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Enfin, un hommage à la chanson marocaine moderne

30 Septembre 2006 À 13:39

Une fois n'est pas coutume, la chaîne de la rue Brihi à Rabat nous offre une émission à la fois légère et nostalgique, voire enrichissante. Une idée pour rendre hommage aux pionniers de la chanson marocaine moderne s'imposait. Surtout que nous connaissons le sort d'une partie des archives de la télévision nationale. En effet beaucoup de nos artistes sont jetés dans l'oubli, voire l'indifférence.

Pour ce soir, l'émission tournera autour de la chanson «Ma ana illa bachar», écrite par le poète et dramaturge Ahmed Tayeb El Alj, composée et interprétée par Abdelouahab Doukkali. Elle reste l'un des tubes indétrônables de la chanson marocaine moderne. A la fin des années soixante, la «Chouhroura» Sabah en a réalisé un enregistrement qui a fait le tour des pays arabes.

Nous avons, à ce titre, une pensée pour la star libanaise dont l'état de santé est critique. Dans «Filbali oughniatoun», émission co-réalisée par Mohamed Ameskane et Mohamed Minkhar, une kyrielle d'invités évoquent, avec nostalgie, cette passionnante saga. Il faut s'attendre à un certain nombre de surprises.
Coïncidant avec le mois sacré, cette série documentaire traite de trente chansons marocaines modernes. Elle est diffusée par la TVM tous les lundis à 23h45. Des chansons qui dépassent leur temps en longévité, pour séduire des générations d'auditeurs et de téléspectateurs sans égard aux effets de mode, des refrains de la mémoire qu'on ne cesse de fredonner avec délectation et plaisir.

Derrière cette émission, un travail de recherche de plus de trois ans avec de grandes difficultés à retrouver les documents filmés. Mohamed Ameskane a voulu chercher l'originalité dans l'information qu'il apporte aux téléspectateurs, des interventions de personnes inattendues. Pour l'anecdote, le concepteur de l'émission évoque une histoire concernant la chanson «Andi Badaouia» de Mahmoud Al Idrissi, «nous avons retrouvé par hasard une bobine de 16 mm, chez un particulier à Temara, montrant un orchestre chinois interprétant la chanson de Mahmoud en 1967 au théâtre Mohammed V. Ceci est un exemple de document inédit que nous avons réuni pour conserver cet héritage indissociable de notre identité»

Ce projet aura demandé 18 mois supplémentaires pour être concrétisé en tournage, recherches et montage, «nous avons interviewé plus de cent personnes. Nous avons eu beaucoup de mal à retrouver les archives filmés de chansons qui datent des années soixante ou soixante dix.

En effet, il existe un vrai problème d'archivage pour la médiathèque nationale». Pour l'histoire, «Filbali oughniatoun» étant une émission de divertissement, se pose tout de même comme objectifs d'honorer les pionniers de la chanson moderne marocaine, de stimuler la créativité chez les nouvelles générations et de participer à la sauvegarde d'une partie intégrante de notre imaginaire, de notre mémoire collective, voire de notre patrimoine.

Comme tout documentaire, «Filbali oughniatoun» se base sur des archives, quelquefois rares, et sur des témoignages. Chaque chanson est présentée en fragments et en différentes versions avec des reprises par des voix marocaines et arabes. De Houcine Slaoui à Ibrahim Alami en passant par Mohamed Fouiteh ou encore Abdelwahab Doukkali, cette émission pourrait être lue comme une sorte de musée dont le rôle est de conserver une mémoire délaissée au hasard des transformations des goûts, de l'oubli et de l'offre grandissante de chansons fast-food envahissantes et éphémères.

C'est aussi une occasion de rappeler que faire des chansons de qualité ne demande pas d'énormes moyens contrairement à ce que l'on veut faire croire. En effet, un titre comme «al kamar al ahmar» de Abderrafii Jouahri pour les paroles, Abdessalam Amer pour la musique, et Abdelhadi Belkhayat pour l'interprétation, n'a eu droit en tout, qu'à un cachet de 200 dirhams ! Pourtant c'est l'un des plus beaux chefs-d'œuvre de la chanson marocaine.

La chanson y est située dans son contexte historique, le processus de sa création décortiqué et agrémenté des mille et une anecdotes la concernant.
Des interventions succinctes de paroliers, compositeurs, chanteurs et autres personnalités qui viendront apporter plus d'informations sur les conditions dans lesquelles ses chansons ont été créées, enregistrées ou accueillies par le public. «Filbali oughniatoun» est montée d'une manière originale, avec un traitement fidèle à l'esprit des chansons précitées, à la fois ludique et didactique, ce qui en fait un long clip de 26 minutes qui associe plaisir et culture.
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