C'était la première fois que Halima se retrouvait nez-à-nez avec un cadavre. Ce sera certainement la dernière fois, pour sûr. Mais la chose avait quelque chose de particulier. Ce cadavre était sien. Non pas qu'elle ait trépassé et qu'elle était en admiration face à ce qui lui servait d'enveloppe charnelle mais, quelque part, la dépouille gisant sur le lit lui appartenait.
LE MATIN
20 Décembre 2007
À 15:54
La bonne femme était dans tous ses états et n'arrivait pas à assimiler, encore moins, à gérer cette sensation nouvelle. Quoi de plus normal pour quelqu'un qui vient de commettre un crime et pas n'importe lequel, puisque Halima venait d'ôter la vie qui animait un corps. La chose est d'autant plus compliquée que ce corps, baignant dans une marre de sang, n'était autre que celui de son désormais ex-époux.
Comment peut-on en arriver là, après avoir dit "oui” à quelqu'un que l'on expédiera, quelques années plus tard, six pieds sous terre. Bien avant le déroulement de cette scène macabre, Halima, toute jeune adolescente qu'elle était, avait croisé un jeune homme qui lui fit de l'effet. C'était plutôt une réciprocité par rapport à la générosité du sourire à son attention par Mourad, de huit ans son aîné. Au fil des jours, les deux jeunes, vivant dans le même quartier, finiront par se parler, puis se connaître de mieux en mieux. Par la suite, ce qui devait arriver arriva. Mourad franchit le pas et demanda Halima en mariage. La bénédiction parentale ne saura tarder et les deux tourtereaux convolèrent en justes noces.
Une belle fin pour une histoire d'amour, est-on tenté de dire, sauf que ce n'était que le début de la fin. Une autre fin, tragique celle-ci. Les jours, les mois puis les années s'écoulèrent trop vite pour que le jeune couple puisse s'en apercevoir, immergé qu'il était dans un bonheur sans fin. Cet enchantement ne cessera de prendre de l'envergure et connaîtra son apogée avec l'arrivée au monde d'un premier enfant. Leur vie prendra une autre dimension : c'était la course aux prénoms, aux premières nécessités de bébé, aux petits soins à longueur de journée… bref, leur bonheur décupla d'une façon exponentielle.
Mourad était le modèle parfait du bon papa, s'activant davantage dans son travail, traçant des perspectives d'avenir, zappant sans réfléchir le rendez-vous quotidien au café avec ses copains, afin de rentrer au plutôt chez lui et s'occuper de sa femme, mais surtout de son enfant, comme le dicte si bien la nature. Les jours passèrent, le bébé faisait déjà ses premières foulées que Halima accoucha d'un deuxième enfant. Ce dernier ne bénéficiera pas d'une attention de la même intensité qu'en bénéficia son frère ainé de la part du ‘'chef de clan''. C'est que, depuis quelques mois déjà, la vie du couple avait amorcé sa phase de routine.
De petites rixes ponctuaient leur existence et se faisaient de plus en plus fréquentes. Le deuxième bébé commençait à pousser alors que son père se faisait de plus en plus tardif quant au retour au domicile conjugal. Mourad s'est découvert une nouvelle passion: les femmes. Parfois, il ne rentrait chez lui qu'au petit matin. Un comportement qui se répercuta de façon très négative sur ce couple qui a vu des jours bien meilleurs.
Halima ne restera pas les bras croisés alors que son couple battait de l'aile. Ses petites investigations personnelles lui feront découvrir le pire: Mourad n'avait pas une mais plusieurs maîtresses. Ces dernières ont un point en commun: le plus vieux métier du monde est leur job principal. Halima était tombée des nues et soufrait, durant longtemps, en silence. Un jour, elle décida de secouer le cocotier. N'ayant pas fermé l'œil cette nuit-là, elle guettait l'arrivée de son époux pour aborder la discussion. Ce sera chose faite. Mourad ne dira pas grand-chose, marquant un comportement s'assimilant à du regret. Son épouse en était plus que ravie, prête à tout lui pardonner, à passer l'éponge, pourvu que leur vie reprenne ses anciens soubresauts.
Le calme s'installa, plus d'un mois durant, avant la tempête. Mourad avait fini par renouer avec ses habitudes, rentrant très tard le soir, revenant à ses anciennes fréquentations. Rebelote donc. La vie de tous les jours s'envenima. Les disputes éclataient de plus belle. L'ex-époux modèle faisait preuve même de violence à l'égard de son épouse.
Un soir, Mourad rentrera beaucoup plutôt que d'habitude. Il convoqua sa femme à la chambre à coucher et, on ne peut plus calme, lui annonça qu'il avait l'intention de se marier. Le ciel lui est tombé sur la tête, à Halima, toute sa vie s'est effondrée en un instant, sur les quelques vocables qui composent la pire des phrases qui puisse atterrir dans l'oreille d'une femme. Elle entra dans une colère noire. Une énième dispute éclata, la pire sans doute, puisqu'on en était venu aux mains. Mourad dormait déjà. Cela ne pouvait être le cas de sa femme. Dans son sommeil, Mourad prendra de plein fouet un mortier traditionnel en cuivre dans la gueule. Le coup était tellement violent qu'il lui occasionna plusieurs fractures crâniennes, suite auxquelles il rendra l'âme. C'était la première fois que Halima se retrouvait nez-à-nez avec un cadavre. Ce sera certainement la dernière fois, pour sûr… ------------------------------------------------------------
Je t'aime… donc je te tue
Une histoire d'adultère ne peut que finir mal. Lorsque ça vire au vinaigre, au meilleur des cas, cela aboutit à une séparation, une famille qui vole en éclats, des enfants à l'avenir lourdement compromis et la liste est longue. Au pire, cela donne naissance à des affaires criminelles, telle celle où s'est impliqué un pauvre type que l'on dénommera Yazid. Voilà de quoi faire l'équilibre et ne pas s'arrêter sur une femme qui a tué «son homme» pour tromperie.
Yazid vivra ainsi son pire cauchemar le jour où il sera informé par l'un de ses voisins du comportement peu orthodoxe de sa femme. Celle-ci le tromperait. Et au sein du domicile conjugal même. Tous les ingrédients pour produire un homme prêt à tout étaient réunis. Surtout cette dernière réflexion mentionnée par le voisin : «Voyons, Yazid, tout le monde est au courant de cette histoire…». Yazid bâtira toute une stratégie autour de la question. Il avait chamboulé tous ses horaires d'entrée et de sortie au domicile conjugal, il s'embusquait, parfois, dans un recoin, de façon à épier de loin son foyer, en quête d'un éventuel intrus, source de son profond désarroi. Dans la vie de tous les jours, on qualifie ce comportement de paranoïa.
La justice, elle, parle de guet-apens et de préméditation. Cependant, la partie de chasse allait cesser d'être infructueuse. Un jour, un individu semblait marcher en direction de sa demeure. Il atteint celle-ci, frappe à la porte et s'invite à l'intérieur. Yazid tenait difficilement sur ses jambes… Armé d'une barre, Yazid fit irruption dans la maison. Sa femme sursauta et vint à sa rencontre. Elle était pâle, comme un cadavre. Il l'écarta calmement, se dirigea vers la chambre à coucher et là, l'intrus sursauta à son tour, il reçut le premier coup de Yazid, avant que celui-ci ne se retourna vers sa femme.
Hors de lui, il se déchaîna sur elle avec une rare violence, la laissant raide morte. Poursuivi pour homicide volontaire avec préméditation et guet-apens, il aura à croupir 10 années en prison. Une affaire où tout le monde est perdant, à cause de deux actes irréfléchis. Les grands perdants ? Des enfants qui ne sauront jamais à quoi ressemblent une maman, un papa… tout comme c'est le cas, d'ailleurs, pour les chérubins de Halima.