La COMANAV remise à flot
Le matin éco. : Quelle bilan dressez-vous aujourd'hui de la restructuration de COMANAV ?
Toufiq Ibrahimi : La restructuration s'est déroulée de manière tout à fait naturelle. Les premières étapes étaient certes difficiles et particulièrement douloureuses puisque nous avons du mettre en place un plan social et procéder à la vente de quelques navires devenus obsolètes et non rentables.
C'était un préalable nécessaire pour le rétablissement de l'équilibre financier de l'entreprise. Suite à cette première étape, un plan de développement ambitieux a été initié et a permis la croissance de l'ensemble des activités de l'entreprise.
Nous avons ainsi saisi toutes les opportunités en particulier dans le transport de passagers mais aussi sur le fret et la manutention.. Aujourd'hui, COMANAV n'a plus rien à voir avec ce qu'elle était en 2001, son chiffre d'affaires a plus que doublé et l'entreprise a restauré de façon pérenne sa capacité bénéficiaire.
En termes de positionnement, comment vous placez la compagnie dans l'environnement national et peut-être international ?
Sur le plan international, COMANAV est une petite entreprise dont le chiffre d'affaires annuel tourne autour des 200 millions d'euros. Nos partenaires dans le projet de Tanger-Med et qui sont numéros deux et trois mondiaux sont à quatre ou six milliards d'euros de chiffre d'affaires.
En général, les grandes entreprises multinationales sont des entreprises qui sont spécialisées dans un domaine spécifique. Nous sommes, à l'inverse, une entreprise qui agit sur des niches qui touchent le secteur maritime dans toutes ses composantes. : nous faisons du transport de passagers, de camions, de conteneurs, de la manutention portuaire et demain , peut-être, du transport de vrac. C'est cela notre logique et notre positionnement.
Est-ce que la restructuration vous a aidé à remporter la concession du deuxième quai de Tanger-Med ?
Le fait que nous nous soyons restructuré nous a évidement aidé puisque nous nous sommes donné de nouveaux moyens, ce qui nous a permis de nous positionner de manière plus ambitieuse sur le projet Tanger-Med.
Ce que nous n'aurions pas pu faire une ou deux années plus tôt. Maintenant, notre positionnement à Tanger-Med et la perspective de la privatisation dynamisent davantage les ressources de l'entreprise et nous permettent de consolider de manière définitive nos métiers dans le fret et dans les opérations portuaires.
Dans la même logique est-ce que la restructuration et Tanger-Med vont vous aider à trouver plus facilement preneur dans le cadre de la privatisation ?
Si la restructuration a été essentielle dans la perspective d'une privatisation réussie, la présence dans Tanger Med permettra, sans doute en effet, de mieux valoriser Comanav sur le plan stratégique et financier.
Y a-t-il déjà des prétendants déclarés ?
Il y a des prétendants qui se sont déclarés il y a très longtemps comme CMA CGM par exemple. Parmi nos partenaires, dans le consortium qui a remporté le deuxième quai de Tanger-Med, il se peut qu'il y ait d'aures marques d'intérêt. Quand l'Etat lancera son appel à manifestation d'intérêt, j'espère que nous aurons une dizaine de candidats sérieux et réellement intéressés.
En tant que professionnel du secteur, pensez-vous que le secteur est saturé ?
Aujourd'hui, il y a quelques entreprises marocaines dans le secteur maritime. De toute évidence, leur part du marché reste relativement faible et la situation est encore plus marquée dans le transport de marchandises que dans le transport de passagers.
A-t-on alors besoin d'un champion national dans ce domaine ?
Disons que, pour les effets économiques induits, disposer d'une entreprise marocaine forte est évidemment mieux que de les voir toutes disparaître.
Mais, je crois que des entreprises de très petite taille ne sont pas viables à long terme dans un environnement totalement libéralisé. Nous avons d'ailleurs, essayé, dans un passé récent, de créer des synergies et des rapprochements avec les autres entreprises marocaines pour justement faire émerger ce champion national. Mais ces approches sont toujours très difficiles et demandent beaucoup de temps.
Est-ce que vous disposez d'un plan stratégique pour l'avenir ?
Nous en avons déjà réalisé la première grande phase qui était de consolider les trois métiers de COMANAV : le transport passager est devenu notre principal métier ; le conteneur et le RoRo depuis toujours déficitaire est maintenant stabilisé ; enfin, un nouveau métier, que nous développons aujourd'hui avec TangerMed, le métier d'opérateur portuaire qui devrait connaître une très forte croissance à l'avenir. Nous pensons aussi très sérieusement nous ouvrir plus à l'international et Tanger-Med nous servira de plate-forme et nous permettra d'être à l'affût des nouvelles opportunités de développement.
Dans le cadre de la vision 2010 pour le secteur du tourisme, est-ce que vous investiriez en tant que croisiériste ou en partenariat avec un croisiériste international ?
Nous ne pouvons pas nous improviser croisiéristes parce que nous faisons du ferry. C'est un autre métier qu'il faut exercer à grande échelle. Pour l'instant, la croisière reste loin de nos préoccupations.
La compagnie en chiffres
Transport de passagers
1 million de passagers transportés ;
33% de parts de marché ;
MAD 1,1 milliard de CA ;
6 navires en propre + 4 navires en exploitation en haute saison.
Transport de marchandises
2 millions de tonnes transportées ;
MAD 650 millions de CA ;
7 services sur l'Atlantique, la Méditerranée et le Maghreb ;
5 navires en propre.
Opérations portuaires et agences
Premier manutentionnaire privé au Maroc (MANUCO et UDEMAC…)
Leader sur le port de Casablanca : 42% de parts de marché
7,5 millions de tonnes de marchandises manutentionnées
(Stevedoring),
pour un CA de MAD 200 millions.
Les agences COMANAV ont réalisé un CA de MAD 50 millions ;
Forte présence commerciale avec un large réseau d'agences :
10 agences à travers le pays.
Portrait
La quarantaine passée, Toufiq Ibrahimi ne fait pas son âge. Il paraît plus jeune, mais dispose déjà d'une longue expérience. Lauréat de Sup de Co Reims et de l'Université de Harvard où il a obtenu respectivement un Descaf et un Master in Public Administration, il débute sa carrière en France au sein du Groupe DANONE, puis en tant qu'administrateur du Groupe CCI à Paris.
Il rejoint le Maroc où il assure la fonction d'adjoint au directeur général de ASMA INVEST avant d'être nommé directeur général de l'Office National des Pêches en 1994.
Il relifte l'Office et met en place un vaste programme de restructuration du secteur de la pêche côtière. Il prend goût à l'eau, puisqu'il poursuit sa carrière dans le maritime où il est appelé à la tête d'une entreprise qui bat de l'aile, la COMANAV. A la tête de cette compagnie depuis 2001, il met en place un vaste plan de restructuration où les décisions sont quelquefois douloureuses. Monsieur Ibrahimi est marié et père de trois enfants.