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La visite de Sarkozy est aussi très politique au sein du monde arabe

La visite officielle du président français Nicolas Sarkozy au Caire, les 30 et 31 décembre, après une visite privée, vise à recadrer son image politique dans ce pays et dans le monde arabe.

28 Décembre 2007 À 18:20

Si un premier contact positif a été noué avec le président Hosni Moubarak, qui le reçoit, la presse égyptienne n'a cessé de brocarder le président français comme pro-américain et pro-israélien.
Les deux hommes ne se sont vus que deux fois, à Paris, en mai, à la veille et après l'élection de Nicolas Sarkozy. Le raïs avait tissé auparavant une grande amitié tant avec François Mitterrand qu'avec Jacques Chirac.
Le président Sarkozy, 53 ans, souhaite associer étroitement à son projet d'Union de la Méditerranée M. Moubarak, 79 ans, un homme, à ses yeux, "d'expérience et de sagesse" et un "partenaire incontournable".

Accueillie d'abord avec circonspection, cette initiative de la France a désormais les faveurs de l'Egypte. Elle pourrait constituer la base d'un resserrement d'alliance stratégique avec ce pays clef du monde arabe.
L'Egypte est aussi la première visite officielle de Nicolas Sarkozy au Proche et Moyen-Orient, où des interrogations ont surgi sur un repositionnement de la France.
"C'est important qu'il vienne maintenant s'expliquer et que nous le recevions sans a priori négatif", a déclaré à l'AFP le chercheur Imad Gad du Centre d'analyse stratégique et politique d'Al-Ahram.

Ayant affiché amitié pour Israël et refus d'anti-américanisme, Nicolas Sarkozy est apparu ici comme un président de rupture avec la "politique arabe" de ses prédécesseurs. "Elle est finie l'ère Chirac, ce partisan des Arabes et des Africains", avait noté, au lendemain de son élection, une éditorialiste du principal quotidien gouvernemental, Al-Ahram.
Après la petite phrase, en septembre, du chef de la diplomatie Bernard Kouchner sur une "guerre" possible avec l'Iran dans le contexte de la crise du nucléaire, c'est un "alignement" sur Washington qui a été fustigé.

"En général, la politique française paraît, depuis Sarkozy, très changeante et très aventureuse (...) utilisant les mêmes moyens que l'administration Bush", estime Salama Ahmed Salama, un éditorialiste du très influent Al-Ahram.
Les journaux de tous bords répètent depuis que Nicolas Sarkozy a remplacé l'ex-Premier ministre Tony Blair comme allié n° 1 du président Bush, l'appelant "Sarko l'américain". Pour l'ex-secrétaire général de l'ONU, Boutros Boutros-Ghali, à l'inverse, "les premiers pas de l'administration française sont positifs". "Je vois une continuité et j'espère plus d'intérêt" encore pour le Sud, a-t-il dit à l'AFP.
Le président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas a relevé que "le président Sarkozy ne cache pas qu'il soutient Israël, mais il soutient aussi la cause palestinienne. Il a une position équilibrée et c'est exactement ce dont nous avons besoin", a-t-il dit lors de son passage à Paris.

Autre aspect frappant des journaux égyptiens, c'est qu'ils ne se gênent pas d'évoquer, à l'appui de leurs théories de complot, des ascendances juives du président Sarkozy, ou de Bernard Kouchner.
Le président Sarkozy a même été traité d'agent du Mossad, le service secret israélien, dans Al-Ahram Weekly, hebdomadaire anglophone du groupe Al-Ahram, en déformant une information parue dans le quotidien français Le Figaro.
Largement repris sur internet, l'éditorialiste Gamal Nkrumah prétend que Le Figaro l'a enfin "révélé" en octobre.
Or ce quotidien avait au contraire écrit qu'une telle accusation provenait d'un "courriel farfelu" d'un "cybercorbeau" recherché par la police.
"C'est n'importe quoi. En Egypte, on aime voir le Mossad partout, sauf où il est", a affirmé à l'AFP Mahmoud Abaza, patron du parti libéral Wafd pour qui la nouvelle diplomatie française "manque seulement encore un peu de professionnalisme".
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M. Sarkozy, si j'avais un conseil...

"S'intéresser au Sud, et encore au Sud!": c'est le conseil que donnerait au président français Nicolas Sarkozy, en visite en Egypte, le vieux sage de la diplomatie égyptienne, Boutros Boutros-Ghali. "Attention, je me garde bien de toute ingérence dans les affaires intérieures d'un pays", dit en souriant à l'AFP le patron de l'ONU de 1992 à 1996, en invoquant l'article 2, chapitre 7, de la charte des Nations unies. A 85 ans, et avec une brillante carrière derrière lui, il a tout le crédit pour délivrer un message au président français. L'essentiel pour un "dirigeant français et européen" est, selon lui, de ne pas se tromper de priorités.

"Occupez-vous plus du Sud, car les véritables problèmes que vous allez avoir dans les prochaines décennies viendront de là", dit-il. "Ces problèmes, vous ne les aurez pas avec des pays d'Europe de l'Est comme la Bulgarie ou la Roumanie, mais avec les pays du Sud, avec les Africains, les Nord-Africains ou les Egyptiens", pronostique-t-il. Car s'il lui paraît "normal" que l'Europe se focalise sur ses problèmes non résolus d'intégration et ses relations avec les Etats-Unis, l'oubli du Sud serait une grave faute, car "c'est aussi important pour l'Europe".
La France a-t-elle infléchi sa politique depuis l'arrivée, en mai dernier, de Nicolas Sarkozy au pouvoir? Boutros Boutros-Ghali n'en est pas convaincu, en dépit des articles parfois acerbes dans la presse égyptienne et arabe.

"Les premiers pas qui ont été faits par l'administration française sont positifs", dit-il, évoquant les missions au Liban du chef de la diplomatie, Bernard Kouchner, ou la visite à Paris du dirigeant libyen Mouammar Kadhafi. Mais quels que soient les efforts entrepris pour relancer le processus de paix israélo-palestinien, comme lors de la réunion d'Annapolis (Etats-Unis) en novembre, Boutros Boutros-Ghali s'avoue "très pessimiste". "Je pense qu'il n'y aura rien tant que vous avez un gouvernement israélien faible et un gouvernement palestinien faible, même très faible et divisé", dit-il. Boutros Boutros-Ghali, auteur en 2006 du livre "Soixante ans de conflit israélo-arabe", avec l'actuel président israélien Shimon Peres, âgé comme lui de 85 ans, estime que la paix attendra "encore une génération. La nouvelle sera plus compréhensive"". Rencontrera-t-il le président Sarkozy pour lui dire tout cela? "Ce n'est pas prévu, à quel titre le ferais-je ?".
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