L'ex-Premier ministre pakistanais et leader de l'opposition Benazir Bhutto a été tuée jeudi dans un attentat suicide qui a fait au moins 16 autres morts à l'issue d'un meeting électoral dans la banlieue d'Islamabad, à deux semaines des législatives.
Benazir Bhutto tuée dans un attentat suicide
AFP
27 Décembre 2007
À 20:17
"Selon nos informations, elle est décédée, un fragment de la bombe l'a apparemment touchée", a annoncé à l'AFP le porte-parole du ministère de l'Intérieur, Javed Cheema.
Elle avait été transportée blessée à l'hôpital, avait assuré peu avant à l'AFP un responsable de son parti. L'attentat a été perpétré à Rawalpindi, une grande ville qui jouxte la capitale pakistanaise. Immédiatement après le drame, plusieurs corps déchiquetés jonchaient la route, a témoigné un journaliste de l'AFP sur place. Au moins 16 personnes ont été tuées, ont assuré à l'AFP plusieurs officiers de police sur les lieux, avant que ne soit annoncé le décès de Mme Bhutto. "Un kamikaze a fait exploser la bombe qu'il portait sur lui alors que les gens quittaient le meeting", a précisé Javed Cheema.
Ce drame est le dernier d'une série record d'attentats suicides dans l'histoire du Pakistan, qui ont fait plus de 780 morts en 2007. Le plus meurtrier, pour l'heure, avait déjà visé une manifestation du parti de Mme Bhutto: le 18 octobre, deux kamikazes avaient tué 139 personnes dans un gigantesque défilé de sympathisants qui célébraient, à Karachi, la grande ville du sud, le retour de l'ex-Premier ministre après six années d'exil.
Mme Bhutto avait réchappé à ce double attentat parce qu'elle se trouvait à l'intérieur d'un camion blindé en tête du défilé. Depuis lors, les autorités ont multiplié les avertissements, assurant que des informations "précises" permettaient de penser que les terr ristes islamistes voulaient attenter à sa vie. Après l'attentat du 18 octobre, Mme Bhutto avait accusé à plusieurs reprises des "hauts responsables" proches du pouvoir et des membres des services de renseignements d'être à l'origine de cette attaque, sans jamais le prouver. L'ex-Premier ministre dirigeait le principal parti de l'opposition au président Pervez Musharraf, le Parti du Peuple Pakistanais (PPP) depuis qu'elle lui avait tourné le dos début novembre après avoir négocié, dans un premier temps, un accord de partage du pouvoir qui lui avait permis de rentrer d'exil grâce à une amnistie mettant un terme à des poursuites pour corruption du temps où elle dirigeait le pays (1988-1990 et 1993-1996).
C'est précisément en invoquant notamment la menace terroriste islamiste que M. Musharraf avait instauré l'état d'urgence le 3 novembre. Après quelques jours de tergiversations, Mme Bhutto avait mis un terme à ses négociations avec le chef de l'Etat pour un partage du pouvoir dans la perspective des élections législatives et provinciales prévues pour le 8 janvier et était entrée dans l'opposition.
Face à la pression intense de la communauté internationale et de l'opposition, M. Musharraf, qui a été réélu pour un second mandat le 6 octobre par les assemblées sortantes, avait finalement levé l'état d'urgence le 15 décembre et promis de tout faire pour assurer la sécurité de la campagne électorale et des opérations de vote. Mme Butto menait campagne contre M. Musharraf mais surtout contre les fondamentalistes musulmans, en promettant d'"éliminer la menace islamiste" du pays. L'année 2007 a connu un record absolu du nombre d'attentats.
Avec celui de vendredi, plus de 780 personnes ont été tuées cette année à travers le pays, quasi-exclusivement par des kamikazes. Les Etats-Unis, dont le Pakistan de M. Musharraf est l'allié clé dans leur "guerre contre le terrorisme", estiment qu'Al-Qaïda et les talibans afghans, épaulés par des militants locaux, ont reconstitué leurs forces dans les zones tribales du nord-ouest, d'où ils menacent de nouveau les Etats-Unis. Après le siège puis l'assaut de la Mosquée rouge d'Islamabad début juillet, dans lequel une centaine de fondamentalistes lourdement armés ont été tués, Oussama ben Laden lui-même avait déclaré le djihad, la "guerre sainte", à M. Musharraf et son régime, pour venger ces "martyrs".
Et récemment, un commandant proche des talibans a annoncé, selon la presse pakistanaise, qu'il ferait tout pour empêcher les élections. ------------------------------------------------------
La défunte en quelques dates
> L'ex-Premier ministre pakistanais Benazir Bhutto a été la première femme de l'ère moderne à diriger un pays musulman, à 35 ans seulement. Elle fut deux fois Premier ministre de la République islamique du Pakistan, de 1988 à 1990 et de 1993 à 1996.
Son époux fut emprisonné de 1996 à 2004 et elle a préféré fuir en 1999 en exil à Londres et Dubaï pour échapper au même sort. Depuis son retour d'exil mi-octobre, elle était devenue l'une des principales opposantes au président Pervez Musharraf. A 54 ans, elle a pu revenir dans son pays il y a deux mois sans être inquiétée parce que M. Musharraf l'avait amnistiée, dans le cadre d'une négociation entre les deux leaders pour un futur partage du pouvoir.
Elle lui avait finalement tourné le dos un mois plus tard, après que le chef de l'Etat eut décrété l'état d'urgence en invoquant la menace terroriste islamiste. Née le 21 juin 1953, fille aînée de l'ancien Premier ministre Zulfikar Ali Bhutto, pendu en avril 1979, Benazir Bhutto avait fait ses études aux Etats-Unis, à Harvard, et obtenu un diplôme de philosophie à Oxford. Elle était retournée au >Pakistan en 1977, quand son père avait été renversé par le général Zia ul-Haq. Emprisonnée à plusieurs reprises ou placée en résidence surveillée, elle a réorganisé le Parti du peuple pakistanais (PPP) fondé par son père. Exilée en janvier 1984 à Londres, elle a fait un retour triomphal en 1986. Mariée en 1987 à Asif Ali Zardari, Benazir Bhutto était mère de trois enfants.