comme le seul à vocation africaine, rappelant ainsi un morceau de l'Histoire de l'humanité en dépit de vicissitudes et d'épreuves. Il se fait l'ardent défenseur d'un continent à l'abandon.

C'est si vrai que, l'actualité nous le montre chaque jour, l'Afrique est reléguée au second plan sinon plus dans les tables de préoccupations européennes. L'Europe telle qu'elle se module de nos jours et fonctionne semble tourner le dos à l'Afrique, alors que la proximité géographique, historique et humaine l'interpelle gravement. L'Europe préfère en effet river son nouveau regard intéressé sur les pays de l'Est et les anciens Etats communistes, après avoir naturellement reluqué des années durant les pays du Nord… Le commissaire au Développement européen, Louis Michel, croit en effet faire valoir encore le mythe d'un «partenariat novateur, global et équilibré» ! C'est se méprendre aussi sur les réalités mercantiles d'Etats européens qui n'ont jamais aussi bien parlé de l'Afrique et en même temps si mal considéré son existence et ses potentialités.

Le Sommet de Lisbonne incarnera, fort heureusement, l'appel à une conscience collective des responsables européens. Du haut de cette ville du sud de l'Europe, partira peut-être un autre message et se lancera un nouveau signal. Mais déjà, il convient de féliciter le Portugal pour sa ténacité et sa volonté irréductible à maintenir une réunion dans la tradition d'un partenariat qui s'impose de lui-même. Car l'Afrique, si l'on exclut les visites de rares chefs d'Etat, est aujourd'hui marginalisée, recluse dans son splendide «projet à chagrins».