L'humain au centre de l'action future

Omar Salim raconte sa «Concubine»

Une autobiographie romancée

26 Décembre 2006 À 16:22

Il n'a pas eu une vie de tout repos, Omar Salim. Du moins, c'est ce qu'on comprend d'après son deuxième livre «La concubine». Deux romans en une année et le troisième est déjà prêt, on peut dire que le journaliste est prolifique. «J'ai assez de temps maintenant pour écrire. C'est une thérapie magnifique pour moi et c'est ma façon de riposter et de me battre», nous confie-t-il.

Si vous soupçonnez une note guerrière dans ses propos, vous avez raison de le penser car Omar Salim, le directeur des programmes à la deuxième chaîne, est en pleine guerre depuis des années. «Déjà en 1990, j'étais victime d'un complot à 2M. L'explication : toute modestie mise à part, la qualité et le professionnalisme dérangent!». Après avoir accepté le poste du directeur des programmes et de l'antenne, proposé par Noureddine Saïl, fraîchement nommé à la tête de 2M, Omar Salim fut surpris par la décision de Mustapha Ben Ali, le nouveau directeur. «Sans explication, j'étais mis au placard.

Mais puisque j'ai une conscience, je voulais rentabiliser mes 26 ans de métier. L'émission «Arts et lettres» était ma façon de faire de la culture à 2M et de justifier mon salaire auprès des contribuables. J'ai décidé après de l'arrêter parce que j'estimais, qu'il est temps que ma situation soit clarifiée. J'ai entièrement confiance en Faïçal Laâraïchi et c'est à lui de trancher dans cette affaire», explique, avec beaucoup d'amertume, l'écrivain du «Placard» et de « La Concubine». -

Qu'est-ce qui pousse un homme de théâtre à se convertir en journaliste puis en écrivain ? En lisant «La Concubine», la réponse serait «la déception» ou plutôt «les» déceptions. Fraîchement diplômé de la Sorbonne, le jeune Omar, de son vrai nom Mohamed Salim Ben Amar, décide de se consacrer à sa passion de toujours : le théâtre. Ceci au grand dam de son père qui lui rêvait d'une carrière diplomatique.

Dans une autobiographie «romancée», comme il aime à la décrire, Salim remonte le temps et nous raconte dans son livre ses jeunes années à l'Hexagone, sa blessure d'amour, son prompt retour au Maroc, sa «re» découverte du pays, ses amitiés, ses «métamorphoses», ses joies et ses malheurs. «Il s'agit d'une trilogie.

«Le Placard» est le premier volet. Il émane de faits réels, d'un vécu qui m'était raconté par la famille. «La Concubine» raconte une autre décennie : de 1980 à 1990. C'est mon retour au Maroc après 9 ans d'absence en France. Les années 80 étaient vraiment difficiles. Bien que mon diplôme me permettait d'autres possibilités, je voulais faire du théâtre. Mais ma déception a été des plus grandes. J'étais confronté à une réalité sordide, il n'y avait ni culture, ni théâtre, ni cinéma, ni littérature… dans ce pays. Strictement rien, c'est l'indigence totale», se rappelle Salim, un nœud dans la voix.

Le temps ne semble pas guérir toutes les blessures. Elles semblent encore vivaces. A travers ses récits, l'écrivain se souvient de sa première véritable création en tant que metteur en scène au théâtre municipal de Casablanca. Enthousiasme, trac, joie puis dépit, déception et résignation…dans cette première et dernière expérience, l'homme de théâtre va vivre tout un spectre d'émotions… résultat : «je jette l'éponge» après une première représentation.
«Dans ses conditions et pour pouvoir exercer ma passion, je me suis converti en journaliste.

J'étais rendre visite à mes amis d'enfance Fahd et Nadir Yaâta. J'écrivais des chroniques littéraires à Al Bayane puis à l'Opinion. Je me suis rendu compte assez tôt qu'il n'y avait pas de presse non plus dans ce cher pays. C'est un vide sidéral», se rappelle-t-il. Un vide ? Pas tout à fait, car l'écrivain n'oublie quand même pas de décrire un micromilieu assez atypique ponctué par un penchant démesuré pour l'alcool.

Omniprésente, cette boisson magique qui semble servir de thérapie à tout ce beau monde en mal de vivre est un leitmotiv qui revient tout au long du roman. C'est un personnage à part entière qui sert à révéler l'identité véritable, les démons et les aspirations des personnages brossés par Salim. «Ce livre est le témoignage d'un journaliste qui découvre qu'il n'y a qu'une presse fantomatique», résume l'écrivain.

Désabusé, le jeune journaliste décide de repartir en France. Le destin fait qu'il débarque à Tanger et tombe sous son charme. Ses amis réussissent à l'enrôler dans une nouvelle aventure, la radio et c'était Médi 1. «Dans ce milieu assez glauque, malsain et complètement plombé, arriva Médi 1. Ton libre, liberté d'expression, la nouvelle radio du Maghreb est venue insuffler une nouvelle manière de communiquer», décrit Salim.

Baptême sur les ondes, premiers pas dans la radio, évolution, rencontres…Tout y passe. Durant des pages, le lecteur est traîné dans les dédales de la mémoire toujours fraîche de l'écrivain. Plus épanoui, Salim se lie d'amitié avec un ténor de la littérature marocaine et un grand amoureux de Tanger, Mohamed Choukri.

Dans «La Concubine», Salim nous rapproche de la vie intime de l'écrivain. Il raconte son tempérament passionné, ses virées éthyliques et ses anecdotes atypiques. «Dans "La Concubine", il y a ce côté romanesque, il y a de la fiction mais il y a beaucoup de réalité», se défend l'écrivain. Son nouveau roman peut être considéré comme un témoignage d'époque bien personnel.
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Pas celle qu'on croit

«La Concubine, ma concubine, c'est Tanger. Elle est belle, mystérieuse, séductrice, provocatrice et insolente dans sa grâce. La couverture n'est qu'un petit leurre qui renvoie à Tanger», explique Salim.

Dans le livre, ce n'est qu'au bout de plusieurs chapitres qu'il livre son secret coquet. Il a su maintenir le suspens, vu qu'à premier abord chacun est tenté de penser à une femme qui a peut être chamboulée l'existence de l'auteur. Pour Salim, la ville du Détroit c'est l'antre des marginaux du monde, le port accueillant où tout le monde peut entrer et sortir en toute liberté.

C'est la ville des espions, des bandits, des trafiquants et des intellectuels qui a su le maintenir à ses côtés le plus longtemps possible et il en était ravi…
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