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Le public d'Errachidia à la découverte du cinéma iranien

14 Octobre 2006 À 15:52

Le public d'Errachidia a été au rendez-vous, du 6 au 8 octobre, avec le cinéma iranien avec à l'affiche trois grands titres, à savoir «Le tableau noir» de Samira Makhmalbaf, «Ten» et «Le vent nous emportera» de Abbas Kiarostami.

Initiées par le Centre Tarik Ibn Zyad pour les études et les recherches (section Errachidia) et l'Association Al Qabas pour le cinéma et la culture sous le signe «Le cinéma iranien : créativité artistique et universalité de réception», ces journées cinématographiques ont permis aux cinéphiles d'Errachidia de découvrir à la fois la grande force d'une simplicité extrême du cinéma iranien.
«Le tableau noir», projeté vendredi soir, raconte l'histoire d'instituteurs qui errent de village en village, à la suite d'un bombardement au Kurdistan iranien, à la recherche d'élèves. L'un d'entre eux trouve sur son chemin un groupe d'adolescents qui tentent de passer en Irak.

En dépit les efforts de l'instituteur, aucun n'est désireux d'apprendre. Un second croise un groupe de vieillards qui essaient de rejoindre leur terre natale. Un troisième rencontre une jeune veuve. Epris d'elle, il décide de la suivre.
Malgré un scénario qui entrecroise parfois inutilement les pistes et abuse des métaphores redondantes, le film est constamment habité par une exigence créatrice irréductible et surprend par l'audace dont il fait preuve. La force du film vient également du fait que la plupart des comédiens sont des non professionnels. Ils apportent un jeu brut et vif, sans aucun calcul et aucun «truc» de jeu.

«Le vent nous emportera», projeté, est une sorte d'invitation au voyage. Sur une route en forme de zigzags, une voiture soulève derrière elle une traînée de poussière. Une équipe désorientée se perd dans de multiples détours avant de trouver sa destination, un village immaculé perché sur les flancs d'une montagne.
Conte philosophique placé sous le sceau du secret, le chef d'œuvre de Kiarostami propose une succession d'énigmes.

Qui sont ces visiteurs venus troubler la tranquillité des villageois? Que renferme le trésor qu'ils prétendent chercher? Filmé entièrement de jour (à une exception près) sous un ciel éclatant, «Le vent nous emportera» reste néanmoins attaché à ses zones d'ombres. Appelé «La vallée noire» malgré ses ruelles ensoleillées, le village suggère déjà cette dualité entre la lumière et l'obscurité, l'ignorance et le savoir. La narration alambiquée ne mène nulle part.

Du moins, le croit-on.
Par un comique de répétition, Behzad surnommé l'ingénieur- effectue d'incessants allers-retours entre le village et le sommet d'une colline pour mieux capter ses appels.
Impatient et curieux, l'ingénieur peine à déchiffrer les signes qui lui sont soumis. Cherchant obstinément à voir, il reste insensible à la beauté offerte du monde mai aussi incapable d'affûter son regard malgré ses lunettes et son appareil photo.

Promenade sereine et voluptueuse, le dixième film de Abbas Kiarostami n'est pas seulement une fable poétique et printanière sur l'éveil artistique d'un technicien (le metteur en scène en devenir), mais une réflexion inépuisable sur le retour à la nature, le cinéma et son inspiration, la naissance et le deuil.

«Ten» est le troisième film d'Abbas Kiarostami financé par le producteur français Marin Karmitz après «Le Vent nous emportera» et «ABC Africa». Le réalisateur nous enferme dans l'habitacle d'une voiture comme dans un gynécée, au sein duquel seul mâle autorisé, un petit garçon tyrannique (l'enfant roi qui ne saurait être autre qu'un garçon), ouvre et clôt une histoire d'oppressions.

Kiarostami, fort de ce tour de force qui a consisté à réduire le plateau de cinéma à deux sièges de voiture, et la prise de vue, à deux caméras vidéo fixes, promet déjà un film encore plus réduit et plus épuré.

Dans l'oeuvre de ce réalisateur hors pair, il y a bien sûr des enfants mais aussi tout un milieu social dont il dresse un portrait d'une extrême précision, et dégage des messages d'amour et d'amitié. Le réalisme, la poésie et un humour tchékovien et persan constituent d'autres signes distinctifs des films de Kiarostami.

Ce qui frappe aussi le spectateur, c'est l'incroyable complexité d'un système qui affiche, en apparence, la plus grande simplicité.

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