Qu'aurait été l'été sans ses grands festivals, immanquables rendez-vous, événements désormais ancrés dans le programme culturel du pays. Le Festival Gnaoua,celui de Casablanca, Timitar, Mawazine… ces noms évocateurs ont-ils quelque chose à envier aux myth
LE MATIN
02 Septembre 2006
À 20:15
Durant deux, trois, quatre jours, une semaine parfois, le spectateur était alors jeté dans la fosse collective. Et la vie du festivalier commençait, rythmée par les spectacles, les applaudissements, les cris de joie, les petits échanges et les grandes rencontres.
Les spectacles ont été nombreux, souvent trop d'ailleurs pour pouvoir les voir tous. On avait l'embarras du choix. Et puis de toute façon, on ne pouvait pas tout aimer ! Et c'est là tout l'intérêt de la chose : quand un groupe, par exemple, quittait la scène et laissait sa place au suivant, c'était tout le festival qui se reconstruisait et qui vivait. La foule se redessinait, les éreintés s'en allaient vers le fond, les aficionados requinqués s'avançaient… ces grands rendez-vous sont un peu l'occasion d'un bilan culturel de l'année.
Qu'est-ce qui a marché ? Qui est revenu ? Qui est encore vivant ? Qu'est-ce qui a été révélé ? … Parmi ces nombreux rendez-vous de l'été, cinq d'entre eux ont réellement retenu notre attention car malgré l'éclectisme des thèmes et la richesse de la programmation, certains suggèrent des tendances et génèrent une réelle rentabilité. Le fameux festival Gnaoua d'Essaouira a fêté cette année ses neuf ans. Longtemps n°1 de la fréquentation avec plus de 450.000 visiteurs, largement médiatisé, sponsoring aidant -il semblerait même qu'on le nomme le «Woodstock marocain»-il a été détrôné par le festival de Casablanca qui, à sa deuxième édition seulement, a déjà battu certains records notamment en terme d'affluence : 3 millions de spectateurs. Le bilan est positif, et ce n'est un scoop pour personne.
Un budget énorme, des artistes internationaux, nationaux, populaires et des manifestations culturelles gratuites. «Plusieurs facteurs ont fait de cette deuxième édition un réel succès. Tout d'abord, grâce à sa première édition durant laquelle nous avons acquis une certaine crédibilité auprès du public et sur laquelle nous avons capitalisé cette année. Ensuite, la bonne programmation qui était très proche des attentes du plus large public, accompagnée d'une bonne couverture de la ville au niveau des sites.
Enfin, la médiatisation. La presse a compris que ce festival était un acquis non seulement pour Casablanca mais aussi pour le Maroc», explique Hicham Abkari, conseiller artistique du festival.
Devant 200.000 personnes sur la place de Sidi Bernoussi, le grand Khaled a mis le feu et a distrait des milliers de familles marocaines sorties de chez elles à la recherche de divertissement. C'est là, le point fort de ce festival. Mais à Casablanca, les incidents se sont multipliés malgré le grand dispositif de sécurité. Spectateurs trop nombreux ou incivils ? La troisième place du classement est sans conteste occupée par le Festival des musiques amazighes Timitar.
Celui-ci a drainé environs 600.000 spectateurs avec plus de 80.000 personnes pour le concert de Mami. A la quatrième position, Tanjazz, qui a atteint cette année l'apogée de sa notoriété, soit 97 %. «On n'a jamais eu autant de monde ! Selon le rapport de police, il a été recensé environ 7.000 personnes pour les concerts payants et nous avons atteint 80.000 personnes pour les gratuits. D'ailleurs, nous recevons déjà des demandes de participation de musiciens internationaux pour la prochaine édition», indique Philippe Lorin, créateur et directeur de Tanjazz.
Et enfin, Mawazine- rythmes du monde, à Rabat, a également battu son plein cette saison, perpétuant le concept du festival à thème en faisant découvrir comme chaque année des expressions culturelles marocaines et étrangères.
Dans une atmosphère plus recueillie, mais non moins envoûtante que celle des autres festivals, l'incontournable Festival des musiques sacrées de Fès se fraie une place aussi importante. Seule faille cette année : la programmation qui a dévié de la sacralité vers une mobilisation pour la paix : un Enricos Macias qui a chanté pour l'universalité, une musique classique occidentale pour représenter les musiques du monde… et le tout payant. Le bilan est vite tiré. Cependant d'autres grands artistes et confréries marocaines ont été programmés hors des scènes payantes.
Nombreux ont été les festivals cette année. Un pour chaque ville. À la question : «Des festivals aussi nombreux ne se font-ils pas concurrence et ne risquent-ils pas d'empiéter les uns sur les autres ?», les concernés ont répondu que le monde des festivals n'est pas un marché où il est question de concurrence. Ils sont au contraire une aubaine pour le Maroc car ils encouragent l'activité commerciale, draine les touristes nationaux et étrangers et surtout divertissent les locaux.