Fête du Trône 2006

«Le PPS veut rajeunir et féminiser ses troupes»

20 Avril 2006 À 15:42

Le PPS veut rajeunir et féminiser ses troupes et apporter du renouveau dans sa structure organisationnelle. C'est du moins ce que déclare son secrétaire général Ismaïl Alaoui. Le prédécesseur de Ali Yaâta, qui est visiblement parti pour briguer un nouveau mandat à la tête du PPS, se raccroche à l'alliance avec la Koutla, véritablement stratégique à ses yeux, et tente de mobiliser les troupes pour aborder l'échéance des législatives avec un bon moral et des atouts. Une action qui est tout sauf aisée dans le contexte politique actuel.

Le Matin : vous avez qualifié le septième congrès du PPS d'étape décisive, en quoi ouvrira-t-il, comme vous dites, une nouvelle page pour votre parti ?

Ismaïl Alaoui :
C'est de notre devoir de relever le défi politique qui nous attend, nous voulons pour cela que notre machine soit opérationnelle. C'est dans ce sens que j'ai parlé d'une nouvelle page dans notre histoire. Je crois que, jusqu'à ce jour, nous avons été un parti qui a toujours répondu présent au pays, à la nation, aux classes laborieuses. Maintenant, en plus de cette présence, il va falloir agir de manière encore plus forte pour consolider les acquis, pour les défendre, car ils sont menacés, et aussi pour les développer.

Sans développement de ces acquis, ils risquent de s'étioler et de disparaître. C'est pour cela que nous avons estimé que ce congrès devra permettre au parti une mutation qualitative et l'accès à un stade supérieur de son développement.

Des mutations, votre parti en a connues depuis sa création et qui sont allées dans le sens de l'adoption d'un assouplissement de vos thèses initialement très à cheval sur la doctrine marxiste. Jusqu'où êtes-vous capables d'aller aujourd'hui ?

Je crois qu'il va falloir mettre les horloges à l'heure. La mutation dont vous avez parlé a été inspirée essentiellement de notre idéologie et de notre philosophie. Nous sommes des marxistes, nous sommes donc des gens qui tiennent compte de la dialectique et de la réalité des faits. Nous n'avons jamais oublié que les faits sont têtus, par conséquent notre mutation n'apparaît qu'aux yeux de ceux qui ne nous connaissent pas de manière profonde.

Certains pensent que nous avons été un parti dogmatique et rigide, or l'histoire, depuis la naissance du parti en 1943, a toujours montré que notre formation n'avait absolument rien de dogmatique ni rigide, ni rien qui pouvait effrayer qui que ce soit. Nous avons continué dans cette voie. Nous avons pris acte des mutations de notre société et aussi de ses retards et nous nous sommes conformés à la réalité de la société marocaine.

Quelqu'un m'a posé la question de savoir si nous étions encore socialistes, étant donné que le socialisme a toujours été contre la religion. C'est un mythe qui a la vie dure. Le socialisme n'a rien à voir avec la religion. Le socialisme est un mode de production, c'est un système de formation économique et sociale qui n'a rien à voir avec les croyances intimes de tout un chacun. Nous ne faisons pas de la philosophie lorsque nous pratiquons la politique, lorsque nous pratiquons l'organisation des masses et lorsque nous nous intéressons à l'organisation de notre parti.

Bien évidemment cela n'interdit pas à quiconque de faire de la philosophie, comme cela n'interdit pas non plus à quiconque d'avoir sa foi et sa croyance. Nous avons parmi nous des camarades qui sont profondément croyants, d'autres peut-être croyants sans être pratiquants, d'autres encore pratiquants sans être croyants. C'est la liberté de chacun et nous la respectons. Il y a lieu d'insister sur cela et de ne pas admettre qu'un parti comme le nôtre doit être nécessairement anti-religieux.

Vous avez toujours insisté, dans vos déclarations publiques, pour dire qu'un parti à référentiel religieux, et vous prenez exemple sur les parti chrétiens en Europe, a sa place sur l'échiquier politique marocain. Est-ce un message que vous adressez à une certaine force en présence dans le champ politique ?
Clairement, est-ce qu'une alliance avec le PJD est envisageable pour vous en cas de victoire de ce parti, comme le prédisent certains sondages, aux législatives ?


Je voudrais d'abord préciser que notre respect du référentiel que choisirait un parti est un respect des idéaux démocratiques. On ne peut pas se dire démocrate et empêcher quiconque de s'affirmer comme il le veut. De ce côté là, la démocratie s'éprouve, comme d'ailleurs la morale. Le respect de l'autre aussi. C'est dans cet ordre que nous n'avons jamais fait ombrage à un référentiel choisi par qui que ce soit. Il est certain que la manipulation et l'utilisation de la religion à des fins politiques pose problème. Car, c'est une sorte de viol des consciences de milliers de gens. Nous sommes contre cela.

En ce qui concerne la possibilité d'alliance avec le parti dont vous parlez, je signale que nous avions été alliés lorsque cette formation soutenait l'expérience du gouvernement menée par Si Abderrahmane El Youssoufi. Nous avions même tenu des réunions avec eux pour savoir dans quelle mesure nous pouvions renforcer le soutien à ce gouvernement. Lorsqu'ils ont décidé de prendre une autre voie, nous avons divergé et nous continuons aujourd'hui, puisqu'ils se trouvent dans l'opposition et nous au gouvernement. Mais ce qui est plus grave, c'est que depuis cette péripétie nous avons constaté que ce parti pratique un double langage.

Un langage, disons, de cérémonie, de circonstance où l'attachement aux idéaux de la démocratie est là. Mais dans la pratique, ils ont un langage et des positions qui sont aux antipodes du respect des autres.

Des positions qui sont plutôt le reflet du totalitarisme, puisqu'on essaye d'interdire à notre peuple de s'amuser et de profiter de la vie. Pas plus tard qu'il y a quelques semaines, de jeunes étudiants liés à cette organisation sont intervenus pour empêcher d'autres étudiants de fêter la sortie d'une de leurs collègues de promotion. Je pense qu'il faudrait savoir ce que l'on est, pour se faire admettre par les autres. Visiblement, ils ne savent pas qui ils sont.

Pensez-vous, comme c'est un peu la tendance générale aujourd'hui, que c'est un concurrent redoutable pour les prochaines législatives ?

Tout concurrent est redoutable, peu importe sa nature. Il faut lui apporter la contradiction. Personnellement, je m'étonne beaucoup que certains se laissent aller aux chants des sirènes. Je suis d'autant plus étonné que c'est surtout un centre lié à une puissance étrangère qui a essayé de présenter la chose de manière idyllique en se basant sur un soi-disant sondage.

Vous pensez à une manipulation d'image ?

Je pense que c'est une manipulation d'image, c'est une manipulation à laquelle notre monde arabo-musulman a été soumis depuis longtemps. Je crois même que beaucoup de nos malheurs viennent du fait que cette puissance a toujours joué l'apprenti sorcier. Je doute qu'elle le fasse sans discernement ni sans science.

Les partis du bloc démocratique n'ont-ils pas laissé le terrain vide, particulièrement à la suite des élections de 2002 et des querelles qui avaient suivi au sujet de la composition du gouvernement, favorisant l'émergence réelle du PJD ?

Il est certain que les divergences qui ont suivi les élections sont regrettables et le seront encore si elles continuent. La désunion ne peut que faire l'affaire du concurrent. Il y a donc à ce niveau une part de responsabilité de la part des partis démocratiques. Mais je ne crois pas qu'ils aient laissé le champ libre d'une manière spontanée. Il faut aller au fond des choses et constater que ce mouvement semble jouir de moyens financiers extraordinaires. Il faut se poser la question de savoir d'où ils viennent et quelle est leur origine première.

Vous supposez qu'il s'agit de fonds venus de l'étranger ?

Je crois qu'au départ il y a eu certainement des soutiens financiers qui seraient venus des pays de la péninsule arabiques, ou d'ailleurs. Ils ont su fructifier cette manne dans plusieurs domaines. Ils ont également su utiliser la spontanéité de la population vis-à-vis de son identité. Je pense que les gens ont constitué un trésor de guerre dont ils ont su user pour s'attirer la sympathie des couches populaires démunies qui ont besoin de tout et qui sont très sensibles à ce réflexe identitaire.

Il y a eu un coup de froid jeté sur les relations au sein de la Koutla depuis l'issue des législatives de 2002. Il y a quelques jours, une photo souvenir a été prise, à l'occasion de la présentation du rapport commun des trois partis de la Koutla au sujet du Sahara, pour montrer que le réchauffement est aujourd'hui à l'ordre. Derrière cette photo de circonstance, la réalité de l'union est-elle aussi solide ?

Derrière, il y a une volonté très forte d'aller de l'avant. Il est vrai que nous sommes pris dans le maelstrom de la vie ; pour notre part, nous sommes occupés par le congrès, mais à partir de la semaine prochaine nous nous remettrons au boulot. Plus que la volonté, il y a un travail qui se fait pour la révision de la Charte de la Koutla et la formulation d'un programme qui pourrait être commun pour les partis du centre jusqu'à la gauche.

Visiblement, la coordination se fait plus avec l'USFP qu'avec l'Istiqlal ?

Je ne suis pas de votre avis, je pense que les relations sont extrêmement cordiales avec tous les partis. En tous les cas pour ce qui nous concerne. Nous essayons, justement, d'agir pour mettre suffisamment d'huile dans les engrenages et pour que les choses tournent convenablement.

Le congrès du parti s'ouvre aujourd'hui à Bouznika. Le PPS va-t-il oser le rajeunissement et la féminisation de ses troupes ou garder le statu quo sur son organisation ?

Vous pouvez être tranquille, nous allons rajeunir et féminiser nos troupes.

Allez-vous dépasser la barre des 20 % de représentation de ces profils au sein de vos instances de décision ?

Je pense que nous allons dépasser cette barre, qui est d'abord psychologique. Il y aura donc un rajeunissement, de la féminisation et du renouveau dans nos structures, que ce soit au niveau du comité central ou du bureau politique.
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