Le professeur Fahd Benslimane a réuni récemment dans sa clinique, à Casablanca, les journalistes pour leur parler de l'éthique et chirurgie esthétique. Une spécialité qui s'est beaucoup développée ces dernières années au Maroc et où les ratages ne manquen
LE MATIN
18 Mars 2006
À 13:57
«Autant la chirurgie plastique et réparatrice ne prête guère à polémique et ne pose aucun problème éthique réel, autant la chirurgie esthétique pure, opérant des corps théoriquement sains, pose depuis sa création le problème du rapport bénéfice/risque des interventions sans bénéfice fonctionnel», précise ce docteur.
Il ajoute que la chirurgie plastique soigne les complexes, les imperfections, revalorise l'image physique d'une personne et donc soulage les états moraux de ces personnes. Elle leur fait " du bien". Si elle fut dans un temps réservée à une élite, souvent des stars et des personnes médiatisées, elle est aujourd'hui à la portée de tous.
Les Marocains ont en de plus en plus recours, pour corriger des défauts physiques qui " empoisonnent " leurs vies. Mais ils ne sont pas toujours prévenus sur les risques de ces opérations, et il n'est pas toujours possible de corriger en mieux certaines " imperfections".
Dans ce contexte, Fahd Benslimane souligne que l'éthique veut que le médecin soit franc avec son patient, qui doit être informé qu'une chirurgie esthétique se fait en principe pour améliorer son état, mais que d'autres imperfections peuvent apparaître. Par exemple que la réduction de volume des seins fait apparaître à la femme un gros ventre.
Par ailleurs, une personne opérée doit réellement avoir besoin d'être corrigée, en sachant qu'une cicatrice ne disparaît jamais sauf à quelques exceptions. «Quand je montre à des patients des photographies avec plein de bleu et des cicatrices après les opérations, beaucoup prennent peur et ne retournent pas me voir», assure ce médecin qui préfère opérer des gens sûrs de leurs décisions et émotionnellement stables. Pour cela, il faut analyser l'état psychologique du consultant et ne pas profiter de ses moments de faiblesse ou de détresse. Près de 15 à 20% des personnes opérées ont besoin d'être «retouchées». Mais la récupération est quasiment impossible après un ratage.
«J'ai étudié pendant 17 ans la médicine et la chirurgie esthétique mais cela ne veut pas dire que je sais tout faire. Au début de ma carrière, je ne maîtrisais pas le raffinement du nez. J'ai dû suivre plusieurs formations. Un chirurgien ne doit pas s'aventurer sur ce qu'il ne sait pas faire», avoue ce spécialiste. Dans cette profession, il explique qu'il est important de respecter certaines priorités, dans l'ordre suivant, quand on opère un patient. "Aucune chirurgie ne peut être justifiée, s'il y a un moindre doute sur l'état de santé aussi bien psychologique que physique du patient", signale en premier lieu ce médecin. Respecter la fonctionnalité des organes touchés est le facteur qui vient après. Par exemple : la fonction du nez est de permettre à la personne de respirer, il n'est pas question d'améliorer son aspect esthétique et que celle-là ne puisse plus respirer.
Puis vient «la naturalité» de façon à obtenir «un résultat où personne, même pas un autre plasticien, ne pourra dire qu'il y a eu opération». La beauté est le dernier élément signalé car ce chirurgien croit que ce n'est qu'une fois les 3 premières priorités "remplies", que l'on peut obtenir un résultat harmonieux et esthétiquement valorisant. En ce qui le concerne, il le répète maintes fois, ce n'est pas l'effacement des rides qui fait plus jeune.
Modeler les femmes, selon le même moule, en les enfermant dans des modèles uniformes "parfaits" et identiques, n'est pas beau pour le professeur Benslimane mais plutôt artificiel. Il avise qu'il est possible de retarder la chirurgie plastique en suivant une bonne hygiène de vie et en prenant soin de son corps par la pratique du sport et les massages, tout en évitant le soleil, et notamment en gardant ses poils.
"La jeunesse, c'est le poil, et vieillir c'est perdre ses poils", conclut ce professeur.