«Le grand frère des banlieues» sauvé par le sport
Enfant d'immigrés en France, El Quandili retrace le chemin qui l'a mené à la gloire
LE MATIN
18 Novembre 2006
À 22:16
Et dire qu'il suffit parfois d'une rencontre anodine, d'une coïncidence fortuite, ponctuelle, pour que la vie d'un homme bascule et s'engage dans une direction dont il soupçonnait pas jusqu'alors la possibilité.
Abel El Quandili, le champion du monde de full contact est cet homme : "C'est par hasard que j'ai découvert ce qui allait être au cœur de ma vie: la boxe", raconte-t-il dans un livre qu'il vient de faire paraître chez Tarik Editions. "Je discutais avec des copains en bas de mon immeuble quand mon regard a été attiré par une paire de gants posés sur les boîtes aux lettres." A qui appartenaient-ils ? Je n'en sais rien. C'était la première fois de ma vie que j'en voyais de si près. Hypnotisé, je les ai enfilés et j'ai mimé des scènes de combat.
On connaît la suite.
El Quandili non seulement accèdera plus tard au sommet du podium de la boxe en tant que champion du monde, mais deviendra pour les jeunes autour de lui, et un peu partout en banlieue parisienne et ailleurs, le symbole de la réussite et un modèle à suivre.
De la coupe aux lèvres, il y a bien du chemin, cependant. C'est cette traversée tortueuse et un tantinet incertaine qu'il raconte dans son livre. Histoire d'une vie, histoire d'un combat tous azimuts d'une famille marocaine immigrée en France depuis le début des années 60. Objectif : survivre.
A la misère et à l'exclusion. El Quandili a vu le jour dans un bidonville à Nanterre. "Paris est à trois kilomètres, mais c'est déjà la zone". Sa mère, à peine l'accouchement terminé, rentre à pied de l'hôpital sous une pluie diluvienne qui transforme le bidonville en terrain boueux. On imagine la vie dans une baraque sans eau, sans électricité. Heureusement, il y avait la solidarité des voisins.
La famille ne baisse pas les bras pour autant. Grâce à la poigne d'une mère intransigeante quant à l'éducation de ses enfants, et malgré le drame qui l'éprouva après la perte de l'un de ses enfants, elle tient à ce que le petit Abel fasse de bonnes études dans une école privée. Plus, il trouve du temps pour suivre des cours de karaté dans un club. En 1980, il participe à la compétition pour le titre de champion départemental et réussit à gagner. Désormais, le nom d'El Quandili sort de l'anonymat. Il a 16 ans.
"Victoire d'un prodige" titre un journal" c'est un moment d'une force extrême (..), et je lis dans le regard de ma mère la fierté d'une sorte d'honneur recouvré, de revanche contre le destin".
C'est à la même époque que les problèmes des banlieues surgissent. A cause du chômage et de l'exclusion, affirme El Quandili : "C'est à ce moment que les rapports sociaux se sont dégradés et qu'on a commencé à parler de crise d'identité, de perte de repères, de rejet".
El Quandili va se retrouver bientôt au cœur de ce malaise. Sauvé lui-même et reconnu par les autres grâce au sport, il décide de mettre à profit son expérience pour aider d'autres jeunes à s'en sortir.
En 1984, il crée avec l'un de ses frères l'association "Sport et insertion jeunes". Le succès est immédiat "Une centaine d'inscrits dès le premier mois. Certains viennent du centre-ville, les autres de nos quartiers, ou des villes avoisinantes. C'est une véritable mixité sociale". L'étoile d'El Quandili ne cesse de monter au firmament, en tant que sportif et personnalité active dans le domaine associatif. Ce qui lui vaut une reconnaissance du Président François Mitterrand.
REPÈRES
1964: Naissance à Nanterre, de parents marocains immigrés
en France.
1980 : El Quandili remporte le championnat départemental des clubs d'arts martiaux.
1984 : il crée l'Association "Sport insertion jeunes".
1986 : il remporte le titre de champion d'Europe, au tournoi open des arts martiaux.
1991 : il décroche la médaille d'or pour le compte du Maroc au World Association Karaté Organisation.
1996 : il est champion du monde de Kick-boxing.