La société civile revendique une révision de la loi pour établir la filiation des enfants non reconnus
Le phenomène des enfants de parents inconnus a commencé à prendre de l'ampleur ces dernières années en Egypte, suscitant l'inquiétude des défenseurs des droits de l'Homme et des ONG intéressées par les questions de la famille, eu égard au danger que représente ce phénomène sur l'avenir de ces enfants.
Il existe quelque 14.000 affaires d'établissement de filiation soumises aux tribunaux égyptiens et concernant des enfants dont le père est inconnu et qui ne disposent pas de pièces d'identité leur permettant de se scolariser ou de bénéficier de la protection sociale.
Ces enfants constituent "une bombe à retardement" qui peut exploser à tout moment si leur filiation n'est pas reconnue. Cette situation peut les emmener à aller grossir les rangs des 2 millions d'enfants de la rue en Egypte.
La majorité de ces enfants sont issus d'un mariage contracté secrètement ou de relations illégitimes ou encore d'un mariage avec un homme riche, généralement étranger, avec une jeune fille pauvre.
La loi ne reconnaît pas non plus les enfants issus de viols même si le violeur reconnaît son crime.
Ce problème prend des proportions encore plus graves quand on sait qu'il est intimement lié au concept de l'honneur, ce qui implique la nécessité de garder secrètes des relations illégitimes, notamment après la recrudescence du nombre des crimes d'honneur qui ont constitué 10 % du nombre d'homicides en Egypte en 2004, soit 12.000 crimes.
Le problème auquel doivent faire face les mères désireuses d'établir la filiation de leurs enfants, tient au fait que la reconnaissance de cette filiation s'avère impossible compte tenu de l'inexistence d'une loi égyptienne en la matière qui contraint le père à se soumettre au test ADN pour déterminer l'empreinte génétique. Ainsi ces enfants sont dans la plupart des cas affiliés à leur grand-père maternel, ce qui fait de la femme une soeur de son fils au niveau des documents officiels.
Dernièrement, une affaire similaire a défrayé la chronique en Egypte, celle du jeune acteur Ahmed El Fichaoui, dont une liaison avec une jeune fille a donné naissance à une fille. Refusant de reconnaître sa filiation, partant du fait que cette liaison était " illégitime ", ou de se prêter à un test ADN, puisque la loi ne l'y oblige pas, le tribunal a refusé d'affilier la fille au jeune acteur quoique la jeune fille n'a eu de cesse de clamer qu'ils étaient liés par un mariage coutumier.
Face à ce problème, qui s'aggrave avec la prolifération du mariage coutumier (ûrfi) en particulier dans les rangs des étudiants et des veuves, la société civile épaulée par des parlementaires a lancé des campagnes réclamant une révision des textes pour notamment contraindre le père à subir un test ADN.
Les députés ont également proposé de contraindre tout père naturel refusant de reconnaître la filiation de l'enfant de subir ce test, sinon ce refus équivaudrait à une preuve juridique de la filiation de l'enfant.
Au cas où le test s'avèrerait négatif, la mère doit être condamnée à verser une amende et à une prison ferme pouvant aller jusqu'à 3 ans.
Le mufti d'Egypte Ali Jumâa adhère aux revendications de ces députés, précisant que l'Islam appelle à user de tous les moyens scientifiques pour établir la filiation au père naturel, en ayant recours soit aux témoins, soit à la reconnaissance du père naturel ou en se basant sur la ressemblance.
Dans le cas de relations illégitimes ou d'adultère, le mufti d'Egypte a souligné qu'il n'est nul besoin de chercher à établir la filiation, parce que la filiation n'est pas attribuée à l'homme adultère mais à la mère.
Des experts soulignent la nécessité pour le père naturel de reconnaître l'enfant, notamment dans les relations illégitimes, pour garantir son engagement d'assurer les droits de l'enfant. Ils revendiquent la recherche de moyens permettant d'établir la filiation, soit en procédant à un test ADN ou à toute autre procédure, en vue de protéger l'avenir des enfants.
Ces experts estiment qu'il est inconcevable de punir un enfant issu d'un mariage illégitime et de lui faire payer les erreurs de ses parents, parce que cela est contraire au principe de "l'individualité de la sanction" en Islam.
Par contre, certaines personnes rejettent l'établissement de la filiation, considérant que cela ouvrirait la voie à la débauche et offrirait une couverture légale aux relations interdites.
L'empreinte génétique, ajoutent-ils, permet certes d'infirmer la filiation mais ne permet pas de l'établir à 100%, ce qui rend ce moyen, en l'absence d'autres preuves attestant la légalité du lien conjugal, non objectif.
Ils considèrent que le recours de plus en plus fréquent à l'établissement de la filiation peut arranger certains hommes de mauvaise intention, qui en se mariant avec des filles de bonnes familles cherchent à contraindre ces dernières à admettre ce mariage et les mettre devant le fait accompli.