Forte dégradation environnementale
Les déchets des usines mis en cause
LE MATIN
10 Avril 2007
À 15:02
Les Jdidis nés avant l'indépendance se rappellent les premiers tumultes du printemps de leur enfance à El Jadida, des effluves des fleurs d'orangers et de mûriers, de la convulsion joyeuse du chèvrefeuille et du fuchsia qui ornaient les maisons de la place Moulay El Hassan, de la fragrance qui s'échappe du gueule-de-loup des villas près du jardin Spiney, du bourgeonnement du géranium, de l'achillée, de dahlia, de la tulipe, de la primevère et de la chrysanthème qui enchantaient les demeures du quartier Plateau, de l'éclosion des petites feuilles vertes de l'hortensia… En clair, une formation végétale qui agissait comme une poésie, voire un antidépresseur qui participait à leur mettre le moral au beau fixe, nous a dit notre ami Elmostafa ould Elbiade qui nous a montré, par ailleurs, des photos du début des années 1940-60 où les avenues de Mazagan étaient jalonnées de mûriers, de châtaigniers et d'orangers.
La ville d'El Jadida a aussi été, jadis, réputée par ses beaux parcs, ses araucarias, ses palmiers, ses washingtonias et ses platanes, et que l'on se plaisait à appeler "la Deauville marocaine".
Mais cela fait partie d'un passé dont les odeurs nostalgiques sont à peine ressenties. Une fragrance d'amour qui n'est plus complice de l'ingénue effervescence qu'offre Dame Nature parée de ses plus beaux atours en cette période printanière.
Dans la foulée, il n'est pas déplacé de constater que le faciès arboricole qui enjolivait nos espaces publics a déserté notre cadre bâti.... Malgré ce qui reste, il semble malheureusement que la Deauville marocaine est rattrapée par une frénésie dangereuse: la dilapidation forcenée de la richesse écologique. Nos responsables préfèrent l'ambiance des « braderies de fripe » qui leur rapportent le sou que la tenue de floralies.
Quant à la structure de la province chargée du développement et de l'embellissement des espaces publics, le choix est porté en priorité sur les axes parcourus par les officiels, le reste des interventions est opéré au gré de l'humeur, juste pour justifier quelque action. On met en terre des plants chétifs pour les abandonner aussitôt.
Les exemples sont légion, et la presse est toujours présente pour le rappeler à l'envi. Elle a beau livré bataille en s'égosillant pour l'entretien de la belle lignée d'arbres qui, autrefois, parait la place El Hansali. Mais on a décidé qu'elle soit abandonnée à son triste sort. Une manière de contribuer à la calvitie de nos cités. Ainsi, en face de la Kissaria Ben Nahon, le patron d'un magasin a eu l'audace de " tuer " 4 arbres afin d'étaler ses marchandises sur le trottoir.
On sait que les espaces verts, en plus de leur aspect ornemental et embellissant, permettent à la ville de respirer et de s'oxygéner. Ils jouent aussi le rôle de régulateur du climat urbain et constituent des lieux de détente et de décontraction pour les habitants. On sait aussi que les arbres contribuent à notre qualité de vie, et sont bénéfiques à notre santé physique et mentale. Cette croyance a été vérifiée par des chercheurs qui leur ont attribué certains bienfaits.
En plus, les arbres contribuent à purifier l'air des villes, polluées principalement par le dioxyde de carbone (CO2) et l'ozone au sol (O3). En effet, ils ont la capacité d'absorber le CO2 et d'autres gaz polluants, en libérant de l'oxygène et en filtrant les poussières en suspension dans l'air. Par exemple: une superficie de 4 000 mètres carrés d'arbres absorbe l'équivalent du CO2 produit annuellement par une automobile parcourant 40 000 km; l'air environnant une rue bordée d'arbres contient de 3 à 7 fois moins de particules de poussière que l'air d'une rue sans arbres.
De même, les arbres au feuillage duveteux filtrent-ils beaucoup mieux les poussières que les arbres au feuillage léger ou lisse.
D'autre part, le feuillage des arbres fournit une protection contre les rayons du soleil et la chaleur car les arbres projettent de l'ombre qui protège des rayons ultraviolets (UV) et produisent aussi de la vapeur d'eau, qui absorbe la chaleur de l'air.
Voilà pourquoi on doit déployer tous les efforts nécessaires en accordant une importance particulière aux espaces verts afin d'offrir aux citadins le confort espéré et à la ville l'attraction esthétique qui peut la distinguer et affirmer son identité. La civilisation arabo-musulmane, depuis plus de 14 siècles a su domestiquer et préserver la plante et les espaces verts en général pour générer les plus beaux parcs du monde.
Mais de nos jours, on porte atteinte à l'harmonie végétale aux villes des Doukkala soit pour planter d'autres espèces, soit pour agir uniquement par intérêt.
C'est vrai qu'on a réaménagé le jardin de la corniche à El Jadida. Mais de quelle manière?
On s'est permis de déraciner des palmiers sous prétexte d'en planter plus.
Par conséquent, bon nombre de palmiers et de washingtonias plantés tout au long de la corniche et dans le petit jardin qui est en face de la pharmacie de nuit ont péris. Sans doute, les décisions concernant le choix des essences ont été prises isolément.
Ainsi, il n'est guère probable que ce responsable de l'urbanisme qui a décidé de planter ces genres d'essences a consulté un spécialiste.
Le responsable du service de l'urbanisme de la province, ignore-t-il les abc du système de la conception des jardins? Y a-t-il vraiment un schéma directeur de l'environnement végétal? En plus, à l'intérieur de la ville d'El Jadida, il existe trois importants parcs : parc Mohammed V, parc Hassan II et parc Abdelkrim El Khattabi. Ces parcs ont été réalisés à un moment où la ville d'El Jadida ne comptait que quelques milliers d'habitants.
Mais depuis, la donne a changé et la ville compte de nos jours plus de 130.000 âmes et l'espace urbain s'est élargi sans que les concepteurs du schéma directeur de la ville ne prennent en considération la réservation d'espaces pour la réalisation de parcs au quartier Saâda I, II et III, Koudiate Ben Driss et Salam à l'instar de ceux datant de l'époque coloniale.
Quant à la mer, elle connaît une dégradation environnementale, écologique et socio-économique désolante à cause du déversement des collecteurs de la ville en mer des eaux usées et des déchets des usines de la zone industrielle sans aucun traitement.
Ainsi, les plus vulnérables à cette dégradation environnementale sont les enfants, les personnes âgées et les individus souffrant de maux préexistants, notamment les maladies cardiaques et pulmonaires.
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Cri d'alarme
Pour minimiser cette menace et diminuer ses effets actuels sur la santé des doukkalis, les autorités provinciales doivent passer à l'action dès maintenant au lieu de s'efforcer de contrecarrer ceux qui lancent le cri d'alarme.
Car cela ne pourra altérer ce qui, selon les prédictions des professionnels de la science et de la médecine, pourrait bien se produire si les niveaux actuels et les tendances d'émissions ne se stabilisent pas. Les études scientifiques démontrent que Doukkala fait face à des menaces sérieuses et réelles. Les démentis ou atermoiements ne feront que perdre du temps et des ressources pouvant s'avérer précieuses. Il faut passer à l'action, et ce dès maintenant.
Ainsi par exemple, plus qu'une simple politique de réaménagement du territoire, c'est une course vers le reboisement qui s'impose car au béton s'ajoute une population grandissante sur un espace de plus en plus réduit. Déjà certaines communes, comme Sidi Smaïl et Moulay Abdellah, sont sans espaces verts ou sans forêt.
En fait, sur les 54 communes que compte la province, seuls quelques espaces forestiers y existent. C'est peu lorsque l'on considère que les espaces forestiers doivent représenter, au minimum, 25% de la superficie totale d'une ville.